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""L’appellation « genre frénétique », créée par Charles Nodier en 1821, fait aujourd’hui partie intégrante du vocabulaire des études sur le romantisme. Le genre qu’elle désigne donne cependant lieu à des définitions divergentes, tant au... more
""L’appellation « genre frénétique », créée par Charles Nodier en 1821, fait aujourd’hui partie intégrante du vocabulaire des études sur le romantisme. Le genre qu’elle désigne donne cependant lieu à des définitions divergentes, tant au niveau des auteurs qui l’exemplifient qu’au niveau des caractéristiques qui le décrivent. Cette thèse retrace l’histoire du genre frénétique tel qu’il a été défini par la critique, de 1821 à 2010, à partir d’une étude des emplois de l’appellation générique dans un corpus de près de 630 textes critiques.
Dans les années 1820 et 1830, la notion du frénétique revêt une visée polémique dans le cadre du débat sur le romantisme. Alors que Nodier inventait le genre frénétique pour le distinguer du romantisme, de nombreux critiques assimilent au contraire, totalement ou partiellement, les deux notions, l’appellation permettant de décrire le romantisme dans ses dimensions violente et excessive. Après plusieurs décennies où le genre disparaît des lectures du romantisme, le genre « frénétique » est à nouveau convoqué au début du XXe siècle et connaît un succès croissant, qui a pour corollaire une complexification des définitions. Manifestation d’une révolte métaphysique ou transposition littéraire d’un èthos, le « frénétique », qu’il soit jugé favorablement ou non, permet aussi généralement de rendre compte de la vogue, à l’époque romantique, d’un genre horrifique et outrancier, héritier du roman gothique anglais. Ce dernier genre, formé par les romans de Radcliffe, Lewis et Maturin, constitue cependant un corpus hétérogène déterminant deux lignées génériques qui méritent d’être distinguées, le roman noir et le frénétique.

The name of the “Frénétique” genre was created by Charles Nodier in 1821 and is now an integral part of the vocabulary of Romanticism studies. The genre it designates, however, has experienced diverging definitions, both with regards to the authors associated with this genre and the characteristics that describe it. The present thesis traces the history of the genre known as “Frénétique” as defined by critiques from 1821 to 2010, based on a study of the uses of the genre name in a corpus of close to 630 critiques.
In the 1820s and 1830s, the notion of “Frénétique” was used in debates on Romanticism with a polemical purpose. While Nodier invented the “Frénétique” genre so as to distinguish it from Romanticism, numerous critics instead assimilated the two notions in part or in whole —using the “Frénétique” appellation to describe the most violent and excessive dimensions of Romanticism. After disappearing from Romanticism readings for several decades, the “Frénétique” genre emerged again in the early 20th century, when its rising success lead to an increasing complexity of its definitions. The “Frénétique” genre can be the manifestation of a metaphysical revolt, the literary transposition of an èthos, or is generally used to describe the Romantic-era craze for a horrific and excessive genre that inherited its key characteristics from the Gothic Novel. The latter, constituted by the novels of Radcliffe, Lewis and Maturin, spurred two genres that should be distinguished: the French Gothic Novel and the “Frénétique” genre.
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L’œuvre de Nodier, dans ses œuvres de fiction comme dans ses textes critiques, illustre de façon exemplaire l’immixtion du romantisme naissant et du roman gothique. Afin de compléter le portrait d’un auteur trop souvent limité au conteur... more
L’œuvre de Nodier, dans ses œuvres de fiction comme dans ses textes critiques, illustre de façon exemplaire l’immixtion du romantisme naissant et du roman gothique. Afin de compléter le portrait d’un auteur trop souvent limité au conteur fantastique, les sept articles du numéro visent à dessiner les contours d’un « Nodier gothique » en analysant les ambivalences d’un critique qui pouvait se faire le contempteur d’un genre dont, en tant que romancier, il éprouvait le pouvoir de séduction.
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« Les inventions des romanciers et des dramaturges sautent aussi souvent de leurs livres et de leurs pièces dans la vie réelle que les événements de la vie réelle montent sur le théâtre et se prélassent dans les livres », écrit Balzac.... more
« Les inventions des romanciers et des dramaturges sautent aussi souvent de leurs livres et de leurs pièces dans la vie réelle que les événements de la vie réelle montent sur le théâtre et se prélassent dans les livres », écrit Balzac. Comment le XIXe siècle s’est-il représenté ce « saut » des fictions dans la vie réelle ? Comment a-t-il conçu l’influence du personnage de roman sur le lecteur ? L’exploration du personnage conçu comme un modèle à vivre a donné lieu à un Atelier du XIXe siècle de la Société des études romantiques et dix-neuviémistes (SERD), organisé par Émilie Pézard, qui s’est tenu à l’Université Paris Diderot le 9 décembre 2016, et dont les actes viennent d'être publiés dans les Colloques en ligne de Fabula.
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Ce colloque, qui s’est tenu à l’Université Paris-Diderot les 8 février et 5 avril 2014, est l’aboutissement d’un projet de recherche mené en 2012-2014 par le groupe des Doctoriales de la SERD. Il a bénéficié du soutien de la SERD, de... more
Ce colloque, qui s’est tenu à l’Université Paris-Diderot les 8 février et 5 avril 2014, est l’aboutissement d’un projet de recherche mené en 2012-2014 par le groupe des Doctoriales de la SERD. Il a bénéficié du soutien de la SERD, de l’Université Paris Diderot-Paris VII et de l’École doctorale Sociétés, Cultures, Échanges (SCE) de l’Université de Nantes.

Comité scientifique :

Pascale Auraix-Jonchière, Corinne Bayle, Aude Déruelle, Frédérique Desbuissons, José-Luis Diaz, François Kerlouégan, Ségolène Le Men, Éric Lecler, Alain Montandon, Éléonore Reverzy, Olivier Schefer, Jean-Marie Seillan, Damien Zanone.

Comité éditorial :

