En 1928, les Annales de maladies vénériennes (publiées en
France de 1906 à 1940) rapportent un cas clinique succin,
mais des plus inhabituels, par Monsieur le Dr Barthélemy
[1]. Inhabituel en raison de la cause identifiée, qui peut faire
sourire, mais également par la truculence et l’enthousiasme
dont fait preuve le narrateur.
Ainsi, le Dr Barthélémy1 rapporte un cas, datant déjà,
d’il y a « quelques années », d’une femme examinée dans
le cadre d’une visite sanitaire dans une « maison » (maison est imprimée entre guillemets dans le texte). Lors de
l’examen de la bouche de la patiente, dont ni l’âge, ni les
antécédents ne nous sont donnés, le médecin identifie de
« multiples taches purpuriques dont certaines atteignent le
diamètre d’une pièce de 0 fr 50 ». Elles sont « grossièrement arrondies, un peu irrégulières sur le contour, (. . .),
franchement ecchymotiques, sur un fond muqueux normal ».
Le reste de l’examen bucco-pharyngé et l’examen clinique
général de cette patiente sont strictement normaux. Aucune
autre lésion purpurique cutanée ou muqueuse n’est trouvée.
Le médecin reste perplexe devant ce « purpura vélo-palatin
indolent », que la patiente n’avait d’ailleurs pas remarqué
Adresse e-mail : nicolas.kluger@hus.fi 1 Le prénom et le lieu d’activité du Dr Barthélemy ne sont pas
précisés dans l’article.
et pour lequel il élimine toutes les causes locales possibles
(affection dentaire, médicament, brûlure par aliment, boisson, condiments ou cigarettes ainsi que l’empalement
traumatique par le crayon tenu droit en bouche).
Si la première partie du texte est rédigée comme toute
observation clinique de l’époque avec force de détails cliniques, le paragraphe relatant la cause des symptômes
semble sortir tout droit de la Philosophie dans le boudoir
ou de quelques autres extraits de la littérature érotique.
En effet, devant la perplexité du médecin, c’est la patiente
elle-même qui suggère le diagnostic étiologique en se remémorant « un client de l’autre jour » (confirmant de fait,
ce non-dit évident pour le lecteur de l’époque, à savoir
qu’il s’agit d’une prostituée et d’une visite au sein d’une
« maison » close). On apprend que ce client était « plein
d’exigences ». Ce dernier avait « non seulement demandé
le coït ab ore, mais il avait réclamé de la conviction,
de l’ardeur, de l’enthousiasme, de la frénésie, du délire
bachique ». La patiente, « partenaire consciencieuse » (. . .)
« s’était attachée au travail comme la pieuvre à sa proie ».
Par « orgueil professionnel », « elle avait mis tout son zèle,
tout son ambition dans la réussite, et ses persévérantes
aspirations avaient fini par obtenir un succès triomphal ».
Pour Barthélemy, les lésions purpuriques s’expliquent par
un « vide aussi poussé » qui aurait créé une « dépression
barométrique telle, que des suffusions sanguines s’étaient
http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2016.07.014
0151-9638/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv ´ es. ´
Pour citer cet article : Kluger N. Le purpura vélo-palatin « a vacuo » de Barthélemy (1928) revisité. Ann Dermatol Venereol
(2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2016.07.014
ARTICLE IN PRESS Modele +
ANNDER-2181; No. of Pages 3
2 N. Kluger
produites au point le plus exposé et le plus fragile (. . .) ».
Barthélemy rapporte dans la foulée un second cas rencontré l’année suivante pour lequel, fort de son expérience, il
évoque immédiatement le diagnostic et fait « avouer à cette
seconde les sévices pneumatiques qu’elle avait subis. . . activement ».
Barthélemy décrit ici avec force d’images fleuries mais ô
combien parlantes, les deux premiers cas de purpura palatin
induit par fellation [1].
Il faudra attendre environ 20 ans pour que le 1er cas
soit rapporté en langue anglaise par Rattner, en 1949,
qui relate le cas d’une femme qui présentait des lésions
récidivantes palatines uniquement lors de ses menstruations car cette dernière « pratiquait l’art » uniquement à
ces périodes [2]. Par la suite, les publications fleurissent
dans les années 1975—1980 [3—7] et puis connaissent un
hiatus notable d’une vingtaine d’années, hormis quelques
publications éparses [8,9]. Les dernières publications sur
le sujet datent de 2013 [10—12]. À notre connaissance, le
nombre de publications dans la littérature avoisine environ
la quinzaine. Nous n’avons pas trouvé de mention de cette
« entité » dans le traité de Degos, que ce soit dans le chapitre
purpura ou dans celui dédié à la muqueuse buccale.
Depuis la description princeps de Barthélemy, la présentation clinique reste assez stéréotypée. Il s’agit le plus
souvent de jeunes femmes en bonne santé, plus rarement
d’hommes ou des patientes d’âge mur [4], se présentant
avec des lésions asymptomatiques, de découverte fortuite
le matin lors du brossage ou de l’utilisation de fil dentaire
[11] ou bien lors d’un examen bucco-dentaire chez le médecin ou le dentiste. On observe un érythème palatin, un
purpura pétéchial ou ecchymotique sur le palais mou, le
palais dur ou à la jonction, épargnant
En 1928, les Annales de maladies vénériennes (publiées en
France de 1906 à 1940) rapportent un cas clinique succin,
mais des plus inhabituels, par Monsieur le Dr Barthélemy
[1]. Inhabituel en raison de la cause identifiée, qui peut faire
sourire, mais également par la truculence et l’enthousiasme
dont fait preuve le narrateur.
Ainsi, le Dr Barthélémy1 rapporte un cas, datant déjà,
d’il y a « quelques années », d’une femme examinée dans
le cadre d’une visite sanitaire dans une « maison » (maison est imprimée entre guillemets dans le texte). Lors de
l’examen de la bouche de la patiente, dont ni l’âge, ni les
antécédents ne nous sont donnés, le médecin identifie de
« multiples taches purpuriques dont certaines atteignent le
diamètre d’une pièce de 0 fr 50 ». Elles sont « grossièrement arrondies, un peu irrégulières sur le contour, (. . .),
franchement ecchymotiques, sur un fond muqueux normal ».
Le reste de l’examen bucco-pharyngé et l’examen clinique
général de cette patiente sont strictement normaux. Aucune
autre lésion purpurique cutanée ou muqueuse n’est trouvée.
Le médecin reste perplexe devant ce « purpura vélo-palatin
indolent », que la patiente n’avait d’ailleurs pas remarqué
Adresse e-mail : nicolas.kluger@hus.fi 1 Le prénom et le lieu d’activité du Dr Barthélemy ne sont pas
précisés dans l’article.
et pour lequel il élimine toutes les causes locales possibles
(affection dentaire, médicament, brûlure par aliment, boisson, condiments ou cigarettes ainsi que l’empalement
traumatique par le crayon tenu droit en bouche).
Si la première partie du texte est rédigée comme toute
observation clinique de l’époque avec force de détails cliniques, le paragraphe relatant la cause des symptômes
semble sortir tout droit de la Philosophie dans le boudoir
ou de quelques autres extraits de la littérature érotique.
En effet, devant la perplexité du médecin, c’est la patiente
elle-même qui suggère le diagnostic étiologique en se remémorant « un client de l’autre jour » (confirmant de fait,
ce non-dit évident pour le lecteur de l’époque, à savoir
qu’il s’agit d’une prostituée et d’une visite au sein d’une
« maison » close). On apprend que ce client était « plein
d’exigences ». Ce dernier avait « non seulement demandé
le coït ab ore, mais il avait réclamé de la conviction,
de l’ardeur, de l’enthousiasme, de la frénésie, du délire
bachique ». La patiente, « partenaire consciencieuse » (. . .)
« s’était attachée au travail comme la pieuvre à sa proie ».
Par « orgueil professionnel », « elle avait mis tout son zèle,
tout son ambition dans la réussite, et ses persévérantes
aspirations avaient fini par obtenir un succès triomphal ».
Pour Barthélemy, les lésions purpuriques s’expliquent par
un « vide aussi poussé » qui aurait créé une « dépression
barométrique telle, que des suffusions sanguines s’étaient
http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2016.07.014
0151-9638/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv ´ es. ´
Pour citer cet article : Kluger N. Le purpura vélo-palatin « a vacuo » de Barthélemy (1928) revisité. Ann Dermatol Venereol
(2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2016.07.014
ARTICLE IN PRESS Modele +
ANNDER-2181; No. of Pages 3
2 N. Kluger
produites au point le plus exposé et le plus fragile (. . .) ».
Barthélemy rapporte dans la foulée un second cas rencontré l’année suivante pour lequel, fort de son expérience, il
évoque immédiatement le diagnostic et fait « avouer à cette
seconde les sévices pneumatiques qu’elle avait subis. . . activement ».
Barthélemy décrit ici avec force d’images fleuries mais ô
combien parlantes, les deux premiers cas de purpura palatin
induit par fellation [1].
Il faudra attendre environ 20 ans pour que le 1er cas
soit rapporté en langue anglaise par Rattner, en 1949,
qui relate le cas d’une femme qui présentait des lésions
récidivantes palatines uniquement lors de ses menstruations car cette dernière « pratiquait l’art » uniquement à
ces périodes [2]. Par la suite, les publications fleurissent
dans les années 1975—1980 [3—7] et puis connaissent un
hiatus notable d’une vingtaine d’années, hormis quelques
publications éparses [8,9]. Les dernières publications sur
le sujet datent de 2013 [10—12]. À notre connaissance, le
nombre de publications dans la littérature avoisine environ
la quinzaine. Nous n’avons pas trouvé de mention de cette
« entité » dans le traité de Degos, que ce soit dans le chapitre
purpura ou dans celui dédié à la muqueuse buccale.
Depuis la description princeps de Barthélemy, la présentation clinique reste assez stéréotypée. Il s’agit le plus
souvent de jeunes femmes en bonne santé, plus rarement
d’hommes ou des patientes d’âge mur [4], se présentant
avec des lésions asymptomatiques, de découverte fortuite
le matin lors du brossage ou de l’utilisation de fil dentaire
[11] ou bien lors d’un examen bucco-dentaire chez le médecin ou le dentiste. On observe un érythème palatin, un
purpura pétéchial ou ecchymotique sur le palais mou, le
palais dur ou à la jonction, épargnant