L'expérience tragique du gourou de "la théorie du genre" - Page 2

John Money, le père de la "théorie du genre", l'avait testée sur des jumeaux. Récit.

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Par Emilie Lanez

Au début des années 70 et à 6 ans, les jumeaux paraissent s'être conformés à leur rôle sexuel attribués.
Au début des années 70 et à 6 ans, les jumeaux paraissent s'être conformés à leur rôle sexuel attribués. © CYNTHIA VICE ACOSTA/MAXPPP

Temps de lecture : 4 min

A 6 ans, les jumeaux paraissent s'être conformés au rôle sexuel qu'on leur a attribué. Ce serait donc bien l'éducation et la société qui feraient le sexe... Brian est un garçon harmonieux, Brenda une gracieuse fillette. Money les examine une fois par an. Bien qu'ils aient 6 ans, il les interroge sur leurs goûts sexuels, leur demande de se toucher. "C'était comme un lavage de cerveau", confiera Brenda-David plus tard à John Colapinto, qui, en 1998, écrira l'histoire dans Rolling Stones puis dans un livre, "As Nature Made Him : The Boy Who Was Raised As A Girl".

Combat féministe

Money est convaincu d'avoir prouvé que le sexe biologique s'efface pour peu qu'on lui inculque un autre "genre". Il publie de nombreux articles consacrés au cas "John-Joan" (c'est ainsi qu'il nomme David-Brenda), puis, en 1972, un livre, "Man - Woman, Boy - Girl". Il y affirme que seule l'éducation fait des humains des sujets masculins ou féminins. La "théorie du genre" est née.

Seulement, Brenda grandit douloureusement. A l'adolescence, elle sent sa voix devenir grave, confie être attirée par les filles, refuse la vaginoplastie que veut lui imposer Money. Brenda cesse d'avaler son traitement, se fait prescrire de la testostérone, divague, boit trop. Brenda se sent garçon engoncé dans un corps de fille. Effarés, les parents révèlent la vérité aux jumeaux. Brenda redevient David, il se marie à une femme. Mais les divagations identitaires ont ébranlé les garçons. En 2002, Brian se suicide. Le 5 mai 2004, David fait de même. De cette fin tragique Money ne fait point état. En 1997, Milton Diamond, professeur d'anatomie et de biologie reproductive à l'université de Hawaï, dénonce la falsification. Money réplique en évoquant une conspiration fomentée par des personnes "pour qui la masculinité et la féminité seraient d'origine génétique"... Est-ce si faux ?

Ce fait divers est étranger à la délicate, et bien réelle, question des personnes nées avec une identité sexuelle incertaine, dont le ressenti psychique ou physique demeure flou. Et, si cette histoire fut un drame, c'est bien parce qu'un enfant fut forcé à vivre selon une identité qui ne lui convenait pas et qu'à lui comme à son frère fut imposé un mensonge ravageur. Il importe de préciser que cette expérience ne saurait entacher les études de genre, qui d'ailleurs s'éloigneront de ces errements du champ médical pour se nourrir du combat féministe puis des travaux de l'anthropologie, interrogeant l'influence de la culture sur la nature, jusqu'à devenir un sujet transversal mêlant littérature, philosophie, sociologie...

Les doutes de la Norvège, pionnier du " genre "

La question des fondements scientifiques des études de genre se pose. En 2009, un journaliste norvégien, Harald Eia, y consacre un documentaire. Son point de départ : comment est-il possible qu'en Norvège, championne des politiques du " genre ", les infirmières soient des femmes et les ingénieurs des hommes ? Il interroge quatre sommités : le professeur américain Richard Lippa, responsable d'un sondage mondial sur les choix de métiers selon les sexes (réponse : les femmes préfèrent les professions de contacts et de soins), le Norvégien Trond Diseth, qui explore les jouets vers lesquels des nourrissons tendent les mains (réponse : tout ce qui est doux et tactile pour les filles), puis Simon Baron-Cohen, professeur de psychopathologie du développement au Trinity College de Cambridge, et l'Anglaise Anne Campbell, psychologue de l'évolution. Ces spécialistes répondent que naître homme ou femme implique des différences importantes. Et que leur inspirent les " études de genre"? Eclats de rire. L'évolution de l'espèce, le bain d'hormones dans lequel se fabrique notre cerveau font du masculin et du féminin des sexes distincts. Tout aussi intelligents, mais pas identiques. Il présente leurs réactions aux amis du "genre". Qui les accusent d'" être des forcenés du biologisme ". Soit. Eia les prie alors d'exposer leurs preuves que le sexe ne serait qu'une construction culturelle... Silence. Après la diffusion de son film, en 2010, le Nordic Gender Institute fut privé de tout financement public

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Commentaires (76)

  • Sylvain Reboul

    Il est clair que cette expérience concerne la question du sexe biologique et psychique et non pas celui du genre. Ce toubib croyait pouvoir changer non le rôle social mais le sexe et la sexualité vécue des futurs adultes

    Ce qui n'a rien à voir (et même s'y oppose) avec les études sur les genres qui se contentent de montrer que l'on ne peut confondre genres sociaux et sexes biologiques et sexualité vécue ; ce que fait précisément ce toubib...

    Décidément cette confusion est difficile à déconstruire, y compris dans la tête de journalistes qui se disent informés... Ou, en tout cas, devrait l'être.

  • Gilbert Duroux

    Cette histoire lamentable, à faire peur dans les chaumières, est-elle destinée à ranimer la flamme des manifestants intégristes qui défient dans a rue, alors qu'elle n'a rien à voir avec un quelconque projet gouvernemental ?
    Agitez le trouillomètre, il en restera toujours quelque chose, c'est à ça que vous pensez ?
    On dirait les méthodes des anti-avortements qui cherchent à foutre la trouille en brandissant des bocaux avec des fœtus dedans.

  • Gazelo

    De quoi a-t-on peur, si ce n'est d'expérimentations douteuses, désastreuses, mais surtout révolues ?

    Si on considère comme sûr que son petit garçon sera un homme, un vrai, un mâle macho, puisque c'est sa seule nature possible, et comme cette malheureuse expérience de Brenda-David le démontrerait, la vrai nature ne peut être contrariée par l'éducation ! Donc (et ce n'est pas le cas !) même si la théorie du genre serait introduite dans les programmes d'enseignement en France, aucune crainte à avoir pour la progéniture de ces détracteurs de cette théorie, ... ; à moins qu'ils n'y croient eux-même ?

    - Soit on y croit, et on sera content que sa petite fille et son petit garçon aient le choix de son identité en jouant avec des camions et des marteaux, en tricotant ou cuisinant,
    - Soit on n'y croit pas, et apprendre le tricot, la cuisine, les camions et le marteau ne changeront rien à la domestique préférence de sa petite fille, et à la virile destinée de son petit garçon, puisque "ce ne serait pas dans leur nature" !

    Non, sérieusement, qu'est ce que c'est que ce marché de dupes avec cette contestation si virulente, et sur de simples "on dit" ?
    Les parents (pas tous, mais apparemment beaucoup) après avoir délégué l'éducation de leur progéniture à l'enseignement public, on finalement mis leur cerveau sur "Off".