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Législation

Vente et consommation d’alcool en Belgique

Dans ce domaine, trois textes peuvent être évoqués brièvement. Pour les deux premiers, le gouvernement fédéral, dans sa note de 2001 précitée, demande d’y accorder davantage d’importance (tout en précisant que le droit pénal sera l’ultime remède).

Il s’agit de l’arrêté-loi du 14 novembre 1939 relatif à la répression de l’ivresse, de la loi du 15 juillet 1960 sur la préservation morale de la jeunesse (le gouvernement insistant sur l’âge minimum pour la distribution d’alcool et la distribution d’alcool à des personnes ivres) ainsi que de la loi du 28 décembre 1983 sur le débit de boissons spiritueuses et sur la taxe de patente.

Sur base du premier de ces textes, est punissable :

1°) quiconque est trouvé en état d’ivresse dans un lieu public (art. 1).

La Cour de Cassation, dans un arrêt de 1971, considère qu’est en état d’ivresse une personne qui se trouve sous l’influence de la boisson au point de n’avoir plus le contrôle permanent de ses actes, sans avoir nécessairement perdu la conscience de ceux-ci.

Les lieux publics, au sens de cet arrêté-loi, sont tous les endroits accessibles au public, notamment la voie publique, les débits de boissons, les hôtels, auberges, restaurants, lieux de divertissements, magasins, échoppes, bateaux, trains, trams, gares, ateliers, ou chantiers (art.14).

2°) quiconque sert des boissons enivrantes à une personne manifestement ivre (8 jours à 1 mois et une amende ou une de ces peines seulement) (art. 4) ; La peine encourue est doublée si la personne est mineure.

3°) les « cabaretiers », les « débitants » et leur « préposée », s’ils servent, sans motif plausible, des boissons enivrantes à un mineur âgé de moins de seize ans (8 à 15 jours et une amende ou une de ces peines seulement) (art.5).

4°) quiconque fait boire une personne jusqu’à ivresse manifeste (8 jours à un mois et une amende ou une de ces peines seulement) (art. 6).

La Cour de Cassation, dans un arrêt de 1951, précise que l’article vise aussi bien celui qui sert les boissons que celui qui incite à boire et qu’il ne fait dépendre l’infraction ni de sa perpétration dans un lieu déterminé, ni d’une conséquence précise qui en serait résultée, ni d’une qualité déterminée dans le chef de son auteur.

Pour ces 3 dernières infractions (art.4,5 et 6), en cas de récidive dans l’année, l’amende est doublée et la peine d’emprisonnement est toujours prononcée ; en cas de nouvelle récidive dans l’année depuis la deuxième condamnation, l’amende est triplée, le peine d’emprisonnement est doublée et toujours prononcée (art.7).

En condamnant, par application de l’arrêté-loi à l’emprisonnement ou à une peine plus grave, le juge peut en outre interdire au condamné de vendre ou de débiter des boissons pendant deux ans au plus (art.10).

Si celui qui est en état d’ivresse « se livre à une occupation exigeant une prudence ou des précautions spéciales afin d’éviter du danger pour lui-même ou autrui », il peut, s’il est condamné à une peine d’emprisonnement, être déchu du droit de conduire un véhicule soit à titre définitif, soit pour huit jours au moins, deux ans au plus (art.10).

Sur base de la loi du 15 juillet 1960 :

- Est interdite la présence dans un débit de boissons pendant qu’on y danse de tout mineur non marié de moins de seize ans si celui-ci n’est pas accompagné de sa mère ou de son père, de son tuteur ou de la personne à la garde de laquelle il a été confié … (les bals organisés en dehors de toute préoccupation mercantile et les cours de danse ne sont pas visés par cette disposition) (art.1) (8 jours à 8 mois, pour chaque mineur trouvé, à l’encontre du « tenancier »ou de l’ « exploitant », du préposé, si le premier lui a confié la surveillance pendant son absence, et une amende ou une de ces peines seulement) (art. 3).

L’ignorance de l’âge du mineur ou de l’identité du père ou de la mère, ou du tuteur ou de la personne à laquelle la garde du mineur a été confiée, ne sera élisive de culpabilité que si elle procède d’une erreur invincible (art. 6).

- Si la fréquentation d’une salle de danse ou d’un débit de boissons où l’on danse est de nature à mettre en danger la santé, la sécurité ou la moralité de la jeunesse, le tribunal de la jeunesse, saisi par le parquet, peut l’interdire aux moins de dix-huit ans, donc actuellement à tout mineur, pour une durée déterminée qui ne peut excéder deux ans (sanction identique à l’infraction visée à l’article 1.

Sur base de la loi du 28 décembre 1983, est interdit :

- Le fait de servir, dans des débits de boissons, même à titre gratuit, à des mineurs, des boissons spiritueuses à consommer sur place (art.13) ;

- La vente et l’offre, même à titre gratuit, à des mineurs, de boissons spiritueuses à emporter (art.13).