Capucine Echiffre, Victoire Feuillebois, Aude Jeannerod, Lola Kheyar Stibler, Mathilde Labbé, Émilie Pezard.
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Cet article critique l’application du bovarysme (Jules de Gaultier) à Emma Bovary et propose une interprétation des personnages du roman fondée sur l’idée d’une polysémie du romantisme. Si Emma cherche à incarner les stéréotypes... more
Cet article critique l’application du bovarysme (Jules de Gaultier) à Emma Bovary et propose une interprétation des personnages du roman fondée sur l’idée d’une polysémie du romantisme. Si Emma cherche à incarner les stéréotypes romantiques, c’est parce qu’elle se définit d’emblée par un romantisme réel, marqué dans son goût pour l’intensité et son idéalisme. Le roman critique cette confusion entre l’essence du romantisme et ses formes accidentelles, à travers des personnages comme Emma et Rodolphe. Mais Flaubert propose aussi avec ce roman une mise en œuvre de ce romantisme essentiel, dégagé des formes accidentelles qu’il pouvait prendre dans les textes du premier tiers du XIXe siècle, en créant des personnages romantiques inédits : une fille de paysans égoïste et orgueilleuse, éperdue d’idéal, et un bourgeois médiocre qui meurt d’amour.
En ligne : https://serd.hypotheses.org/1933 Les discours des dernières décennies du XIXe siècle sont traversées par le constat nostalgique d’une disparition du surnaturel, perçue comme la conséquence des progrès scientifiques qui,... more
En ligne : https://serd.hypotheses.org/1933
Les discours des dernières décennies du XIXe siècle sont traversées par le constat nostalgique d’une disparition du surnaturel, perçue comme la conséquence des progrès scientifiques qui, cependant, aboutissent à la réalisation de nouvelles merveilles. Ce regret paradoxal s’explique par le goût pour les caractères esthétiques du fantastique qui découlent du statut épistémologique du surnaturel : le mystère devant l’inexpliqué, l’étonnement devant l’inconnu, la terreur devant l’incontrôlé. Or la science, dans les zones d’ombre que fait apparaître la lumière qu’elle jette sur la nature, est encore créatrice de fantastique. Le merveilleux scientifique ne découle donc pas seulement d’un enthousiasme positiviste devant les progrès de la science, mais répond aussi aux aspirations des nostalgiques des mystères irrationnels.
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[URL : http://lisaa.u-pem.fr/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&file=fileadmin/fichiers/LISAA/Collections_numeriques_du_LISAA/Savoirs_en_textes/Pezard.pdf&t=1538831449&hash=fdd251ab4ee5e0c36433ede6119556c529aedb63 ]
Le caractère controversé de cette discipline explique que la fiction exploite tout au long du siècle le motif de la découverte du magnétisme. Mais la scène où un personnage découvre que le magnétisme, ou l’hypnose, est bel et bien une réalité, évolue en profondeur en même temps que la science. Le sujet magnétisé, qui accède à une nouvelle forme d’existence dans les récits romantiques, expérimente à la fin du siècle une perte radicale de conscience. Le magnétiseur, fascinateur charismatique dans les romans de Balzac, Soulié ou Dumas, devient un homme banal à partir des années 1870. Ce changement de point de vue permet au lecteur de se situer au plus près de l’émotion qui reste toujours associée, dans ces textes, à la découverte du magnétisme : la peur, qu’inspire ce phénomène qui semble la réalisation scientifique d’un cauchemar surnaturel.
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Récit organisé par la succession des modalités du refus du réel, À rebours comporte paradoxalement plusieurs épisodes décrivant une réalité brutale et répugnante qui, en tant que telle, éveille un jugement favorable chez des Esseintes. Ce... more
Récit organisé par la succession des modalités du refus du réel, À rebours comporte paradoxalement plusieurs épisodes décrivant une réalité brutale et répugnante qui, en tant que telle, éveille un jugement favorable chez des Esseintes. Ce paradoxe peut d’abord être expliqué par la dimension érotique de ce goût de la brutalité, qui apparaît dans des fantasmes masochistes. Plus largement, cet « amour malheureux » de Huysmans « pour le réel » (G. Bachelard), peut rendre compte de l’ensemble du roman qui se présente comme l’application systématique d’une loi, celle du sacrilège, qui présuppose la dignité de ce qu’elle vise à insulter. La recherche forcenée du faux et la prééminence de la vie intérieure peuvent alors apparaître comme un hommage rendu, à rebours, à l’authenticité, qui, dans un monde moderne déserté par le sens, ne réside plus que dans la brutalité physique.
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Au début du XIXe siècle, le modèle poétique du roman noir connaît un infléchissement majeur avec la transformation du personnage du scélérat, qui se dote de qualités admirables. Cet article trace le portrait de « l’admirable scélérat »,... more
Au début du XIXe siècle, le modèle poétique du roman noir connaît un infléchissement majeur avec la transformation du personnage du scélérat, qui se dote de qualités admirables. Cet article trace le portrait de « l’admirable scélérat », montre en quoi cette figure singulière est emblématique du romantisme et comment elle bouleverse les codes du genre noir en permettant la promotion de nouvelles valeurs, souvent paradoxales.
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Le merveilleux scientifique, dans les récits de Renard, peut faire l’objet de deux traitements distincts : la mise en scène d’une merveille avérée dans l’ordre de la fiction, présentée comme vraisemblable ; celle, au contraire, d’une... more
Le merveilleux scientifique, dans les récits de Renard, peut faire l’objet de deux traitements distincts : la mise en scène d’une merveille avérée dans l’ordre de la fiction, présentée comme vraisemblable ; celle, au contraire, d’une apparente merveille qui s’avérera finalement être une illusion, foncièrement impossible. Cet article se concentre sur cette seconde voie, que Maurice Renard a empruntée tout au long de sa carrière : le « chantre du merveilleux-scientifique » (Deméocq, 1999) est aussi celui qui a mis en scène l’échec répété de la merveille. À partir d’une étude des Mains d’Orlac et de plusieurs contes, pour la plupart très méconnus, cet article vise à montrer que ces deux approches a priori contradictoires sont en réalité complémentaires et que, loin de réitérer les facilités du surnaturel expliqué à la Ann Radcliffe, cette mise en échec de la merveille offre le moyen à Maurice Renard d’accomplir son projet, « faire connaître à l’homme ce qu’il est » (1910), projet qui assure d’ailleurs l’unité de son œuvre au-delà des critères génériques. Après avoir proposé une brève typologie des différents statuts de la merveille dans l’œuvre de fiction de Renard, nous analysons comment l’intérêt se déplace de la représentation de la merveille à la façon dont celle-ci est perçue par un personnage, et comment ce déplacement permet à Maurice Renard, dans un mouvement de mise en abyme, d’intégrer dans la fiction même une réflexion théorique sur l’art du romancier.
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Cet article est consacré à l’étude de la pensée théorique de Maurice Renard sur le roman merveilleux-scientifique. Les trois articles de Maurice Renard édités dans ce dossier de Res Futurae (« Du roman merveilleux-scientifique et de son... more
Cet article est consacré à l’étude de la pensée théorique de Maurice Renard sur le roman merveilleux-scientifique. Les trois articles de Maurice Renard édités dans ce dossier de Res Futurae (« Du roman merveilleux-scientifique et de son action sur l’intelligence du progrès » (1909), « Le Merveilleux scientifique et La Force mystérieuse de J.-H. Rosny aîné » (1914) et « Le roman d’hypothèse » (1928)) y sont analysés dans leur double rapport avec les autres textes théoriques de Renard et avec les autres discours critiques du début du xxe siècle. Cette étude contextuelle permet de montrer que Renard s’efforce d’institutionnaliser et de légitimer un genre déjà bien connu de la critique, objet d’un discours balisé depuis plusieurs décennies. Sa définition du « roman merveilleux-scientifique », remarquable par sa richesse et sa cohérence, est constituée d’autant de prises de position nettement affirmées au sein de débats qui traversaient la critique : outre qu’il affirme l’autonomie du genre et sa valeur littéraire, Renard s’efforce de démontrer que le roman merveilleux-scientifique est bien, à la fois, pleinement merveilleux — ce qui motive son refus de l’anticipation — et authentiquement scientifique — ce qui le conduit à le redéfinir comme « roman d’hypothèse ».
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Les « admirables scélérats », ces personnages définis par une double polarisation axiologique contradictoire, ont pu servir de modèles à vivre aux jeunes adeptes du romantisme. L’artificialité de cette imitation, qui motive les satires... more
Les « admirables scélérats », ces personnages définis par une double polarisation axiologique contradictoire, ont pu servir de modèles à vivre aux jeunes adeptes du romantisme. L’artificialité de cette imitation, qui motive les satires des poseurs romantiques, réduit la littérature à quelques stéréotypes et l’existence individuelle au comportement à la mode. Au-delà de l’exhibition naïve des signes les plus superficiels des personnages romantiques s’opère pourtant un autre type d’identification, moins visible, mais réel : que le lecteur souhaite ressembler au héros romantique signale qu’il a vraiment adopté les valeurs de ce dernier.
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Cet article brosse un panorama de la situation du « gothique » en France à l’époque romantique (1820-1840), à partir d’une étude des appellations génériques en usage et de la réalité des productions littéraires. Le modèle radcliffien, qui... more
Cet article brosse un panorama de la situation du « gothique » en France à l’époque romantique (1820-1840), à partir d’une étude des appellations génériques en usage et de la réalité des productions littéraires. Le modèle radcliffien, qui perdure tout au long du XIXe siècle, cherche à provoquer la terreur du lecteur en montrant le combat entre l’innocence — qui l’emportera — et le crime à travers la persécution d’une jeune fille dans un décor gothique sinistre. Parallèlement, au début des années 1820, un autre genre apparaît, notamment sous l’influence de la poésie byronienne et de Melmoth de Maturin : ce genre romantique, à la vogue intense mais brève, vise à horrifier le lecteur, en le confrontant à des histoires violentes et cruelles ancrées dans un contexte réaliste, qui mettent en scène un villain hero et s’achèvent souvent mal.
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Entre la fin du XVIIIe siècle et les années 1830, l’alliance du mariage et de la terreur s’opère selon des modalités changeantes qui mettent en jeu la valeur accordée à l’institution matrimoniale. Dans le roman noir d’Ann Radcliffe ou... more
Entre la fin du XVIIIe siècle et les années 1830, l’alliance du mariage et de la terreur s’opère selon des modalités changeantes qui mettent en jeu la valeur accordée à l’institution matrimoniale. Dans le roman noir d’Ann Radcliffe ou Ducray-Duminil, le mariage est le bien absolu, objet de la quête des héros qui luttent contre la tentative du scélérat pour l’empêcher. À partir des années 1820, le romantisme frénétique brouille cette séparation des rôles. En donnant au mari le rôle du scélérat contre lequel doit se prémunir l’héroïne, il transforme l’institution sécurisante en une dangereuse prison qui place la femme sous la coupe d’un tyran. Dans d’autres textes, le mari demeure une figure protectrice, mais c’est vers le danger passionnel incarné par le scélérat que tend l’héroïne. Cette éthique de la révolte doit cependant être nuancée : la critique du mariage bourgeois peut relayer le discours auctorial ou être citée comme un dangereux sophisme.
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21. « “Celui qui ment avec sincérité” : le bovarysme de Robert dans L’École des femmes d’André Gide » Figures littéraires du mensonge, dir. Fabrice Wilhelm, Presses universitaires de Franche-Comté, coll. Annales littéraires, 2018 Cette... more
21. « “Celui qui ment avec sincérité” : le bovarysme de Robert dans L’École des femmes d’André Gide » Figures littéraires du mensonge, dir. Fabrice Wilhelm, Presses universitaires de Franche-Comté, coll. Annales littéraires, 2018 Cette étude se propose d’interpréter un personnage de L’École des femmes à la lumière de la notion définie par Jules de Gaultier, le bovarysme. Robert, qui se donne constamment le beau rôle de l’homme vertueux, n’est pas un hypocrite, car il « ment avec sincérité » et, comme l’héroïne de Flaubert, « se conç[oit] autrement qu’il n’est ». Animé par une tension vers l’idéal, née de l’inconsistance fondamentale du moi, ce personnage ambivalent fait de ce bref récit méconnu la chambre d’écho des réflexions d’André Gide, qui, dans la lignée de Nietzsche, remet en cause la notion même de vérité, sans pour autant renoncer aux valeurs de sincérité et de naturel.
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En 1821, Charles Nodier invente l’appellation « genre frénétique » pour désigner les œuvres de Maturin (Bertram, Melmoth, Les Albigeois), Le Petit Pierre de Spiess et Han d’Islande du jeune Victor Hugo. À sa suite, le terme est repris... more
En 1821, Charles Nodier invente l’appellation « genre frénétique » pour désigner les œuvres de Maturin (Bertram, Melmoth, Les Albigeois), Le Petit Pierre de Spiess et Han d’Islande du jeune Victor Hugo. À sa suite, le terme est repris pour désigner un genre romantique fondé sur la recherche de la seule émotion qui, selon les discours de l’époque, peut encore émouvoir les « âmes blasées  » par les chocs de l’histoire : l’horreur. Conçu comme un « reflet de la société », le genre frénétique obtient un succès très vif auprès du public dans les années 1820 et 1830 : il est pratiqué par de grands auteurs, comme Balzac qui sait répondre à ce « goût de l’atroce  », et par de nombreux romantiques mineurs, tel Amédée Pommier annonçant au lecteur, en épigraphe de son recueil La Pile de Volta, « Vous voulez des secousses nerveuses, vous en aurez. » Au succès du genre fait pendant une condamnation unanime par la critique : les excès qui fondent l’horreur sont en effet de mauvais goût et traduisent une décadence de la sensibilité. Alors que la terreur a gagné grâce à la tragédie classique ses lettres de noblesse, l’horreur n’est pas une émotion esthétique légitime. Dès lors, trois questions peuvent être posées : comment définir l'horreur? Comment caractériser la poétique d'un genre horrifiant? Au nom de quelles valeurs esthétiques l'horreur est-elle condamnée?
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Les rapports de La Famille de Carvajal et du mélodrame sont souvent évoqués par la critique, mais donnent lieu à des appréciations contradictoires. Oscar Mandel refuse d’utiliser cette étiquette générique pour cette pièce qu’il présente... more
Les rapports de La Famille de Carvajal et du mélodrame sont souvent évoqués par la critique, mais donnent lieu à des appréciations contradictoires. Oscar Mandel refuse d’utiliser cette étiquette générique pour cette pièce qu’il présente au contraire comme « un drame des plus puissants et crédibles  ». À l’inverse, Pierre Trahard voit dans la pièce « un mélodrame fort épicé  », et Michel Crouzet un « mélodrame frénétique  » ; mais ces deux critiques notent dans le même temps que, loin de constituer un exemple sérieux du genre, La Famille de Carvajal est « une parodie bouffonne du mélodrame  » ou qu’elle « obéit à la sûre recette du vrai mélo, aller toujours au-delà dans l’auto-parodie  ».
L’appellation « mélodrame », pour les contemporains de Mérimée comme pour les critiques du XXe siècle, revêt une forte connotation péjorative : la classification générique devient ainsi un jugement esthétique visant à légitimer, ou au contraire condamner, la pièce de Mérimée. Cette prééminence de la dimension évaluative nuit à une compréhension claire des enjeux génériques. Il reste donc à se demander dans quelle mesure La Famille de Carvajal relève du genre mélodramatique, en confrontant le texte aux codes mélodramatiques en vigueur en 1828. Comment l’œuvre de Mérimée s’inscrit-elle dans la production de son temps ? La répartition des rôles dans la pièce correspond à celle du mélodrame – le scélérat, la victime et le héros – et l’intrigue repose sur la persécution d’une jeune fille innocente. Mais l’œuvre diffère largement de ce modèle générique tant par les émotions qu’elle suscite que par la caractérisation morale des personnages. Dans cette ambivalence générique, La Famille de Carvajal s’éloigne du modèle du « mélodrame classique », mais c’est pour se rapprocher du « mélodrame romantique ».
À la fin des années 1820, Mérimée s’inscrit pleinement dans la vogue du romantisme violent : les thèmes qui se développent dans les fictions tout comme la rhétorique permettant d’expliquer ou de dénoncer dans les discours critiques cette... more
À la fin des années 1820, Mérimée s’inscrit pleinement dans la vogue du romantisme violent : les thèmes qui se développent dans les fictions tout comme la rhétorique permettant d’expliquer ou de dénoncer dans les discours critiques cette mode littéraire trouvent un écho sous sa plume. « Tamango » préfigure les romans maritimes de Sue ; la préface de La Famille de Carvajal illustre le réinvestissement original des topoï des discours critiques sur le romantisme frénétique. Mérimée apparaît ainsi comme un auteur emblématique des rapports complexes qui se jouent dans ce genre à la fois « horrible et amusant » entre la dimension collective des jeux intertextuels et le caractère profondément intime du « goût de l’horrible » (Baudelaire).
Hugo et Flaubert empruntent à Mme Leprince de Beaumont les personnages de la Belle et la Bête, mais renoncent à la visée didactique du conte. La Belle (Esmeralda ou Adèle) est incapable d’aimer la Bête (Quasimodo ou Djalioh) et... more
Hugo et Flaubert empruntent à Mme Leprince de Beaumont les personnages de la Belle et la Bête, mais renoncent à la visée didactique du conte. La Belle (Esmeralda ou Adèle) est incapable d’aimer la Bête (Quasimodo ou Djalioh) et l’attention est déplacée sur les souffrances de celle-ci : le conte merveilleux devient récit pathétique. Malgré sa violence, la Bête, dans son destin solitaire que ne viendra rompre aucune transformation magique, apparaît comme un être d’exception dans ces deux récits qui font de la laideur une valeur : le symbole moral du conte devient l’« idéal du grotesque » (Hugo) ou l’archétype du poète (Flaubert).
Les œuvres du genre frénétique visent explicitement l’horreur du lecteur mais provoquent souvent son rire. Ce rire critique, qui sanctionne le caractère ridicule des œuvres, peut nourrir la poétique du genre pour créer des parodies. Mais... more
Les œuvres du genre frénétique visent explicitement l’horreur du lecteur mais provoquent souvent son rire. Ce rire critique, qui sanctionne le caractère ridicule des œuvres, peut nourrir la poétique du genre pour créer des parodies. Mais le rire peut également fournir une nouvelle source à l’horreur, en la médiatisant : c’est la représentation du rire devant le mal et la souffrance qui provoquera l’horreur du lecteur, parce que ce rire consacre la banalisation du mal. Par un dernier revirement, cette horreur morale provoque un nouveau rire, celui du narrateur, un rire désenchanté, à la fois comique et horrible.
L’espace chaotique qui caractérise Smarra (1821) reflète la position ambivalente qu’occupe Nodier dans le débat sur le romantisme. Cauchemar romantique situé dans la Thessalie antique, récit placé sous le double patronage épigraphique de... more
L’espace chaotique qui caractérise Smarra (1821) reflète la position ambivalente qu’occupe Nodier dans le débat sur le romantisme. Cauchemar romantique situé dans la Thessalie antique, récit placé sous le double patronage épigraphique de Shakespeare et Apulée, Smarra opère un brouillage des repères spatiaux qui signale un refus d’opérer un choix exclusif entre classique et romantique et constitue ainsi une stratégie de défense du romantisme naissant.
En 1821, Charles Nodier nomme « frénétique » le genre qui représente les scènes horrifiantes susceptibles de procurer au lecteur les émotions fortes qu’il réclame : l’intensité, au cœur de la définition du genre, motive des codes... more
En 1821, Charles Nodier nomme « frénétique » le genre qui représente les scènes horrifiantes susceptibles de procurer au lecteur les émotions fortes qu’il réclame : l’intensité, au cœur de la définition du genre, motive des codes génériques comme la composition par accumulation ou l’esthétique du contraste. Cependant la codification générique crée un horizon d’attente qui, en rendant l’intensité prévisible, risque de l’anéantir de fait : un tel paradoxe rend compte de la condamnation critique du genre et explique pourquoi le frénétique connaît une histoire accélérée, où se succèdent rapidement les modes thématiques, et où le réalisme et l’ironie, nouveaux facteurs d’intensité, gagnent en importance.
Article paru dans Huysmans, ou comment extraire la poésie de la prose, dir. Jérôme Solal, Classiques Garnier, coll. La Revue des lettres modernes, Série Joris-Karl Huysmans, n° 3, 2015, p. 159-174. Cet article s’interroge sur la... more
Article paru dans Huysmans, ou comment extraire la poésie de la prose, dir. Jérôme Solal, Classiques Garnier, coll. La Revue des lettres modernes, Série Joris-Karl Huysmans, n° 3, 2015, p. 159-174.

Cet article s’interroge sur la contradiction entre la théorie du poème en prose, développée dans À rebours, et la pratique effective du genre, dans Le Drageoir aux épices et les Croquis parisiens. La théorie énonce un idéal littéraire agénérique, fondé sur la concentration sémantique, idéal auquel se prête bien le genre bref du poème en prose. Au niveau du mot, cette concentration reste purement théorique ; mais elle est réalisée au niveau de la phrase dans les recueils où Huysmans recourt souvent au refrain. Alors que des Esseintes n’aspire qu’à une fuite hors du réel par la poésie, les poèmes en prose de Huysmans intègrent le prosaïque pour mieux exprimer la haine du réel et l’impossibilité du rêve.
Quatorze ans après la parution de Melmoth, Balzac écrit une suite au roman de Maturin et place son personnage éponyme dans le milieu parisien de la banque et de la Bourse. Si l’argent, dans Melmoth réconcilié, est au service d’une... more
Quatorze ans après la parution de Melmoth, Balzac écrit une suite au roman de Maturin et place son personnage éponyme dans le milieu parisien de la banque et de la Bourse. Si l’argent, dans Melmoth réconcilié, est au service d’une dégradation burlesque du roman noir dans le réalisme, cette confrontation entre un personnage sublime et un univers prosaïque ne constitue pas, comme on l’a souvent affirmé, une parodie du roman original, mais un hommage paradoxal : ce n’est plus Melmoth, mais le narrateur balzacien qui adopte un rire ironique critique à l’égard de la société et des hommes.
Dans les années 1820 et 1830, écrivains comme critiques commentent la vogue de l’horreur, qu’on rattache au romantisme et à laquelle on donne plusieurs noms génériques. Si le roman noir, exemplifié par Ann Radcliffe, reste une source... more
Dans les années 1820 et 1830, écrivains comme critiques commentent la vogue de l’horreur, qu’on rattache au romantisme et à laquelle on donne plusieurs noms génériques. Si le roman noir, exemplifié par Ann Radcliffe, reste une source d’inspiration féconde, l’horreur romantique ne peut être réduite à la reprise de ce modèle. Délaissant le décor gothique et la terreur qu’il procure, ces romans romantiques consacrent le triomphe du mal sur l’innocence et cultivent une « esthétique du choc » (Milner). Cependant la poétique de l’horreur se prête d’autant moins à une définition unique qu’elle se combine aisément avec d’autres genres romanesques. Condamné par une critique unanime, revendiqué par aucun auteur, le romantisme frénétique est à la fois invisible et omniprésent dans le paysage romanesque.
Pourquoi l’ivresse meurtrière, dans ce texte de jeunesse, est-elle décrite comme un rêve ? Le vin est à la fois une manifestation du principe de destruction qui régit le monde et un moyen de fuir temporairement ce monde chaotique.... more
Pourquoi l’ivresse meurtrière, dans ce texte de jeunesse, est-elle décrite comme un rêve ? Le vin est à la fois une manifestation du principe de destruction qui régit le monde et un moyen de fuir temporairement ce monde chaotique. L’ivresse apparaît dès lors paradoxalement comme la seule forme possible du rêve, car c’est la seule illusion qui, s’annonçant comme telle, contient une part de vérité. Ce rêve de l’ivresse est pourtant refusé, car il est assimilable à la mort ou son équivalent psychique, la folie. « Ivre et mort » exprime le dilemme d’un jeune écrivain qui, tout en trouvant le monde intolérable, refuse de se soustraire à la réalité. Ce dilemme se résout dans l’écriture, qui fait de la littérature un substitut au rêve : elle seule permet de fuir le monde tout en décrivant avec précision le prosaïsme et la violence de la réalité.
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Colloque « L’émergence du roman d’anticipation scientifique dans l’espace médiatique francophone (1860-1940) », organisé par C. Barel-Moisan, J.-F. Chassay, Ch. Couleau et S. Mombert (ANR Anticipation) – UQAM, Montréal, 3-5 mai 2017
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1821, 1830 ou 1833 : plusieurs dates sont régulièrement citées par les universitaires qui écrivent l’histoire du romantisme frénétique. L’analyse des périodisations adoptées est révélatrice de la définition qu’on donne à cette notion... more
1821, 1830 ou 1833 : plusieurs dates sont régulièrement citées par les universitaires qui écrivent l’histoire du romantisme frénétique. L’analyse des périodisations adoptées est révélatrice de la définition qu’on donne à cette notion aussi suggestive que vague, apparue à l’époque romantique mais largement recréée par la critique universitaire du XXe siècle : le frénétisme. Ainsi, la place de choix accordée aux années 1830 est symptomatique de la façon dont la catégorie générique a pu être mise au service d’une réhabilitation des petits romantiques et définie principalement par des critères idéologiques et politiques.
C’est pour éviter les écueils d’une histoire littéraire circulaire que nous nous concentrons après cette analyse méta-historique, sur l’histoire d’une esthétique, celle de la terreur et de l’horreur : il s’agira de montrer que parallèlement à l’héritage gothique, qui parcourt sous une forme stable l’époque romantique et, au-delà, le XIXe siècle, se développe dans les années 1820 un romantisme horrifiant qui se distingue de celui-ci. Or, dans l’essor de cette littérature cruelle propre au romantisme que nous appellerons « frénétique », 1829 constitue une date-clef, marquée par la parution de deux œuvres constituant les emblèmes de ce genre : Le Dernier Jour d’un condamné et L’Âne mort et la femme guillotinée. L’analyse des récits de Hugo et Janin permettra de montrer que c’est avant 1830 que s’affirme la spécificité d’une écriture française et romantique de l’horreur.
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Au XXe siècle, les nombreuses rééditions qui accompagnent le processus de patrimonialisation du roman du XIXe portent la marque de plusieurs évolutions importantes : développement des collections et de l’illustration de première de... more
Au XXe siècle, les nombreuses rééditions qui accompagnent le processus de patrimonialisation du roman du XIXe portent la marque de plusieurs évolutions importantes : développement des collections et de l’illustration de première de couverture, durcissement de l’opposition entre une littérature légitime agénérique et la littérature populaire, assimilée à la littérature de genre. L’étude des collections et des illustrations choisies pour rééditer des romans tels que La Bête humaine, Le Comte de Monte-Cristo ou La Vampire de Féval permet ainsi d’observer comment la généricité multiple est actualisée différemment selon les lectures. Ces variations entre populaire et légitime d’une part, et entre genres d’autre part, illustrent l’hétérogénéité du roman au XIXe, souvent irréductible à une assignation générique unique comme à l’opposition entre romance et novel.
Au tournant du XIXe siècle, le personnage du scélérat, constitutif du roman noir, s’infléchit dans le sens d’une complexification morale croissante : aux valeurs négatives qui définissent le personnage s’associent des qualités qui... more
Au tournant du XIXe siècle, le personnage du scélérat, constitutif du roman noir, s’infléchit dans le sens d’une complexification morale croissante : aux valeurs négatives qui définissent le personnage s’associent des qualités qui suscitent l’admiration et la sympathie du lecteur. Héritier du Satan de Milton, de Melmoth (Maturin), de Karl Moor (Les Brigands) et des héros de Byron, ce « héros négatif » se développe dans les œuvres frénétiques des années 1820 et 1830, jusqu’à devenir un type du romantisme. Il suscite de nombreux débats sur l’influence de la lecture romantique en incarnant l’émergence de deux valeurs ambiguës, le malheur et l’intelligence.
Communication pour le VIIe Congrès de la SERD « Le XIXe siècle face au futur. Penser, représenter, rêver l’avenir au XIXe siècle », dir. Claire Barel-Moisan, Aude Déruelle, José-Luis Diaz, Fondation Singer-Polignac, 19-22 janvier 2016.... more
Communication pour le VIIe Congrès de la SERD « Le XIXe siècle face au futur. Penser, représenter, rêver l’avenir au XIXe siècle », dir. Claire Barel-Moisan, Aude Déruelle, José-Luis Diaz, Fondation Singer-Polignac, 19-22 janvier 2016.

Les dernières décennies du XIXe siècle sont traversées par le constat nostalgique d’une disparition du surnaturel, conséquence des progrès scientifiques qui, cependant, aboutissent à la réalisation de nouvelles merveilles. Ce regret paradoxal s’explique par le goût pour les caractères esthétiques du fantastique qui découlent du statut épistémologique du surnaturel : le mystère devant l’inexpliqué, l’étonnement devant l’inconnu, la terreur devant l’incontrôlé. Or la science, dans les zones d’ombre que fait apparaître la lumière qu’elle jette sur la nature, est encore créatrice de fantastique. Le merveilleux scientifique ne découle donc pas seulement d’un enthousiasme positiviste devant les progrès de la science, mais répond aussi aux aspirations des nostalgiques des mystères irrationnels.
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Communication pour le 41ème colloque annuel de la NCFS (Nineteenth Century French Studies), Princeton University, 5-7 novembre 2015 : « Contamination ». La contamination de la pensée à l’œuvre dans le phénomène hypnotique conduit à une... more
Communication pour le 41ème colloque annuel de la NCFS (Nineteenth Century French Studies), Princeton University, 5-7 novembre 2015 : « Contamination ».

La contamination de la pensée à l’œuvre dans le phénomène hypnotique conduit à une autre contamination, sur le plan esthétique : le fantastique surnaturel et la rationalité scientifique. La fin du siècle se caractérise par une scientificité accrue dans l’approche du phénomène magnétique. Sous les nouveaux traits de l’hypnose, le magnétisme n’est plus un motif surnaturel pourvoyeur d’une atmosphère fantastique, mais un sujet renvoyant à l’actualité scientifique immédiate. On aurait tort pourtant d’en conclure à une rationalisation complète du phénomène : l’étude des textes montre la rémanence d’une aura fantastique, liée notamment à cet usage imaginaire de l’hypnose qu’est le crime par suggestion. C’est cette ambivalence qui fait de ces fictions magnétiques des représentants exemplaires du genre de l’anticipation scientifique qui se développe dans ces années.
Communication pour le colloque « La découverte scientifique dans les arts : persistance et mutation de la merveille du XIXe siècle à nos jours », dir. Azélie Fayolle et Yohann Ringuedé, Laboratoire LISAA-Littérature, Savoirs et... more
Communication pour le colloque « La découverte scientifique dans les arts : persistance et mutation de la merveille du XIXe siècle à nos jours », dir. Azélie Fayolle et Yohann Ringuedé, Laboratoire LISAA-Littérature, Savoirs et Arts-EA4120, Université Paris-Est Marne-la-Vallée, 19 et 20 novembre 2015.

Le caractère controversé de cette discipline explique que la fiction exploite tout au long du siècle le motif de la découverte du magnétisme. Mais la scène où un personnage découvre que le magnétisme, ou l’hypnose, est bel et bien une réalité, évolue en profondeur en même temps que la science. Le sujet magnétisé, qui accède à une nouvelle forme d’existence dans les récits romantiques, expérimente à la fin du siècle une perte radicale de conscience. Le magnétiseur, fascinateur charismatique dans les romans de Balzac, Soulié ou Dumas, devient un homme banal à partir des années 1870. Ce changement de point de vue permet au lecteur de se situer au plus près de l’émotion qui reste toujours associée, dans ces textes, à la découverte du magnétisme : la peur, qu’inspire ce phénomène qui semble la réalisation scientifique d’un cauchemar surnaturel.
Communication pour le colloque « Figurations littéraires du mensonge », dir. Fabrice Wilhelm, Université de Franche-Comté, Centre Jacques-Petit, 3-4 décembre 2014. Cette étude se propose d’interpréter un personnage de L’École des femmes... more
Communication pour le colloque « Figurations littéraires du mensonge », dir. Fabrice Wilhelm, Université de Franche-Comté, Centre Jacques-Petit, 3-4 décembre 2014.

Cette étude se propose d’interpréter un personnage de L’École des femmes à la lumière de la notion définie par Jules de Gaultier, le bovarysme. Robert, qui se donne constamment le beau rôle de l’homme vertueux, n’est pas un hypocrite, car il « ment avec sincérité » et, comme l’héroïne de Flaubert, « se conç[oit] autrement qu’il n’est». Animé par une tension vers l’idéal, née de l’inconsistance fondamentale du moi, ce personnage ambivalent fait de ce bref récit méconnu la chambre d’écho des réflexions d’André Gide, qui, dans la lignée de Nietzsche, remet en cause la notion même de vérité, sans pour autant renoncer aux valeurs de sincérité et de naturel.
Communication pour le colloque « Maurice Lévy et Jacques Goimard », CERLI, Université de Bordeaux-III, 16-17 février 2015. Nourrie par les cas du gothique et du frénétique, cette réflexion théorique vise à montrer que la nature du genre... more
Communication pour le colloque « Maurice Lévy et Jacques Goimard », CERLI, Université de Bordeaux-III, 16-17 février 2015.

Nourrie par les cas du gothique et du frénétique, cette réflexion théorique vise à montrer que la nature du genre littéraire varie selon l’extension historique qu’on lui donne. Les genres anhistoriques sont des classes analogiques qui reposent sur des fondements anthropologiques, tandis que les genres rattachés à une période, brève ou longue, sont des classes généalogiques : dans ce dernier cas la poétique et l’esthétique du genre peuvent garder leur cohérence sur une longue période, contrairement aux dimensions pragmatiques et idéologiques, qui ne valent que pour une extension restreinte au premier contexte de création et de réception.
La diffusion de la théorie mesmérienne du magnétisme animal, dans la première moitié du XIXe siècle, a des répercussions sur la création littéraire. En écho aux préoccupations de l’époque, le magnétiseur devient un personnage de roman,... more
La diffusion de la théorie mesmérienne du magnétisme animal, dans la première moitié du XIXe siècle, a des répercussions sur la création littéraire. En écho aux préoccupations de l’époque, le magnétiseur devient un personnage de roman, notamment dans le romantisme populaire, avec Le Centenaire de Balzac (1822), Le Magnétiseur de Frédéric Soulié (1834) et Joseph Balsamo d’Alexandre Dumas (1846-1849). Comment ce personnage reflète-t-il les débats de l’époque concernant la valeur scientifique du magnétisme animal ? Figure située entre rationalité et magie, inscrite dans une narration hésitant entre la vraisemblance et le fantastique, l’explication et le mystère, le magnétiseur est un personnage ambivalent, qui apparaît dès lors aussi bien dans un roman historique (Dumas) que dans une œuvre, Le Centenaire, qui doit beaucoup au roman noir Melmoth. On se demandera également dans quelle mesure cette ambivalence entre science et fantastique, recouvre les ambiguïtés morales du villain-hero, modèle des personnages étudiés : observe-t-on une correspondance nette entre, d’une part, science et bien, d’autre part, fantastique et mal ? Ou alors le magnétiseur peut-il apparaître comme la figure d’un scientifique noir ?
La lecture des textes critiques alimentant le débat entre classiques et romantiques, dans les années 1820 et 1830, laisse apparaître un large consensus dans la construction du personnage romantique : les romantiques abandonnent... more
La lecture des textes critiques alimentant le débat entre classiques et romantiques, dans les années 1820 et 1830, laisse apparaître un large consensus dans la construction du personnage romantique : les romantiques abandonnent l’idéalisation classique, qui, à partir d’une double opération de sélection et d’embellissement, faisaient des personnages des « généralités ». L’apparition, à l’opposé, des « individualités » romantiques, peut faire l’objet d’un éloge : ces personnages imparfaits sont en effet plus « vrais », et traduisent une vision de l’homme héritée du christianisme. Cependant, si les classiques prônent également ces valeurs, ils accusent les romantiques de pousser trop loin ce refus de l’idéalisation. Le refus de l’embellissement prend la forme d’un acharnement à lever les « voiles » qui peut virer à l’horreur, quand la métaphore de la nudité est relayée par celle de l’écrivain anatomiste : la réalité n’est plus seulement présentée nue, mais écorchée. Quant à la sélection, elle est moins refusée qu’inversée : la prédilection des romantiques pour la laideur est constamment notée pour être condamnée. Les personnages romantiques ne sont plus ainsi que des « exceptions » — dans l’ordre naturel, moral ou social —, aussi invraisemblables que les « généralités » classiques.
Cette conférence étudie les rapports multiples entre le frénétique et le romantisme, mouvement par rapport auquel ce genre est défini dans les années 1820 et 1830. L’appellation « frénétique » a été inventée par Charles Nodier en 1821... more
Cette conférence étudie les rapports multiples entre le frénétique et le romantisme, mouvement par rapport auquel ce genre est défini dans les années 1820 et 1830. L’appellation « frénétique » a été inventée par Charles Nodier en 1821 pour désigner des œuvres horrifiantes et outrancières que la critique aurait tort de rattacher au romantisme, et ainsi défendre la légitimité de celui-ci. Mais cette stratégie de dissociation n’empêche pas que le mot « frénétique » est souvent, au contraire, utilisé comme le synonyme d’un romantisme défini par sa violence. D’autres critiques, enfin, font du frénétique un sous-genre du romantisme.
La violence au cœur des œuvres frénétiques joue deux rôles contradictoires dans les rapports problématiques entre sentiment amoureux et désir. La frénésie amoureuse permet d’abord de sacrifier le désir à une conception idéaliste de... more
La violence au cœur des œuvres frénétiques joue deux rôles contradictoires dans les rapports problématiques entre sentiment amoureux et désir. La frénésie amoureuse permet d’abord de sacrifier le désir à une conception idéaliste de l’amour, qui atteint une forme de pureté macabre. Mais la violence joue aussi, à l’inverse, un rôle de désublimation : loin de résoudre la contradiction entre pureté et désir, elle souligne le caractère insoluble de leur antagonisme. Le conflit entre idéal et réel aboutit alors à une conception cynique des rapports amoureux, dominés par la toute-puissance d’un désir égoïste, tandis que l’amour idéal est dénoncé comme une illusion. L’abandon du romanesque hérité du roman noir au profit d’un réalisme accru nourrit ce désenchantement, qui n’est que la forme négative de la religion de l’amour : le cynisme romantique, sous-tendu par le désespoir et la révolte, apparaît comme l’envers de l’idéalisme.
Sont reproduits, dans cet article, les cinq textes dans lesquels Charles Nodier a traité la notion de « genre frénétique » : les deux parties du compte rendu du Petit Pierre de Spiess, dans les Annales de la littérature et des arts en... more
Sont reproduits, dans cet article, les cinq textes dans lesquels Charles Nodier a traité la notion de « genre frénétique » : les deux parties du compte rendu du Petit Pierre de Spiess, dans les Annales de la littérature et des arts en 1821, où Nodier invente l’appellation générique ; l’«Avertissement des traducteurs » de Bertram, la même année ; le compte rendu de Han d’Islande de Victor Hugo, dans La Quotidienne en 1823 ; enfin, dans ce même périodique, l’article sur Les Albigeois de Maturin, en décembre 1825.

