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Si la différence de taille spectaculaire de notre cerveau par rapport à celui de nos plus proches parents vivants remonte au moment où les humains ont divergé d’un ancêtre commun partagé avec les chimpanzés et d’autres grands singes, cette nouvelle étude révèle pour la première fois le mécanisme moléculaire impliqué.

Une différence de volume frappante

Dans le cadre de travaux présentés dans la revue Cell, des biologistes moléculaires du Mediacal Research Council de Cambridge ont prélevé des cellules humaines, de gorilles et de chimpanzés et les ont reprogrammées en cellules souches. Celles-ci ont ensuite été incitées à se développer en « organoïdes cérébraux », qui constituent de minuscules cerveaux en développement. Ce faisant, il est apparu immédiatement que les organoïdes cérébraux humains étaient beaucoup plus gros que ceux des autres singes.

« Les résultats de cette étude sont parmi les premiers à nous permettre de comprendre ce qui distingue le cerveau humain en développement de celui des grands singes. La différence la plus frappante restant évidemment leur taille », souligne Madeline Lancaster, auteure principale de l’étude. Alors qu’un cerveau humain adulte possède généralement un volume d’environ 1 500 cm3, ceux des gorilles et des chimpanzés atteignent respectivement 500 cm3 et 400 cm3.

Les organoïdes cérébraux humains deviennent nettement plus gros que ceux du gorille et du chimpanzé (de gauche à droite) — © S.Benito-Kwiecinski/MRC LMB/Cell

Les neurones se développent à partir d’un type de cellule souche appelé progéniteur neural. Initialement, ces cellules progénitrices possèdent une forme cylindrique qui facilite leur division en cellules filles identiques de même forme. Plus le nombre de ces cellules progénitrices neurales se multipliant à ce stade critique est élevé, plus le cerveau aura de neurones une fois son développement terminé. Lorsque les cellules progénitrices arrivent à maturité, leur multiplication ralentit considérablement et celles-ci adoptent une forme plus conique.

Chez les gorilles et les chimpanzés, cette transition se produit en cinq jours, contre sept chez les humains. Ce qui se traduit par un volume cérébral considérablement accru chez ces derniers, étant donné que les cellules neuronales qui se multiplient sont plus nombreuses. D’après l’équipe, environ 50 % de la différence de taille entre le cerveau humain et celui des grands singes peut être expliquée par ce comportement cellulaire.

Le rôle crucial du gène Zeb2

Il s’est avéré que le processus était médié par un gène crucial appelé Zeb2, activé plus tard dans les tissus humains. Lors d’expériences, les chercheurs ont modifié le gène Zeb2 dans le tissu cérébral des gorilles, ce qui a permis d’augmenter sa taille. En activant le gène plus tôt dans les organoïdes de cerveau humain, ces derniers ont atteint une taille semblable à ceux des grands singes.

Après seulement 5 jours, les cellules progénitrices neurales du gorille atteignaient une forme conique (à droite), tandis que leurs contreparties humaines (à gauche) restaient cylindriques — © S.Benito-Kwiecinski/MRC LMB/Cell

La taille du cerveau pouvant être affectée par certains troubles du développement neurologique, une meilleure compréhension des mécanismes cellulaires impliqués dans le développement précoce du cerveau pourrait conduire à de nouveaux traitements.

« Nous avons découvert qu’un changement retardé de la forme des cellules dans le cerveau primitif suffit à modifier le cours du développement, en contribuant à déterminer le nombre de neurones qui sont fabriqués. Il est remarquable qu’une modification relativement simple puisse avoir des conséquences majeures sur l’évolution du cerveau », conclut Lancaster.

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