- L’installation d’un débit où des boissons spiritueuses sont servies, même à titre gratuit, dans les locaux où se réunissent exclusivement ou principalement des groupements de mineurs d’âge (art.9).

- La vente de boissons spiritueuses à emporter sur le domaine des autoroutes (art.9).

- Un incapable, donc notamment un mineur, ne peut être débitant de boissons spiritueuses à consommer sur place sauf si le débit est en fait exploité par un représentant de la personne incapable …(art.11).

Plan d’Action National Alcool (2008-2012)

La conférence interministérielle de la Santé publique du 13 juin 2005 a chargé la Cellule Politique de Santé en matière de drogues (CPSD) d’élaborer un Plan d’Action National Alcool, afin de lutter contre la consommation inadaptée, excessive et problématique d’alcool. En 2007, suite à un rapport préparatoire resituant l’alcool, ses pratiques de consommation, ainsi que les actions stratégiques déjà menées à ce sujet, une série de recommandations ont été formulées avec l’aide d’une série d’experts. Si ce Plan mérite encore quelques ajustements et peut-être des propositions parfois plus concrètes, sa finalisation ainsi que sa mise en place restent toutefois encore en suspens.

Vente d’alcool aux mineurs : campagne d’information sur la législation

L’Etat fédéral lance une campagne pour mieux faire connaître la législation en matière de vente et d’offre de boissons alcoolisées auprès des commerçants et du grand public.

La législation en matière de vente d’alcool aux plus jeunes, datant du 10 décembre 2009, précise d’une part que la bière et le vin (boissons fermentées) ne peuvent pas être vendus aux moins de 16 ans, et d’autre part, les boissons distillées comme la vodka, le genièvre, le rhum, le whisky et les alcopops sont interdites aux moins de 18 ans. Si un jeune désire acheter de l’alcool, il doit prouver qu’il a 16 ou 18 ans. Si ce n’est pas le cas, les commerçants ont le droit de refuser la vente. L’interdiction ne concerne pas uniquement les magasins et supermarchés mais aussi les distributeurs automatiques de boissons et les cafés, bars ou restaurants.

Des motifs de santé publique sont invoqués

A tout âge, consommer de l’alcool peut parfois avoir un impact négatif sur la santé. Mais chez les adolescents, le cerveau est encore en pleine formation et l’organisme est aussi plus sensible aux effets du produit, un usage inadapté d’alcool aura donc des conséquences négatives encore plus importantes sur leur organisme et le développement cérébral que chez l’adulte. Par ailleurs, des études démontrent que plus l’initiation à la consommation d’alcool est précoce chez l’enfant ou l’adolescent, plus le risque de développer une dépendance ou d’avoir des problèmes de santé à l’âge adulte est grand.

Une information large auprès des commerçants

Une campagne fédérale d’information sensibilise les commerces concernés. Cette campagne a été réalisée par la fédito wallonne et la fédito bruxelloise, iDA asbl et le VAD. Les commerçants (Fedis, Comeos, SNI, Unizo) participent à cette action d’information en apposant des autocollants indiquant l’âge minimum légal pour pouvoir acheter de l’alcool : 16 ans pour les bières, vins et autres alcools fermentés ; 18 ans pour les boissons spiritueuses.

Comme il l’est également souligné dans la déclaration de l’OMS sur les jeunes et l’alcool (Stockholm, février 2001), la responsabilité vis-à-vis de l’alcool ne peut être attribuée seulement aux parents. En effet, la législation doit également instaurer les conditions-cadre qui aideront les jeunes à adopter une conduite appropriée vis-à-vis de l’alcool.

Sur les aspects législatifs, si l’on veut être efficace, il paraît important de renforcer l’application du contrôle réglementaire en ce qui concerne la promotion, la commercialisation et la vente au détail des boissons alcoolisées.

Des autocollants peuvent être commandés en ligne gratuitement pour les commerçants et débits de boissons sur le site de iDA-WEB, cliquez ici.

Une information large auprès du grand public

Il est donc également nécessaire, complémentaire et indispensable de faire passer l’information auprès du grand public.

Dans le domaine de la consommation d’alcool comme dans d’autres, pour responsabiliser et sensibiliser les consommateurs, il est nécessaire d’activer différents leviers. Au-delà des mesures structurelles, il est donc essentiel de développer des actions éducatives.

Les mesures structurelles permettent de définir un cadre et des normes auxquels il convient de se référer. On pense aux lois, aux décrets, aux règlements, aux chartes, etc. Elles nécessitent effectivement un dispositif répressif. Mais si ce cadre n’est pas explicité, connu, s’il n’a pas de sens aux yeux des consommateurs et s’il n’est pas accompagné d’actions éducatives, il est relativement inefficace.

Dès lors, cette campagne destinée aux commerçants sera doublée d’une information large auprès du grand public et des premiers concernés. Des visuels spécifiques seront créés et diffusés auprès des familles, parents, jeunes,...


