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//ENGLISH BELOW// Dans Mensonge romantique et vérité romanesque, René Girard trace une ligne de démarcation entre les œuvres qui démasquent l'illusion d'un désir individualisé et celles où est entretenu le mensonge romantique. Aux... more
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Dans Mensonge romantique et vérité romanesque, René Girard trace une ligne de démarcation entre les œuvres qui démasquent l'illusion d'un désir individualisé et celles où est entretenu le mensonge romantique. Aux lendemains de la défaite de Sedan, Joris-Karl Huysmans dans À rebours (1884) et Jean Lorrain dans Monsieur de Phocas (1901) associent la dimension médicale du naturalisme au symbolisme préfiguré par Baudelaire. Les personnages centraux respectifs de ces romans, Jean des Esseintes et Jean de Fréneuse, manifestent par leur goût du beau, du rare et de l'étrange une volonté d'être unique qui fut au cœur de l'illusion romantique du début du siècle. Huysmans et Lorrain, en créant des personnages isolés qui revendiquent leur radicale différence, ne font que souligner l'impossibilité de se concevoir comme individualité désirante. Si le modèle du héros est anéanti par la révélation du désir comme néant, il révèle néanmoins la vanité du désir. S'écartant du mensonge romantique, il amorce une sortie hors de la crise du modèle épique.

In Mensonge romantique et vérité romanesque, René Girard draws a line between the novels that reveal the delusion of self-made desires and the ones that nurter this romantic lie. After the defeat of Sedan, Joris-Karl Huysmans in À rebours (1884) and Jean Lorrain in Monsieur de Phocas (1901) combine the medical aspects of naturalism with the symbolism foreshadowed by Baudelaire. The main characters of these novels, Jean des Esseintes and Jean de Fréneuse, cultivate a taste for beauty, rareness and oddity which gives away their romantic desire of being unique. These self-isolated and willingly lonely characters underline the impossibility of conceiving onsefelf as a desiring individual. As he discovers the emptiness of his desire, the character fails at becoming a hero, and yet brings to light the vanity of desire. As he steps aside from the romantic lie, he opens a path out of the crisis of the epic.
Malgré l'apparente opposition entre la misogynie des Goncourt et le féminisme de Marie Corelli ou l'indépendance de Rachilde, leurs romans montrent que la femme artiste sacrifiée en bouc émissaire au nom de son art, est à voir comme un... more
Malgré l'apparente opposition entre la misogynie des Goncourt et le féminisme de Marie Corelli ou l'indépendance de Rachilde, leurs romans montrent que la femme artiste sacrifiée en bouc émissaire au nom de son art, est à voir comme un modèle d'humanité accomplie par-delà les limites entre masculin et féminin.
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Dandys, esthètes et névropathes : drogués d'art dans le sillage de Baudelaire Cahiers ERTA, n°7, « Addictions », juillet 2015 « Enivrez-vous ! » Le cri poussé par Baudelaire en 1864 semble se répercuter dans les décennies suivantes en... more
Dandys, esthètes et névropathes : drogués d'art dans le sillage de Baudelaire Cahiers ERTA, n°7, « Addictions », juillet 2015 « Enivrez-vous ! » Le cri poussé par Baudelaire en 1864 semble se répercuter dans les décennies suivantes en gémissement moribond. Le lien entre arts et addictions date évidemment d'avant Baudelaire, mais s'il n'en est pas exclusivement responsable, le cliché de l'esthète fin-de-siècle intoxiqué reste fortement redevable au poète des Fleurs du mal, à l'essayiste de De l'opium et du haschich et au traducteur de Thomas de Quincey. Dans la France des premières décennies de la Troisième République, partagée entre les impératifs de l'Ordre Moral et la frénésie de l'après-1870, la drogue déborde d'un mouvement à un autre et sert de lieu commun où se rencontrent la dernière génération romantique, les naturalistes, et les décadents, symbolistes ou idéalistes de la fin du siècle. L'héritage baudelairien revendiqué par la génération d'auteurs décadents et symbolistes relève d'une double fatalité littéraire. La première fait de l'addiction l'accessoire nécessaire du héros fin-de-siècle. Cigarette, narguilé, verre d'absinthe, pipe à opium, jeu de cartes et seringue entrent dans la panoplie du dandy ou de sa parèdre féminine. La seconde vient, sous le patronage de Baudelaire, réactualiser le lien entre l'art et la drogue, faisant de la substance esthétique un élément tout aussi nécessaire que létal à la physiologie du héros décadent. L'in fluence de Baudelaire se traduit de deux manières, suf fisamment perceptibles au lectorat de l'époque pour être au coeur de la parodie des Déliquescences, poèmes décadents d'Adoré Floupette (1885) de Vicaire et Beauclair. La première reviendrait à dire qu'il est nécessaire d'être drogué pour apprécier l'art, la seconde qu'apprécier l'art rend nécessairement drogué. Le lien entre substance toxique et sincérité de l'émotion esthétique se fait suf fisamment étroit pour qu'intervienne la notion de légitimité, assurée par la panoplie de drogué et les poses d'esthète en extase, et d'authenticité. À en croire le panel des épigones de des Esseintes, personnage central d' À Rebours (1884) de Huysmans, la sensibilité esthétique, dans le cercle vicieux qu'elle entretient avec l'art, ne peut être que névrotique ; or le décalage entre être et paraître, crucial dans la mise en scène du dandy fin-de-siècle, ne se résout que dans l'accès à l'illusion plus vraie que nature de la drogue, qu'elle soit pratique, substance toxique ou oeuvre d'art. Si Baudelaire, et avec lui Nerval, ne font que condenser le lien créé par la drogue entre folie, rêve et art, ils fondent, pour la génération suivante, ce point indé fini où la substance hallucinogène, tout en altérant le réel, permet de découvrir le vrai. La génération qui les a pris pour maîtres et pour modèles revendique l'alcool, les opiacés, le haschisch ou l'éther non seulement comme marqueurs la séparant du « bourgeois » mais surtout comme éléments déterminant le rapport à la réalité. La consommation de psychotropes n'est pas seulement un acte, elle ne se limite ni au plaisir ni à la révolte face à la société. En la faisant motif artistique
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Journée d’Étude Théorie mimétique et Études littéraires, Université du Minho, Braga, 13-14 février 2017.
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Etude de romans de conversion à la sainteté laïque à travers le parcours de Robert Ellesmere chez Mary Humphrey Ward et celui de Pierre Froment chez Emile Zola. Cette communication sera présentée dans le cadre du colloque "Le Saint Laïc"... more
Etude de romans de conversion à la sainteté laïque à travers le parcours de Robert Ellesmere chez Mary Humphrey Ward et celui de Pierre Froment chez Emile Zola. Cette communication sera présentée dans le cadre du colloque "Le Saint Laïc" organisé par le Centre de Recherches Ecritures à l'Université de Lorraine-Metz le 12 mai 2017
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Communication dans le cadre du colloque "Émotions, Sentiments, Passions dans les récits d’enfance et de jeunesse" (Lille 3)
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Dans le cadre du colloque " Figures du Dandysme", Paris, Novembre 2016 La « sœur d'élection » constitue non seulement une nuance à la misogynie et au goût de solitude attribués au dandy, mais aussi une œuvre en soi, qui permettrait une... more
Dans le cadre du colloque " Figures du Dandysme", Paris, Novembre 2016
La « sœur d'élection » constitue non seulement une nuance à la misogynie et au goût de solitude attribués au dandy, mais aussi une œuvre en soi, qui permettrait une nouvelle fécondité spirituelle et artistique en refaisant du dandy stérile un poète créateur réunifié.
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Les filles de George Sand : Rachilde, Renée Vivien et Marie Corelli, stratégies de légitimation de la femme auteur à la fin du XIX e siècle

//Article à paraître.
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La Féminité gourmontienne au fil des allusions liturgiques : l'esthétique de la transsubstantiation au service du texte La structure complexe de la mystique de Remy de Gourmont, à la fois modelée par la liturgie catholique tridentine et... more
La Féminité gourmontienne au fil des allusions liturgiques : l'esthétique de la transsubstantiation au service du texte La structure complexe de la mystique de Remy de Gourmont, à la fois modelée par la liturgie catholique tridentine et aussi éloignée des dogmes de l'Église que des syncrétismes finiséculaires, rend difficile une tentative de condensation, qui aboutirait de manière presque inévitable à un contresens. Toutefois, s'il faut mettre en rapport la manière dont Gourmont exploite le sacré comme motif de création et moteur à la création, et celle dont cette réutilisation du sacré a pu être perçue d'emblée par ses contemporains, certains axes permettent de relier, de manière inattendue, des éléments apparemment hétérogènes des écrits de Gourmont, le roman de moeurs contemporaines, à travers Un coeur virginal, le roman idéaliste, illustré par Sixtine, et certaines nouvelles spirites recueillies dans Histoires magiques. En 1898, pour les lecteurs de Monsieur de Phocas, Jean Lorrain glisse, un an avant leur publication au Mercure de France, quelques vers issus des Oraisons mauvaises 1. Loin du ton satirique avec lequel Lorrain mentionne Gourmont parmi les auteurs spirites à la mode dans Poussières de Paris 2 , ce poème devient une puissante incantation quand le duc de Fréneuse est inévitablement hanté, durant l'Office des Ténèbres du Vendredi Saint, par « les horribles vers de Remy de Gourmont qui, telle une caresse, effleurent [s]es lèvres, telle une caresse et tel aussi un sacrilège » 3. Gourmont apparaît bien comme un auteur sacrilège, comme l'auteur d'un sacrilège. Ces vers des Oraisons mauvaises, par delà la dimension provocatrice d'une variation littéraire sur motif liturgique, prennent l'efficacité obsédante d'une parole rituelle, incantatoire, dont l'efficacité performative est manifestée par leur effet contagieux et leur instillation insidieuse dans le roman de Lorrain. La contagion est telle que la silhouette féminine suggérée à l'issue de cette entrée du journal du duc, voilée de noir, et égrenant son chapelet entre les doigts du désespéré, tient autant de la pietà que de la figure spectrale telle que Gourmont peut en esquisser dans ses contes. Cette dimension sacrilège ne peut être efficace sans une perception du mystère toché, et partant profané, par ces vers. Les bénédictions blasphématoires litaniques des Oraisons mauvaises, parfaitement adaptées à un Vendredi Saint sans espérance de Pâque tel que peut le vivre le duc de Fréneuse, s'appuient sur le dogme de l'Incarnation, dont la Croix constitue le point d'orgue et la pierre angulaire. C'est également un face à face avec la parole performative par excellence, celle du Jeudi Saint, dans laquelle le pain et le vin deviennent corps et sang. Le sacrilège réside dans l'opération d'ne transsubstantiation littéraire, d'une modification imitant le modèle eucharistique. L'événement narratif subit une mutation, un retournement dont le sens ne peut se saisir qu'à travers le réseau de références liturgiques exploitées par
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De l’engouement né des volumes de Perrault ou des Grimm à aujourd’hui, l’attrait pour le conte ne s’est jamais démenti : parce que celui-ci invite à l’émerveillement, il a donné lieu à réécritures enjouées, adaptations admiratives, mais... more
De l’engouement né des volumes de Perrault ou des Grimm à aujourd’hui, l’attrait pour le conte ne s’est jamais démenti : parce que celui-ci invite à l’émerveillement, il a donné lieu à réécritures enjouées, adaptations admiratives, mais aussi interrogations et subversions démystifiantes. Toutefois, la critique, le déplacement dans un autre genre – récit filmique, photographie, notamment – ne sont pas déliaison mais réaffirmation du lien qui nous attache à cette énigme toujours renouvelée qu’est le conte – et avec lui le plaisir que nous y trouvons.
Ce volume, généreusement illustré par la photographe Dina Goldstein et dirigé par Florence Fix (Université Rouen-Normandie) et Hermeline Pernoud (Université Paris III-Sorbonne Nouvelle), réunit quinze textes analysant la permanence du conte dans la modernité : un conte dans tous ses états, malmené, adapté, raillé, déplacé, mais toujours vivace et propice à un réenchantement de la lecture.

Illustration de couverture : ©Dina Goldstein, « Cinder », Fallen Princesses, 2009.
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Compte-rendu de lecture de l'ouvrage de Francesco Manzini, The Fevered Novel from Balzac to Bernanos,  Frenetic Catholicism in Crisis, Delirium and Revolution, paru en 2011.
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Mary Mc Kay, better known under her pen name Marie Corelli, was one of the most renown novel writers of late-nineteenth and early twentieth century Great-Britain. Some of her novels sold at more than a hundred thousand each and were, in... more
Mary Mc Kay, better known under her pen name Marie Corelli, was one of the most renown novel writers of late-nineteenth and early twentieth century Great-Britain. Some of her novels sold at more than a hundred thousand each and were, in her time, more popular than Arthur Conan Doyle's or Rudyard Kipling 1. James Agate wrote that she combined « […] the imagination of a Poe with the style of an Ouida and the mentality of a nursemaid 2 ». Corelli was most renowned for the way she intertwined esoteric concepts with social satire. Though the present state of research makes it difficult to state precisely what Corelli read or heard of German idealism, she explicitly mentions theosophy as a fraud in several of her novels, though her corpus often uses concepts borrowed from Christian science, spiritualism or gnosis. The Soul of Lilith was published in 1891 and is typically representative of Corelli's experiments on what was yet to be called science-fiction. This three-volume novel begins with a note stating that the events related are true, and that the narrative should rather be read as a report on an experiment than as a work of fiction. The following story does not assume to be what is generally understood by a "novel." It is simply the account of a strange and daring experiment once actually attempted, and is offered to those who are interested in the unseen "possibilities" of the Hereafter, merely for what it is,—a single episode in the life of a man who voluntarily sacrificed his whole worldly career in a supreme effort to prove the apparently Unprovable 3. This warning only emphasizes the tension sustained all through the narrative between realism and fancy. The plot is centered on three characters, El-Râmi Zaranos, mentioned in the warning, an eastern magnetizer who inherited the knowledge of the ancient Chaledans, his young brother Féraz, whom El-Râmi turned into a poet by using his magnetic influence, and a sleeping maiden named Lilith, kept in a secret room of their house in London. El-Râmi found Lilith dying in the desert ten years earlier. At the very moment when she was about to pass away, he hypnotized her and injected in her veins a mysterious fluid charged with astral energy. Through this means, he kept her body alive, though asleep, while he kept using his hypnotic power over her spirit in order to make her explore the whole universe in search of God and of Hell.
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Pourfendeur de la bicyclette, de l'automobile et du téléphone, cet « irresponsable véhicule des turpitudes ou des sottises contemporaines », adversaire acharné de la tour Eiffel qu'il surnommait la « Babel de fer », Léon Bloy préféra... more
Pourfendeur de la bicyclette, de l'automobile et du téléphone, cet « irresponsable véhicule des turpitudes ou des sottises contemporaines », adversaire acharné de la tour Eiffel qu'il surnommait la « Babel de fer », Léon Bloy préféra toute sa vie le Fiat lux de la Genèse aux  enchantements de la fée Électricité : il a bravement traversé son époque, entre deux siècles, en affichant un dédain absolu pour les innovations dont s'enorgueillissent habituellement les modernes. Observateur impavide des  catastrophes fournies par l'actualité, – l'incendie ravageur du Bazar de Charité, l'éruption meurtrière de la montagne Pelée, les débuts sanglants de la première guerre mondiale… – il ne s'est intéressé à son temps que pour chercher sans relâche à y déceler les signes de l'Apocalypse qu'il attendait.
Né en 1846, ce Périgourdin qui aima toute sa vie faire rimer ce mot avec gourdin entra tardivement en littérature. Venu à Paris pour y chercher fortune, il grossit d'abord les rangs d'une jeunesse famélique en quête d'une voie difficile à tracer. Violent, exalté, vomissant son siècle, il se tourna instinctivement vers les cercles blanquistes et fut, selon son propre mot, « un communard d'avant la Commune ». Mais, en décembre 1867, la rencontre de Barbey d'Aurevilly bouleverse son existence : auprès du Connétable des Lettres, Bloy devient une espèce de secrétaire et fait ses débuts dans le journalisme. Ceux-ci lui permettent de camper un personnage de catholique intransigeant, qui attaque les fondements de la modernité : le culte de la raison bourgeoise, l'esprit de révolte issu du protestantisme, la sécularisation engendrée par la Révolution.
Mais son adhésion aux thèses du traditionalisme n'est encore que la profession de foi toute intellectuelle d'un jeune homme bardé de références, qui, du reste, en fait trop : loin de parvenir à une position respectable et sûre, il est repoussé par les milieux cléricaux qui n'apprécient guère l'exaspération de son style et la vigueur de son imagination. En dépit de cette déception, sa foi s'approfondit dans la solitude, dans la misère et dans une passion échevelée pour une prostituée occasionnelle, Anne-Marie Roulé, qu’il convertit et avec qui il vit une expérience mystique et sensuelle avant que la jeune femme ne sombre dans la folie.
En 1884, il publie son premier ouvrage de critique à l'emporte-pièce, les Propos d'un entrepreneur de démolitions,  et son premier essai historique, Le Révélateur du Globe, que Barbey a accepté de préfacer. Mais les terribles expériences qu'il vient de vivre lui fournissent surtout, en 1887, la matière de son premier roman, Le Désespéré,  qui marque le point de départ de sa légende. Avec Caïn Marchenoir, il donne, en effet, consistance à un personnage haut en couleur, qu'il présente volontiers comme son double transparent.
Cet alter ego est d'abord un redoutable pamphlétaire dont les outrances déchaîneront bientôt contre son géniteur la célèbre « conspiration du silence ». Sous des pseudonymes transparents, il éreinte avec une violence inouïe toutes les « catins de lettres » suscitées « pour la supplantation du génie ». Alphonse Daudet, Jean Richepin, Catulle Mendès, bien d'autres encore font les frais de ses pointes assassines. Bloy, en dépit de son désir de n'être pas « le pamphlétaire à perpétuité », conservera tout au long de sa carrière cette manière brutale et joyeuse d'occuper les marges de la littérature contemporaine.
