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Energie

Ukraine: Le Maire ne veut pas que le conflit "se solde par une domination économique américaine"

Le ministre de l'Economie a notamment reproché aux Etats-Unis de vendre leur GNL "quatre fois le prix auquel" ils le vendent aux fournisseurs américains.

Alors que les sanctions contre la Russie depuis l'invasion de l'Ukraine chamboulent le commerce mondial, Bruno Le Maire a dit craindre lundi un renforcement de le puissance économique des Etats-Unis au détriment de l'Europe.

"Il n'est pas question que nous laissions le conflit en Ukraine se solder par une domination économique américaine et un affaiblissement européen", a déclaré le ministre de l'Economie à l'Assemblée nationale, insistant sur la nécessité de "trouver des relations économiques plus équilibrées sur la question énergétique entre nos alliés américains et le continent européen".

Des prix du GNL abusifs?

Depuis qu'elle n'importe plus de gaz russe, l'Union européenne est devenue en quelques mois dépendante du gaz naturel liquéfié américain (GNL). Au cours du seul premier semestre 2022, les exportations de GNL d'outre-Atlantique vers le Vieux continent atteignaient déjà 27 millions de tonnes, soit davantage que les 21 millions de tonnes expédiées sur l'ensemble de 2021, selon le groupement international des importateurs de GNL (GIIGNL). Et sur la même période, 70% des exportations américaines de GNL étaient destinées à l'Europe, contre un tiers l'an passé, souligne Le Monde.

Problème, l'Europe considère que certains fournisseurs de GNL profitent de la situation pour pratiquer des prix exhorbitants. "Nous ne pouvons pas accepter que notre partenaire américain vende son GNL quatre fois le prix auquel il le vend à ses propres industriels", a dénoncé Bruno Le Maire lundi. Une critique déjà formulée par Emmanuel Macron quelques jours plus tôt: "On va dire avec beaucoup d'amitié à nos amis américains, nos amis norvégiens, 'vous êtes supers, vous nous fournissez de l'énergie, du gaz, mais il y a un truc qui ne peut pas marcher très longtemps, c'est qu'on ne peut pas payer, nous, le gaz quatre fois plus cher que, vous, vous le vendez à vos industriels", avait expliqué le chef de l'Etat.

La semaine dernière, c'est le ministre allemand de l'Economie, Robert Habeck, qui a déploré les prix "astronomiques" demandés par les pays "amis" de l'Allemagne, Etats-Unis en tête, pour fournir le gaz permettant de compenser la fin des livraisons russes. "Cela pose problème", a affirmé le ministre, qui appelle la Commission européenne à en "parler" avec ces pays.

L'industrie de l'armement et l'agriculture américaines futures gagnantes?

Si les producteurs de GNL américains compensent en partie l'absence de gaz russe, il pourrait en être de même avec les agriculteurs américains et le blé ukrainien. En mai, Joe Biden a pris une série de mesures en faveur des agriculteurs américains, dont 500 millions d'euros d'investissements publics pour les inciter à augmenter leur production. "Nous pouvons nous assurer que les exportations agricoles américaines combleront le déficit d’approvisionnement ukrainien", avait déclaré le président des Etats-Unis.

L'industrie américaine de l'armement pourrait aussi tirer profit du contexte international. Dès le mois de mars, l'Allemagne avait annoncé une commande de 35 avions de combat F-35 du constructeur Lockheed Martin. Une décision qu'Emmanuel Macron, fervent défenseur d'une Europe de la Défense, a dû regretter. D'autant que ce choix ne présage rien de bon quant à la détermination des Allemands à faire aboutir le projet de Système de combat aérien du futur (SCAF).

Il est donc probable que la puissance économique américaine se renforce dans les mois à venir. Mais dans les faits, cette domination évoquée par Bruno Le Maire s'illustre déjà, ne serait-ce qu'à travers le dollar. En tant que valeur refuge très convoitée en période d'incertitudes, la monnaie américaine s'est nettement appréciée depuis le début de l'année par rapport aux autres grandes monnaies internationales.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco