Des réfugiés dans le camp de Moria en Grèce (archives). Crédit : Getty images
Des réfugiés dans le camp de Moria en Grèce (archives). Crédit : Getty images

Filippo Grandi, le Haut-commissaire de l'ONU aux réfugiés, s'est dit préoccupé, lundi, par "le nombre croissant d'incidents de violence et de graves violations des droits de l'Homme à diverses frontières européennes". Il craint que les refoulements et les violences physiques ne "deviennent la règle" en Europe et se banalisent.

"Ce qui se produit aux frontières de l’Europe est inacceptable légalement et moralement, et doit cesser." Dans un communiqué, le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, a dénoncé, lundi 21 février, les pratiques des États européens à l’encontre des migrants. Il vise notamment les garde-frontières pratiquant les refoulements illégaux et usant de violences physiques à l'égard des exilés.

Filippo Grandi craint que "ces pratiques déplorables ne se normalisent et ne deviennent la règle".

Le Haut-commissaire a notamment pointé la Grèce qui est régulièrement accusée de refoulements illégaux sur terre et en mer. Depuis début 2020, le HCR a enregistré le signalement d’environ 540 incidents de renvois informels par Athènes. L'ONG Aegean report boat a, quant à elle, recensé 629 cas de refoulements illégaux dans les îles de la mer Égée pour la seule année 2021.

Le ministre grec des Migrations, Notis Mitarakis, a fait part de sa "surprise" après les propos de l'agence onusienne. "Il est profondément troublant que la propagande turque et les fausses informations sur la migration illégale soient prises si fréquemment et à tort comme des faits", a-t-il déclaré. "Les autorités nationales indépendantes du pays enquêtent sur toutes les allégations de prétendues violations, et nous demandons activement la présentation de preuves", a ajouté le ministre.

"Des personnes déshabillées et brutalement repoussées"

La semaine dernière, plusieurs médias européens ont publié une enquête retraçant le cas d’un refoulement de trois exilés qui venaient d’arriver sur l’île de Samos. Selon les journalistes, les garde-côtes grecs ont battu puis jeté à la mer trois personnes, sans canot ni gilet de sauvetage, en septembre dernier. Deux d’entre eux sont morts noyés suite à cette expulsion illégale. Un autre homme est porté disparu depuis fin janvier, après avoir subi le même sort.

D’après ces médias, jeter des migrants à la mer est désormais une "pratique commune" de la part des autorités grecques.

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"Des pratiques tout aussi horribles sont fréquemment signalées aux frontières terrestres, avec des témoignages concordants de personnes déshabillées et brutalement repoussées dans des conditions climatiques difficiles", a relevé Filippo Grandi. En juillet dernier, 12 migrants ont été arrêtés dans la province d’Edirne, en Turquie, complètement nus. Si ces pratiques sont choquantes, elles sont pourtant relativement courantes dans le pays.

Début février, les corps de 19 migrants, morts de froid, ont été découverts en Turquie, non loin de la frontière grecque. Athènes et Ankara se rejettent la responsabilité de ces drames. Dans la région d’Évros, les refoulements sont fréquents. InfoMigrants reçoit régulièrement des témoignages d’exilés affirmant avoir été repoussés par les garde-frontières grecs.

"Appels répétés pour mettre fin à ces pratiques"

Mais la Grèce n’est pas la seule visée par le HCR. "Des incidents inquiétants sont également signalés en Europe centrale et du sud-est, aux frontières avec les États membres de l’UE", a noté Filippo Grandi, ciblant à demi-mots la Hongrie, la Pologne et la Croatie.

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Malgré "les appels répétés à mettre fin à ces pratiques", les violences ne cessent pas aux frontières de l’Europe, constate Filippo Grandi. Ce dernier regrette qu’à quelques exceptions près, les États européens n'aient pas enquêté. Le Haut-commissaire déplore enfin que certains gouvernements européens soient davantage occupées à ériger des murs et des clôtures pour empêcher les migrants de continuer leur route. Ces dernières années, des barbelés ont été dressés aux frontières en Pologne, en Lituanie, en Grèce, en Slovénie, en Hongrie ou encore en Autriche.

Autant de mesures qui n'ont guère d'effets dissuasifs, lorsque les personnes fuient des guerres ou des persécutions dans leur pays, insiste l’ONU.

 

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