A côté du pamphlétaire, Le Désespéré révèle un autre aspect de Léon Bloy, qui va nourrir sa légende : son inspiration prophétique qui le porte à situer sans cesse ses propos dans l'Absolu. On connaît l'anecdote relatée dans Le Mendiant ingrat, le 11 décembre 1894 : « Il n'y a rien à faire avec vous, m'a dit une dame, vous marchez dans l'Absolu. – Dans quoi voulez-vous que je marche ? ai-je répondu ». Tout Bloy est dans ce mot. Sous cette bannière, son œuvre entière, – du Symbolisme de l'Apparition au Salut par les Juifs, – constitue un retour à une forme de « pensée prélogique », selon le mot de Lévy-Bruhl, qui manifeste une faille dans l'empire de la raison. D'inspiration biblique, elle fait appel à la grande tradition exégétique des Pères de l'Église, qu'elle a le mérite de ressusciter à une époque de réelle indigence théologique, même si elle lui adjoint des spéculations hétérodoxes, héritées de la religiosité romantique ou marquées par la curiosité fin-de-siècle pour les déviations spirituelles.
Bloy s'inscrit donc dans ce courant qui, tout au long du siècle, postule la dimension transcendante de l'histoire humaine et y décèle la trace d'une révélation divine. Tout événement lui apparaît comme une figure, véritable miroir par lequel Dieu se manifeste dans la réalité. Les faits historiques constituent à ses yeux le lexique d'un Texte divin à l’image de la Bible. Marchenoir prétend être « le Champollion des événements historiques envisagés comme les hiéroglyphes divins d'une révélation par les symboles, corroborative de l'autre Révélation ». Persuadé que derrière la combinaison hasardeuse des circonstances,  Dieu fait entendre sa Parole, il célèbre les noces de l'histoire et de la poésie, sous l'égide de l'imagination. 
Mais cette image de l'écrivain, entretenue par la légende de Marchenoir et ses avatars successifs (le Mendiant ingrat, le Pèlerin de l'Absolu…)  est trop affectée pour ne pas tenir de la pose. Avec délectation, Bloy joue un personnage  dans la République des Lettres du XIXe siècle finissant. Son intransigeance religieuse, sa férocité littéraire, son jusqu'auboutisme l'inféodent moins à un système religieux ou politique qu'ils ne révèlent un sens aigu de la provocation et du sarcasme. On aurait tort d'oublier qu'il commença sa carrière littéraire au Chat noir, où l'appela son cousin Émile Goudeau, le fondateur de Hydropathe, et qu'il fut l'ami d'un certain Alphonse Allais. Il y a du mystificateur en Bloy.
Prenant pour cible privilégiée l'immense bêtise moderne, son rire qui a pour vocation de malmener le bourgeois et de l'inquiéter, en le tirant de sa torpeur de brute, fait de Bloy le proche parent de Flaubert, de Lautréamont, dont il fut le découvreur en France, et de Villiers de l'Isle-Adam. « J'ai beau frapper. Aucun tombeau ne s'entr'ouvre. Dans les cimetières de l'intelligence, il n'y a plus que des concessions à perpétuité ». Cette dédicace de ses Histoires désobligeantes s'accorde parfaitement à l'esprit général de son œuvre où « le Démon de la Sottise, […] ce Captateur de la multitude » est constamment exorcisé.
Roboratif, mordant, cruel, un tel rire ne permet pas d'établir une complicité trop compromettante entre l'auteur qui plaisante et ses destinataires, Son agressivité déconcertante enfreint les règles de la courtoisie littéraire, en confondant sans ménagement le lecteur naïf avec l'objet même dont l'écrivain entend se moquer. Figure emblématique de ce benêt, Monsieur Prudhomme n'est jamais assuré d'échapper aux pièges redoutables d'une œuvre qui défie le bon sens et embarrasse la raison.
Le désarroi qui met en défaut toutes les idéologies est bien celui dans lequel Bloy veut plonger ses contemporains que la bêtise rend aveugles et sourds. Dans son rôle mi-sérieux mi-fumiste de persécuteur implacable, il forge des œuvres où le sens commun s'enferme dans des cercles vicieux que la grossière logique des philistins, en pure perte, s'exténue à élucider. Réversible et ambivalent, son rire taciturne vient combler le vide laissé par une transcendance dont les manifestations semblent dangereusement altérées. Dans sa neutralité essentielle, il rapproche les contraires, à égale distance de la plénitude de la Joie et des abysses du parfait désespoir. Plus encore que la Parole, il est, pour Bloy, « la monnaie de l'Indicible désigné par ce Silence d'or, éternellement désirable, auquel sont si vainement conviés tous les bourgeois ».


Le 3 novembre 1917 mourait Léon Bloy. Un siècle après la disparition de l’écrivain, ce colloque international, qui aura lieu au Collège de France et à l’École Normale Supérieure les 8, 9 et 10 novembre 2017 dans le cadre des célébrations nationales, se propose de faire le bilan d’un siècle de réception de son œuvre et d’explorer les nouveaux chemins de la critique bloyenne.
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Pourfendeur de la bicyclette, de l'automobile et du téléphone, cet « irresponsable véhicule des turpitudes ou des sottises contemporaines », adversaire acharné de la tour Eiffel qu'il surnommait la « Babel de fer », Léon Bloy préféra... more
Pourfendeur de la bicyclette, de l'automobile et du téléphone, cet « irresponsable véhicule des turpitudes ou des sottises contemporaines », adversaire acharné de la tour Eiffel qu'il surnommait la « Babel de fer », Léon Bloy préféra toute sa vie le Fiat lux de la Genèse aux  enchantements de la fée Électricité : il a bravement traversé son époque, entre deux siècles, en affichant un dédain absolu pour les innovations dont s'enorgueillissent habituellement les modernes. Observateur impavide des  catastrophes fournies par l'actualité, – l'incendie ravageur du Bazar de Charité, l'éruption meurtrière de la montagne Pelée, les débuts sanglants de la première guerre mondiale… – il ne s'est intéressé à son temps que pour chercher sans relâche à y déceler les signes de l'Apocalypse qu'il attendait.
Né en 1846, ce Périgourdin qui aima toute sa vie faire rimer ce mot avec gourdin entra tardivement en littérature. Venu à Paris pour y chercher fortune, il grossit d'abord les rangs d'une jeunesse famélique en quête d'une voie difficile à tracer. Violent, exalté, vomissant son siècle, il se tourna instinctivement vers les cercles blanquistes et fut, selon son propre mot, « un communard d'avant la Commune ». Mais, en décembre 1867, la rencontre de Barbey d'Aurevilly bouleverse son existence : auprès du Connétable des Lettres, Bloy devient une espèce de secrétaire et fait ses débuts dans le journalisme. Ceux-ci lui permettent de camper un personnage de catholique intransigeant, qui attaque les fondements de la modernité : le culte de la raison bourgeoise, l'esprit de révolte issu du protestantisme, la sécularisation engendrée par la Révolution.
Mais son adhésion aux thèses du traditionalisme n'est encore que la profession de foi toute intellectuelle d'un jeune homme bardé de références, qui, du reste, en fait trop : loin de parvenir à une position respectable et sûre, il est repoussé par les milieux cléricaux qui n'apprécient guère l'exaspération de son style et la vigueur de son imagination. En dépit de cette déception, sa foi s'approfondit dans la solitude, dans la misère et dans une passion échevelée pour une prostituée occasionnelle, Anne-Marie Roulé, qu’il convertit et avec qui il vit une expérience mystique et sensuelle avant que la jeune femme ne sombre dans la folie.
En 1884, il publie son premier ouvrage de critique à l'emporte-pièce, les Propos d'un entrepreneur de démolitions,  et son premier essai historique, Le Révélateur du Globe, que Barbey a accepté de préfacer. Mais les terribles expériences qu'il vient de vivre lui fournissent surtout, en 1887, la matière de son premier roman, Le Désespéré,  qui marque le point de départ de sa légende. Avec Caïn Marchenoir, il donne, en effet, consistance à un personnage haut en couleur, qu'il présente volontiers comme son double transparent.
Cet alter ego est d'abord un redoutable pamphlétaire dont les outrances déchaîneront bientôt contre son géniteur la célèbre « conspiration du silence ». Sous des pseudonymes transparents, il éreinte avec une violence inouïe toutes les « catins de lettres » suscitées « pour la supplantation du génie ». Alphonse Daudet, Jean Richepin, Catulle Mendès, bien d'autres encore font les frais de ses pointes assassines. Bloy, en dépit de son désir de n'être pas « le pamphlétaire à perpétuité », conservera tout au long de sa carrière cette manière brutale et joyeuse d'occuper les marges de la littérature contemporaine.
A côté du pamphlétaire, Le Désespéré révèle un autre aspect de Léon Bloy, qui va nourrir sa légende : son inspiration prophétique qui le porte à situer sans cesse ses propos dans l'Absolu. On connaît l'anecdote relatée dans Le Mendiant ingrat, le 11 décembre 1894 : « Il n'y a rien à faire avec vous, m'a dit une dame, vous marchez dans l'Absolu. – Dans quoi voulez-vous que je marche ? ai-je répondu ». Tout Bloy est dans ce mot. Sous cette bannière, son œuvre entière, – du Symbolisme de l'Apparition au Salut par les Juifs, – constitue un retour à une forme de « pensée prélogique », selon le mot de Lévy-Bruhl, qui manifeste une faille dans l'empire de la raison. D'inspiration biblique, elle fait appel à la grande tradition exégétique des Pères de l'Église, qu'elle a le mérite de ressusciter à une époque de réelle indigence théologique, même si elle lui adjoint des spéculations hétérodoxes, héritées de la religiosité romantique ou marquées par la curiosité fin-de-siècle pour les déviations spirituelles.