This article reproduces the five texts in which Charles Nodier explored the notion of genre frénétique: the two parts of his report on Spiess’ Le Petit Pierre in the Annales de la littérature et des arts in 1821, where Nodier coined the genre’s name; the “translators’ note” for Bertram from that same year; the account of Victor Hugo’s Han d’Islande in La Quotidienne in 1823; finally, in this same periodical, the article on Maturin’s Les Albigeois in December 1825.
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Les lecteurs contemporains ont l'habitude d'associer la littérature d'anticipation au principe d'une expérience originale du temps, qu'il s'agisse de projeter des personnages dans le futur, de dévoiler des sociétés imaginaires archaïques... more
Les lecteurs contemporains ont l'habitude d'associer la littérature d'anticipation au principe d'une expérience originale du temps, qu'il s'agisse de projeter des personnages dans le futur, de dévoiler des sociétés imaginaires archaïques ou plus avancées que les nôtres, ou de dessiner l'avenir des progrès des sciences et des technologies. Les titres mêmes des oeuvres affichent souvent un tropisme vers l'avenir (Le Vingtième siècle d'Albert Robida ou L'Ève future de Villiers de l'Isle-Adam), que le futur soit proche (Colère sur Paris, roman de demain matin de Pierre Dominique) ou lointain (Les Ruines de Paris en 4875, d'Alfred Franklin). Mais pour saisir véritablement les enjeux qu'elles soulèvent, il importe de recontextualiser le rapport au temps dans l'anticipation. Les questions se posent différemment dans la dynamique positiviste des années 1860, au tournant du siècle ou dans le contexte de l'entre-deux-guerres. Par ailleurs, la spécificité du rapport au temps construit dans l'anticipation est indissociable de son insertion dans la presse et la culture médiatique contemporaine. Elle ne saurait se comprendre indépendamment des supports de diffusion. Cette production romanesque s'inscrit aussi dans le cadre plus large d'un changement de paradigme anthropologique, social et psychologique, caractéristique du régime moderne d'historicité. Le prisme de la temporalité permet également de prendre en compte les rythmes éditoriaux et médiatiques (feuilleton, sérialité). Les étapes de l'institutionnalisation de l'anticipation, l'évolution de ses appellations, des textes qui la théorisent, la succession des auteurs emblématiques, peuvent fournir des points d'entrée à cette réflexion. Ce colloque étudiera ces différents enjeux dans les récits d’anticipation francophones de la période (1860-1940) ainsi que dans leur réception jusqu’à nos jours, en observant de quelle manière ils se déclinent selon les sous-genres, les publics visés et les modes de publication. L’ensemble de ces réflexions pourra prendre appui sur les analyses statistiques issues de la base de données de l’ANR Anticipation
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Ouvrage collectif pour la série Écriture XIXe (dir. Christian Chelebourg) aux éditions Classiques Garnier. Des baquets de Mesmer aux expériences de Charcot à la Salpêtrière, la longévité et la diversité de la curiosité pour le magnétisme... more
Ouvrage collectif pour la série Écriture XIXe (dir. Christian Chelebourg) aux éditions Classiques Garnier.
Des baquets de Mesmer aux expériences de Charcot à la Salpêtrière, la longévité et la diversité de la curiosité pour le magnétisme dans la vie scientifique entre 1780 et 1914 trouve un écho chez les écrivains, fascinés par cette hypothèse d’un échange de forces entre les corps où se manifeste l’envers de la réalité visible. Sujet central de l’œuvre, allusion ou métaphore, le magnétisme irrigue toutes les formes de littérature, indépendamment des hiérarchies traditionnelles. Il fournit un nouveau type de personnage à la littérature populaire, du Centenaire de Balzac au Régiment des hypnotiseurs de Gustave Le Rouge, en passant par Joseph Balsamo de Dumas, mais il laisse aussi sa marque dans tout un pan de la littérature plus légitime, de Jean Lorrain à Maupassant en passant par Théophile Gautier. Ce volume a pour but d’étudier la façon dont le magnétisme inspire la littérature du XIXe siècle, en suscitant des débats dont elle se fait l’écho et en informant en profondeur son imaginaire.
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Université de Bourgogne – 15 janvier 2016
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Le colloque s'attachera à l'étude de la partition du domaine romanesque, au XIXe siècle, en de multiples sous-genres : roman sentimental, roman d'aventures, roman de moeurs, etc. Il s'agira, en se situant du côté de l'auteur comme de... more
Le colloque s'attachera à l'étude de la partition du domaine romanesque, au XIXe siècle, en de multiples sous-genres : roman sentimental, roman d'aventures, roman de moeurs, etc. Il s'agira, en se situant du côté de l'auteur comme de celui du lecteur, de réfléchir aux relations qui se nouent entre ces sous-genres et leurs implications sur la théorie et l'histoire du roman, en étudiant notamment l'hybridation des poétiques, la hiérarchisation des corpus, les stratégies de revendication ou de dénégation, ainsi que les dynamiques de classements génériques.
Contents: Jessica Stacey: English Legend in French Romance: Perkin Warbeck in the work of Horace Walpole and Baculard d’Arnaud – Gabor Gelléri: A trans-national forerunner of the Gothic? Lesuire’s «The Savages of Europe» (1759-64) –... more
Contents: Jessica Stacey: English Legend in French Romance: Perkin Warbeck in the work of Horace Walpole and Baculard d’Arnaud – Gabor Gelléri: A trans-national forerunner of the Gothic? Lesuire’s «The Savages of Europe» (1759-64) – Enrico Zucchi: Gothic in Tragedy: a Peculiar Reception of Shakespeare in Eighteenth-Century Italian Theatre – Fabio Camilletti: Beyond the Uncanny: «Fantasmagoriana», Intertextuality, and the Pleasure Principle – Sotirios Paraschas: The Vampire as a Metaphor for Authorship from Polidori to Charles Nodier – Marilyn Mallia: George Sand and the ideological Reappropriation of the English Gothic Novel in 1830s France – Anthony Glinoer: Classes of Texts and Industrial Literature Around 1830: the Collective Production of the French frenetic Novel – Emilie Pezard: Naming the horror. Gothic Genres in French Romanticism – Tiziana Ingravallo: «Letters on Demonology and Witchcraft» by Walter Scott: the Romance of Humanity – Tara Catriona Beaney: Gothic Emotions: E.T.A. Hoffmann’s «The Devil’s Elixirs» and Izumi Kyōka’s «The Holy Man of Mount Kōya» Goffredo Polizzi: Anti-Southern Prejudice and the Gothic: Federico De Roberto’s «I Vicerè» as a Gothic Novel – Niels Penke, Rewriting Gothic Traditions. The German novel «Vier Tage währt die Nacht» [Four Days Lasts the Night].
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Si l’axiome de Louis de Bonald selon lequel « la littérature est l’expression de la société » fournit, pour les contemporains comme pour les chercheurs du XXIe siècle, une clef essentielle pour la compréhension de la littérature... more
Si l’axiome de Louis de Bonald selon lequel « la littérature est l’expression de la société » fournit, pour les contemporains comme pour les chercheurs du XXIe siècle, une clef essentielle pour la compréhension de la littérature romantique, la réciproque mérite sans doute la même attention : comme le dit Bianchon dans La Muse du département, « [l]es inventions des romanciers et des dramaturges sautent aussi souvent de leurs livres et de leurs pièces dans la vie réelle que les événements de la vie réelle montent sur le théâtre et se prélassent dans les livres  ». Comment le XIXe siècle s’est-il représenté ce « saut » des fictions dans la vie réelle ? Comment a-t-il conçu l’influence de la littérature sur la vie ?
Emma Bovary, qui se projette successivement dans différents univers romanesques hérités de ses lectures, a fourni, on le sait, un exemple canonique à la réflexion que mène le XIXe siècle sur la capacité qu’a le personnage de fiction d’offrir à ses lecteurs des modèles à vivre. Mais le bovarysme, que Jules de Gaultier a défini comme cette « faculté départie à l’homme de se concevoir autrement qu’il n’est  », apparaît bien avant 1857. Comme le rappelle José-Luis Diaz, c’est « au cours de la période romantique » qu’apparaît « une révolution majeure affectant la sphère d’influence de la littérature : son action ne s’exerce plus seulement dans le monde des idées, mais elle passe dans la sphère de la vie pratique  ». Cette circulation entre la littérature et la vie, qui fait du personnage le pivot de l’identification, peut être interrogée dans les diverses formes qu’elle a pu prendre (tragique, satirique, ironique), dans les jugements opposés qu’elle a suscités (condamnation ou éloge), dans les stratégies d’auteur qu’elle provoque (adhésion ou contournement).
La réflexion pourra s’appuyer notamment sur les pistes suivantes :

- Représentation de la lecture comme identification
Le lecteur peut adopter les valeurs et le comportement du personnage qui le séduit, formant ainsi une société où George Sand remarque « beaucoup plus de Lara que de René, et puis des Don Juan à foison  ». Comment perçoit-on, au XIXe siècle, ce « pouvoir modélisateur des êtres de fiction sur les comportement et la représentation de soi  » ? Quels sont les personnages les plus susceptibles de « générer des avatars humains  » ? Y a-t-il une catégorie de lecteurs particulièrement encline à entretenir ce rapport d’identification avec le personnage de fiction ? Le bovarysme a pu être perçu comme une maladie purement féminine ; ce sont pourtant les noms de « René ou Antony, Werther ou Manfred, Mardoche ou Rubempré  » que cite Jules Vallès dans « Les victimes du livre ». On peut enfin s’interroger sur l’histoire de cette lecture et sur ses liens avec l’évolution des mouvements et des genres romanesques. L’identification est-elle le propre d’une lecture romantique, que récuserait par exemple le naturalisme zolien (notamment par le biais de la satire, dans Le Rêve) ? Certains genres, comme le roman populaire ou la littérature de jeunesse, incitent-ils davantage que d’autres à prendre le personnage comme modèle ?

- Le personnage, transposition de l’auteur dans la fiction
En raison du biographisme ambiant, cette séduction qu’exerce le personnage se trouve accentuée du fait qu’il est perçu comme la transposition, dans la littérature, de l’écrivain lui-même. Quand George Sand écrit d’un homme qu’il ne s’est « jamais cru absolument lord Byron  », l’emploi adjectival du nom propre entérine la capacité de l’écrivain à devenir lui-même un personnage-type. Cet ancrage biographique qu’on attribue au personnage légitime son utilisation comme modèle existentiel par le lecteur. Pourrait-on « byroniser » autant dans les salons, si l’on ne pensait que les personnages de Byron sont de simples transpositions littéraires du poète réel ? Le personnage se fait ainsi le lieu de passage d’une identification du lecteur au poète.
Le risque d’artificialité subsiste cependant quand cette correspondance entre personnage et auteur connaît une inversion : ce n’est plus le personnage qui est la transposition fictive de l’auteur, mais l’auteur qui cherche à ressembler à son personnage, mû par la nécessité de ne pas contrevenir au programme romantique qui fait du créateur « un modèle d’humanité et [un] idéal de vie . » Ainsi Alexandre Dumas peut-il divertir les lecteurs du Monte-Cristo avec le récit de quelques épisodes excentriques mettant en scène les fantasmes existentiels d’Eugène Sue : « avec [son] imagination malade il avait créé les rôles de Brulard, de Pazillo, de Zaffie [sic] , il eût voulu être ces hommes-là, et par malheur ou par bonheur n’avait point la moindre ressemblance avec eux . »

- Critiques et satires de l’identification
Ce bovarysme avant la lettre inspire de nombreuses satires ou dénonciations, dans des œuvres prenant comme personnage une figure de lecteur qui, marqué par les héros qu’il a admirés, a coulé sa personnalité dans un moule trop grand pour lui. La foi dans le rapport intime qui unit la littérature et la vie rend d’autant plus condamnable l’adoption d’une personnalité factice, calquée sur un type : le poitrinaire, le viveur, le blasé, le lycanthrope sont quelques-uns des modèles dont les contemporains observent la succession au fil des années. À l’ère de la « littérature industrielle », on dénonce la standardisation des idéaux et des comportements. L’originalité et le naturel sont des valeurs prisées dont on déplore la perte, en même temps qu’on condamne le règne de l’affectation. En 1833, Ernest Legouvé présente ainsi le personnage éponyme de son dernier roman : « Max est un homme-drame, c’est un homme qui voit et cherche du théâtre partout ; la rampe est entre lui et toutes ses sensations, tous ses sentimens, toutes ses actions . » Tandis que se multiplient les récits dénonçant cette identification du lecteur au personnage, les écrivains doivent élaborer des stratégies pour éviter un double écueil : le ridicule de la pose menace celui qui apparaîtrait comme le double trop évident de son personnage, mais l’accusation de mercantilisme ou d’insincérité guette celui qui s’en distinguerait trop.

