Emmanuelle Maitre

Cet article vise à revisiter les ancrages épistémologiques qui ont profondément influencé mon travail et que j’ai hérités de Louis Porcher. Ces fondements m’ont permis de poser les bases de démarches valables tant pour la médiation que pour la relation pédagogique. Très conscient déjà de l’importance d’un point de vue intersubjectif et situé, Louis Porcher considérait même cette entrée comme une garantie éthique. L’ouverture à la phénoménologie m’a permis de développer des recherches sur les dimensions incorporées du geste et d’approfondir encore ce qui relève de l’émergence du sens, en particulier dans une classe.

Cet article présente des entretiens menés suite à un dispositif de formation de formateurs proposé aux Conseillers pédagogiques et Inspecteurs de l’académie de Créteil. Au cours de rencontres régulières, ces derniers ont été sensibilisés à la psychophénoménologie et ont pu expérimenter la démarche de l’entretien d’explicitation. Après deux années de ces échanges, des entretiens ont dégagé comment leur pratique d’accompagnement et leur posture de conseil s’étaient modifiées. Ils se considèrent comme étant plus « réflexifs » sur leur manière de guider, plus pertinents dans leur questionnement et plus conscients de la dimension éthique de leur positionnement.

Les travaux présentés ici éclairent l'activité des formateurs et conseillers pédagogiques qui suivent les enseignants sur le terrain. Ces recherches s'appuient sur la sémiologie et la psychophénoménologie (entretien d'explicitation). Le but est de dégager les éléments qu'ils saisissent dans les gestes observés chez les enseignants débutants et de prendre conscience de ceux qui leur apparaissent comme particulièrement porteurs de sens et de compétences. Cela a permis d'analyser les différents niveaux sémiologiques et axiologiques contenus dans le geste. Ces entretiens ont été vecteurs de prises de conscience des valeurs qui orientent leur regard de conseilleurs. Ils ont également permis la prise de conscience de ce qui constitue l'expérience professionnelle et des moyens de la verbaliser.

Cet article propose un éclairage des gestes professionnels enseignants à travers la clarification des concepts de positionnement et de posture. La recherche présentée dans cet article s’ancre dans une perspective située et incarnée et revisite l’ancrage phénoménologique de la théorie énactive. La visée de ces travaux est la prise de conscience de gestes qui passent ordinairement en deça de nos seuils de perception afin de favoriser l’accès au sens qui y est contenu.

Si l’école est le lieu de la culture écrite, la capacité d’expression orale est encore relativement peu documentée. Or, elle est un facteur déterminant d’insertion  ou d’exclusion dans la vie sociale et professionnelle. Cette recherche montre que la prise de parole est fortement imbriquée avec le positionnement identitaire. Or, ce positionnement est réinterrogé, voire reconstruit au cours de chaque échange. C’est ce mécanisme dynamique qui est documenté. Cette approche vise à dégager les processus : la façon dont les habitudes de parole se sont mises en place, les grilles de lecture identitaires que la personne élabore lorsqu’elle prend la parole, la manière dont le sens se construit grâce à ces indices et enfin, les processus de changements.

La recherche présentée dans cet ouvrage porte sur des entretiens d’explicitation réalisés auprès de formateurs chargés d’accompagner de jeunes enseignants lors de leur entrée dans le métier. Elle a pour but d’éclairer différents aspects. Comment analyser sa propre expérience d’enseignant afin de pouvoir la transmettre ? En d’autres termes, comment redécouvrir un répertoire de gestes acquis sur une temporalité longue et qui relèvent de micro gestes peu perceptibles par la personne elle -même ? Comment communiquer ces savoir-faire et mettre en mots des connaissances en actes totalement incorporées ? Comment accompagner le jeune enseignant dans le cheminement de sa propre expérience en accord avec ses valeurs et le doter d’une posture réflexive favorisant la pertinence des choix dans les moments, qu’ils soient familiers ou difficiles ?