Bloy s'inscrit donc dans ce courant qui, tout au long du siècle, postule la dimension transcendante de l'histoire humaine et y décèle la trace d'une révélation divine. Tout événement lui apparaît comme une figure, véritable miroir par lequel Dieu se manifeste dans la réalité. Les faits historiques constituent à ses yeux le lexique d'un Texte divin à l’image de la Bible. Marchenoir prétend être « le Champollion des événements historiques envisagés comme les hiéroglyphes divins d'une révélation par les symboles, corroborative de l'autre Révélation ». Persuadé que derrière la combinaison hasardeuse des circonstances,  Dieu fait entendre sa Parole, il célèbre les noces de l'histoire et de la poésie, sous l'égide de l'imagination. 
Mais cette image de l'écrivain, entretenue par la légende de Marchenoir et ses avatars successifs (le Mendiant ingrat, le Pèlerin de l'Absolu…)  est trop affectée pour ne pas tenir de la pose. Avec délectation, Bloy joue un personnage  dans la République des Lettres du XIXe siècle finissant. Son intransigeance religieuse, sa férocité littéraire, son jusqu'auboutisme l'inféodent moins à un système religieux ou politique qu'ils ne révèlent un sens aigu de la provocation et du sarcasme. On aurait tort d'oublier qu'il commença sa carrière littéraire au Chat noir, où l'appela son cousin Émile Goudeau, le fondateur de Hydropathe, et qu'il fut l'ami d'un certain Alphonse Allais. Il y a du mystificateur en Bloy.
Prenant pour cible privilégiée l'immense bêtise moderne, son rire qui a pour vocation de malmener le bourgeois et de l'inquiéter, en le tirant de sa torpeur de brute, fait de Bloy le proche parent de Flaubert, de Lautréamont, dont il fut le découvreur en France, et de Villiers de l'Isle-Adam. « J'ai beau frapper. Aucun tombeau ne s'entr'ouvre. Dans les cimetières de l'intelligence, il n'y a plus que des concessions à perpétuité ». Cette dédicace de ses Histoires désobligeantes s'accorde parfaitement à l'esprit général de son œuvre où « le Démon de la Sottise, […] ce Captateur de la multitude » est constamment exorcisé.
Roboratif, mordant, cruel, un tel rire ne permet pas d'établir une complicité trop compromettante entre l'auteur qui plaisante et ses destinataires, Son agressivité déconcertante enfreint les règles de la courtoisie littéraire, en confondant sans ménagement le lecteur naïf avec l'objet même dont l'écrivain entend se moquer. Figure emblématique de ce benêt, Monsieur Prudhomme n'est jamais assuré d'échapper aux pièges redoutables d'une œuvre qui défie le bon sens et embarrasse la raison.
Le désarroi qui met en défaut toutes les idéologies est bien celui dans lequel Bloy veut plonger ses contemporains que la bêtise rend aveugles et sourds. Dans son rôle mi-sérieux mi-fumiste de persécuteur implacable, il forge des œuvres où le sens commun s'enferme dans des cercles vicieux que la grossière logique des philistins, en pure perte, s'exténue à élucider. Réversible et ambivalent, son rire taciturne vient combler le vide laissé par une transcendance dont les manifestations semblent dangereusement altérées. Dans sa neutralité essentielle, il rapproche les contraires, à égale distance de la plénitude de la Joie et des abysses du parfait désespoir. Plus encore que la Parole, il est, pour Bloy, « la monnaie de l'Indicible désigné par ce Silence d'or, éternellement désirable, auquel sont si vainement conviés tous les bourgeois ».


Le 3 novembre 1917 mourait Léon Bloy. Un siècle après la disparition de l’écrivain, ce colloque international, qui aura lieu au Collège de France et à l’École Normale Supérieure les 8, 9 et 10 novembre 2017 dans le cadre des célébrations nationales, se propose de faire le bilan d’un siècle de réception de son œuvre et d’explorer les nouveaux chemins de la critique bloyenne.