- Vers une revalorisation de l’identification ?
À présent que les théories fictionnalistes (J.-M. Schaeffer, T. Pavel) ont contribué à lever le discrédit qui a longtemps pesé sur les deux notions de personnage et d’identification, on peut prêter davantage attention à la revalorisation possible, dans les discours du XIXe siècle, de cette « force pragmatique de la littérature  ». La condamnation n’est pas la seule réponse qui attende cette identification au personnage de la fiction. À travers la métaphore du « pharmakon » qui fait de l’œuvre littéraire à la fois « un poison et un remède », Victoire Feuillebois insiste sur le « bénéfice cognitif » de l’identification qui offre aux lecteurs « une mise à disposition de formes pour réaliser ce qu’ils envisagent  ». La conception d’une création littéraire ancrée dans la vie a pour corollaire la manifestation d’une nouvelle exigence, l’esthétisation et la dramatisation de la vie, principe qui sera au fondement entre autres du dandysme, sous ses diverses formes. Loin de manifester un manque (de liberté, d’authenticité), l’identification contribuerait à un enrichissement de la vie : selon la formule de Didier Philippot, « l’œuvre d’art est une réalité qui s’ajoute à la réalité pour l’augmenter. » Resterait à savoir à quelles conditions et dans quels milieux une telle esthétisation peut n’être pas perçue comme une affectation.

- Représentation de la lecture et représentation du moi
La lecture identificatoire consacre la toute-puissance de la fiction, mais signe en revanche la découverte de l’inconsistance du moi. Si le charlatan, qui se pare des atours du personnage romanesque pour parvenir à ses fins, ne pose guère de difficultés à l’interprétation, il en va différemment de celui qui, « bovaryste » sincère, est « d’une entière bonne foi » quand il « s’incarne en ce fantôme » : s’il est si facile d’être quelqu’un d’autre, qui suis-je donc ? Le moi, alors pourtant réputé comme idéalement singulier et unique, ne pourrait-il se construire qu’en imitant des modèles préfabriqués ? L’identité personnelle n’est-elle pas elle-même tout entière le résultat d’une fabrication, artificieuse et faisant appel à des identités préconstruites, passant nécessairement par un jeu de rôles ? On pourrait alors se demander dans quelle mesure cette réflexion romantique sur les pouvoirs mais aussi les pièges de la littérature préfigure ce « tournant dans les philosophies de l’identité qui, à partir de Nietzsche ou Freud, en passant par Théodule Ribot, Gabriel Tarde ou Bergson, ont su dégager une identité pluralisée, démultipliée, mais aussi “écroulable”  » : bien avant la découverte, à la fin du siècle, de cette altérité intime qu’on finira par nommer inconscient, le personnage de fiction comme modèle à vivre menace déjà l’idée de l’intégrité du moi.
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Séance du séminaire des Doctoriales de la SERD – Samedi 25 février 2017 – Université Paris Diderot Le séminaire des jeunes chercheurs de la Société des études romantiques et dix-neuviémistes, consacré cette année au thème « Croire »,... more
Séance du séminaire des Doctoriales de la SERD – Samedi 25 février 2017 – Université Paris Diderot
Le séminaire des jeunes chercheurs de la Société des études romantiques et dix-neuviémistes, consacré cette année au thème « Croire », donne lieu le 25 février prochain à une séance organisée par Émilie Pézard sur les rapports entre croyance, science et merveilleux. Tandis que l'essor du positivisme semble consacrer la victoire de la raison sur le surnaturel, la seconde moitié du XIXe siècle voit se développer le « merveilleux scientifique », qui représente des phénomènes stupéfiants appartenant pourtant au champ d'étude de la science. Comment pense-ton alors la contradiction qu'implique cette nouvelle forme de merveilleux alliant extraordinaire et rationalité ? Quelle est la place de la croyance dans la représentation de ces phénomènes invraisemblables mais possibles ?
— Manon AMANDIO (Université Paris-Nanterre) : Représenter l'irreprésentable : la question du magnétisme dans les Histoires extraordinaires d'Edgar Allan Poe
— Anne ORSET (Université Paris-Sorbonne) : La profession de foi des Rougon-Macquart : du « merveilleux physiologique » à l'oeuvre dans le naturalisme de Zola
— Clément HUMMEL (Université de Caen) : Au-delà des légendes et des superstitions : le rationalisme scientifique de Rosny aîné
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Le XIXe siècle a vu s’opérer le « sacre du roman » (Mona Ozouf). La promotion de ce genre anciennement déprécié est liée à l’entreprise de légitimation qu’ont menée, dans leurs œuvres, quelques grands romanciers du siècle, comme Balzac... more
Le XIXe siècle a vu s’opérer le « sacre du roman  » (Mona Ozouf). La promotion de ce genre anciennement déprécié est liée à l’entreprise de légitimation qu’ont menée, dans leurs œuvres, quelques grands romanciers du siècle, comme Balzac et Zola. Elle se manifeste aussi par l’augmentation quantitative des romans publiés, la diversification des supports éditoriaux (volumes, feuilletons, recueils) ainsi que celle des modes de diffusion (cabinets de lecture, collections, compilations). Ces différents facteurs induisent une « spécialisation du roman  », c’est-à-dire une division du genre romanesque en de multiples sous-genres. Roman noir, personnel, sentimental, historique, d’aventures, de mœurs, de cape et d’épée, mondain, psychologique, scientifique ne sont que quelques-unes des catégories permettant aux contemporains de fragmenter un domaine romanesque devenu immense. Cette multiplication est facilitée par la possibilité de définir un genre à partir de nombreux critères, plus ou moins pertinents. D’autres genres ont été oubliés : qui se souvient du roman ecclésiastique ou du roman militaire ?
Alors que de nombreux travaux ont déjà permis de préciser les connaissances sur un genre particulier, nous souhaiterions porter un regard englobant et transversal sur cette division du roman en de multiples genres, qui nous semble constituer un enjeu majeur pour l’étude de la production littéraire au XIXe siècle.
Le 20 mai 1818 paraissait dans les librairies un roman en deux volumes, sans nom d’auteur : Jean Sbogar. Le bicentenaire de l’œuvre invite à poser la question de la place du roman dans le canon littéraire du romantisme : ainsi que le... more
Le 20 mai 1818 paraissait dans les librairies un roman en deux volumes, sans nom d’auteur : Jean Sbogar. Le bicentenaire de l’œuvre invite à poser la question de la place du roman dans le canon littéraire du romantisme : ainsi que le rappelle avec un brin de provocation le sous-titre de l’Atelier, Jean Sbogar n’a pas toujours été une référence méconnue, lue et discutée seulement par quelques universitaires passionnés. Les articles réunis ici montrent au contraire combien le roman s’inscrit, en amont comme en aval, dans un réseau d’influences européennes qui caractérise le romantisme. Ils visent ainsi à approfondir la connaissance de ce roman qui illustre à la fois les séductions de l’esthétique romantique auxquelles Nodier était si sensible, et les infléchissements vers une poétique singulière que lui impose la personnalité complexe et nuancée de l’écrivain.
https://serd.hypotheses.org/latelier-du-xixe-siecle#JeanSbogar