Analyse critique de cette nouvelle loi par le Groupe porteur « Jeunes, alcool et société »

Les limites de cette nouvelle législation

Les textes de lois en matière d’alcool sont flous et peu connus. Qu’est-ce qui est autorisé, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Avec la précédente législation, quelle distinction pouvait être faite entre l’achat dans différents types de magasins et la consommation dans des débits de boisson, lors de soirées dansantes, etc.?

Le rappel de la règle peut être un bon levier, surtout si cette dernière est simplifiée. Ce qui est en partie le cas avec cette nouvelle législation.

Mais cette nouvelle loi reste encore beaucoup trop nébuleuse : tout le monde, jeunes y compris, est-il à l’aise avec la définition exacte d’une « boisson spiritueuse » ? Y a-t-il lieu de distinguer les différents types d’alcool alors que le psychotrope est le même qu’il s’agisse de bière, de vin ou de spiritueux ? Cette distinction permet-elle au consommateur de bien assimiler la règle ? Cette loi risque fort de mettre beaucoup de temps à être intégrée par le plus grand nombre et maintient une série de flous encore trop importants...

De plus, il n’est nulle part précisé que cette loi concerne uniquement la promotion des boissons alcoolisées à des fins marketing. Les parents sont dès lors concernés, même dans le cadre privé, ce qui ne laisse pas place au rôle éducatif, levier pour un apprentissage progressif et responsable des consommations.

La loi devra donc encore être clarifiée à l’avenir.

Par ailleurs, et les quelques études du CRIOC en la matière l’ont encore prouvé, la législation reste peu appliquée sur le terrain. Espérons que cette campagne aidera à faire prendre conscience des responsabilités de chacun dans les différents secteurs concernés.

La loi ne sera intégrée que si la prévention est renforcée

L’amélioration du cadre, de la législation, la mise en œuvre d’une législation contraignante, son application et son contrôle sur le terrain sont des étapes nécessaires mais insuffisantes. Ces mesures devront surtout être largement soutenues par des actions éducatives, de prévention, de promotion de la santé et de réduction des risques (leviers principaux pour une modification efficace et durable de comportements inadéquats), et mises en œuvre par les institutions compétentes et soutenues par les pouvoirs publics autant que les mesures « sécuritaires » et législatives.

La pub doit être contrôlée publiquement et celle pour l’alcool interdite

Tant que les actions commerciales et le marketing du secteur de l’alcool persistera dans son intention de favoriser les surconsommations, de toucher des nouveaux publics (les femmes et les plus jeunes) alors que la vente d’alcool est désormais interdite aux mineurs, le (jeune) consommateur sortira perdant ! Autoriser l’incitation et interdire en même temps relève du paradoxe.

A l’instar des autres psychotropes pour lesquels la publicité est maintenant interdite, la publicité pour l’alcool doit l’être également.

Plus largement, les pratiques commerciales doivent être régulées par un organe public, afin de protéger réellement les consommateurs et surtout les mineurs.Veuillez cliquer sur le lien suivant pour plus d’information.

Un risque que la loi serve d’« alibi » pour le secteur des alcooliers ?

La loi de 2009 a donc le mérite de clarifier quelque peu les règles en matière de vente, de distribution et d’offre. En effet, en Belgique, la législation relative à la vente d’alcool aux mineurs et à la publicité en faveur des boissons alcoolisées est depuis longtemps un ‘bric-à-brac’ incohérent. « Il faut y mettre de l’ordre, une législation claire est indispensable, et tous les fabricants du secteur doivent être mis sur le même pied ». Cette vigoureuse profession de foi n’émane pas d’un participant intransigeant du secteur jeunesse ou prévention, mais bien du représentant de la Fédération belge des vins et spiritueux ! Surprenant à première vue, un peu moins quand on sait que cette fédération estime que la sévérité dont les autorités font preuve à son égard s’estompe lorsqu’il s’agit d’édicter des règles applicables aussi au secteur brassicole, ‘tradition belge’ oblige.

Et ce n’est plus du tout surprenant pour qui fréquente le secteur privé dont les produits et services peuvent avoir un impact négatif sur la santé publique. Que ce soit les firmes de restauration rapide, les industries agro-alimentaires, voire même les fabricants de cigarettes, le discours est aujourd’hui qu’on met sur le marché des produits ‘légaux’, que le consommateur est dûment informé de leur composition et des risques qu’un usage ‘problématique’ peut lui faire courir, bref, on se dédouane à tous les coups d’une quelconque responsabilité.

Et comme diriger, c’est prévoir, ces démarches du secteur privé ont l’avantage insigne de prévenir toute velléité d’actions en justice de consommateurs souffrant d’avoir trop bien compris les messages les invitant à consommer sans limite. Le secteur reporte donc toute la responsabilité aux consommateurs que nous sommes, ne soyons pas dupes !