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A la charniere entre deux siecles, Salome fait office de lieu commun inevitable de la litterature et des arts. Cependant, aux cotes de la femme fatale, s'affirme la presence discrete mais tout aussi inevitable de la feminite fragile... more
A la charniere entre deux siecles, Salome fait office de lieu commun inevitable de la litterature et des arts. Cependant, aux cotes de la femme fatale, s'affirme la presence discrete mais tout aussi inevitable de la feminite fragile et bienveillante, formee sur le modele de la princesse de conte et de l'heroine de roman gothique, mais surtout sur celui de la vierge et martyre du roman edifiant, qu'il soit antiquisant ou contemporain. Parfois discrete jusqu'a l'illisibilite, cet archetype n'est legitime dans sa fonction bienveillante que par un sacrifice. La signification religieuse du bouc emissaire reste a la fois lisible et efficace dans les structures narratives du roman, mais aussi dans le detail de l'ecriture de ces personnages. Les figures mariales, magdaleennes ou feeriques sont soumises a la meme epreuve de destruction, par laquelle l'edification qu'elles symbolisent se fait litteralement construction de sens, juxtaposition d'elements ...
Abstract:Though her name has almost sunk into oblivion, Marie Corelli was by far the best-selling author of the end of the Victorian Era. All through Corelli’s production, from 1886 to her death, she rewrites the typical Byronic romance... more
Abstract:Though her name has almost sunk into oblivion, Marie Corelli was by far the best-selling author of the end of the Victorian Era. All through Corelli’s production, from 1886 to her death, she rewrites the typical Byronic romance and endorses a Byronic perception of poetry and of the poet. Corelli shaped her own auctorial identity and authority by playing on Byronic patterns, but beyond her obvious tributes to the Byronic hero or to Byron as a hero, she emphasises the importance of the feminine power of salvation, thus presenting a chance of redemption to Byron’s doomed characters.
Les années 1850 voient s’installer le Second Empire après un demi-siècle houleux où s’illustre la vanité du pouvoir temporel. Toutes deux légitimistes, Sophie Rostoptchine, comtesse de Ségur, et Victorine Monniot, ont laissé une empreinte... more
Les années 1850 voient s’installer le Second Empire après un demi-siècle houleux où s’illustre la vanité du pouvoir temporel. Toutes deux légitimistes, Sophie Rostoptchine, comtesse de Ségur, et Victorine Monniot, ont laissé une empreinte profonde dans l’éducation des jeunes filles du Second Empire. Leur enseignement, fondé sur une interprétation concrète du catéchisme catholique, illustre les principes chrétiens de renonciation aux biens matériels enseignés par le memento mori tout en se faisant l’écho des angoisses de l’époque. L’article se propose d’étudier la présence de la vanité comme outil pédagogique dans Le Journal de Marguerite (1858) et le cycle de Sophie (1858-1859) et de mettre au jour les liens entre ces romans édifiants et les hantises exprimées par Baudelaire ou Edmond de Goncourt.
From 1859, France, the United Kingdom and the United States knew a trend of educational books for young girls aged ten to fourteen. These novels teach social norms as much as the gestion of emotions and agressivite. In la Comtesse de... more
From 1859, France, the United Kingdom and the United States knew a trend of educational books for young girls aged ten to fourteen. These novels teach social norms as much as the gestion of emotions and agressivite. In la Comtesse de Segur’s Sophie’s cycle (Les Malheurs de Sophie, Les Petites filles modeles, Les Vacances, 1857-1859) and in Frances Hodgson Burnett’s The Secret Garden (1911), young girls take care of a garden that teaches them about effort, while revealing the untamable side of nature. If it shows them how to weed out bad passions and how to wait for the good ones to bear fruit, the garden also shows the young girl that the body is meant to love and to die. Nature unfolds as a « physis », an inevitable growing movement that fatally culminates with death. Behind the cheerful image of the inner garden conquered by effort and patience, the novel can teach female sensitivity how to face passion and death. Keywords: Initiation novel,  mourning, separation,  anger, orphanho...
A sa parution en 1888, Robert Elsmere de Mary Humphry Ward suscite un vif engouement. L’intrication d’intrigues amoureuses seduit un vaste lectorat, tandis que quelques inities du cercle intellectuel frequente par Mary Ward le lisent... more
A sa parution en 1888, Robert Elsmere de Mary Humphry Ward suscite un vif engouement. L’intrication d’intrigues amoureuses seduit un vaste lectorat, tandis que quelques inities du cercle intellectuel frequente par Mary Ward le lisent comme un roman a cles offrant une judicieuse mise en presence de differentes theses sur la veracite du corpus evangelique. Le personnage principal emprunte de nombreux traits a Ernest Renan, que Mary Ward a rencontre en 1 874. Toutefois, l’hommage de la romanciere n est pas rendu a travers une biographie romancee, mais par la mise en forme romanesque d’une evolution theologique dont Renan est moins le modele que la caution intellectuelle. Robert Elsmere ne serait pas tant un double fictionnel de Renan qu’un personnage christique selon Renan, et dont le parcours transposerait au monde contemporain la lecture renanienne de la vie de Jesus.
Dandys, esthetes et nevropathes : Drogues d'art dans le sillage de Baudelaire (1880-1900)