« Charles Dickens » : différence entre les versions
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{{En-tête label|AdQ|année=2013|TdQ}}
{{Infobox Écrivain
| nom
= Charles Dickens
| image
=
Dickens Gurney
| légende
= Charles Dickens
|
| surnom =
| activités = [[Romancier]], [[dramaturge]], [[journaliste]]
| date de naissance = {{date de naissance|7|février|1812|en littérature}}
| lieu de naissance = [[Landport]], près de [[Portsmouth]], [[Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande|Royaume-Uni]]
| date de décès = {{date de décès|9|juin|1870|7|février|1812|en littérature}}
| lieu de décès = [[Gads Hill Place|Gad's Hill Place]] à [[Higham (Kent)|Higham]] ([[Kent]]) au [[Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande|Royaume-Uni]]
| nationalité = {{Drapeau|Royaume-Uni}} [[Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande|Britannique]]
| langue = [[anglais]]
| mouvement =
| genre = [[Roman (littérature)|Roman]], théâtre, articles, contes
| distinctions =
| adjectifs dérivés =
| œuvres principales = * ''[[Oliver Twist]]'' (1837-1839)
* ''[[Un chant de Noël]]'' (1843)
* ''[[David Copperfield]]'' (1849-1850)
*''[[Le Conte de deux cités]]'' (1859)
* ''[[Les Grandes Espérances]]'' (1860-1861)
| complément =
| signature = Charles_Dickens_Signature.svg
}}
'''Charles
L'expérience marquante de son enfance, que certains considèrent comme la clef de son génie, a été, peu avant l'incarcération de
[[John Dickens|son père
]] pour dettes à la [[Marshalsea]], son embauche à douze ans chez Warren
, une manufacture de cirage, où il a collé des étiquettes sur des
Il a fondé et publié plusieurs hebdomadaires, composé quinze [[roman (littérature)|romans]] majeurs, cinq livres de moindre envergure (''{{lang|en|
Charles Dickens a été un infatigable défenseur du droit des enfants, de l'éducation pour tous, de la condition féminine et de nombreuses autres causes, dont celle des [[Prostitution|prostituées]].
Il est apprécié pour son [[humour]], sa [[satire]] des mœurs et des caractères. Ses œuvres ont presque toutes été publiées en [[Roman-feuilleton|feuilletons]] hebdomadaires ou mensuels, genre inauguré par lui-même en [[1836 en littérature|1836]]
Publié en [[1843 en littérature|1843]],''[[Un chant de Noël]]''
Dickens a été traduit en de nombreuses langues, avec son aval pour les premières versions françaises. Son œuvre, constamment rééditée, connaît toujours de nombreuses adaptations au théâtre, au cinéma, au music-hall, à la radio et à la télévision.
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== Biographie ==
La biographie de Dickens, publiée après sa mort et qui a longtemps fait autorité
, est celle de [[John Forster]]
, ''Life of Charles Dickens'' : ami proche, confident et conseiller, son témoignage, écrit Graham Smith, {{citation|possède une intimité que seul un [[Époque victorienne|Victorien]] cultivé et auteur lui-même, pouvait apporter}}<ref name="David4">{{harvsp|David Paroissien|2011|p=4}}.</ref>. Pourtant, mais cela a été connu bien plus tard, Forster a modifié ou gommé tout ce qui aurait pu paraître gênant à son époque. Dickens, un dieu pour l'Angleterre et au-delà<ref name="PS167">{{harvsp|Paul Schlicke|2000|p=167}}.</ref>, a donc été présenté en homme irréprochable, d'autant qu'en sous-main, c'est lui-même qui a orchestré la partition de sa vie : il souhaitait que Forster fût son biographe et leur copieux échange de lettres a servi à sculpter la statue d'un commandeur<ref name="Jordan-5">{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=5}}
.</ref>
=== Enfance et jeune adolescence ===
==== Une petite enfance heureuse ====
[[Fichier:The birthplace of Charles Dickens - geograph.org.uk - 161217.jpg|
Issu d'une famille peu fortunée, Charles Dickens<ref group="N">Charles, d'après son grand-père paternel, John, d'après son père et Huffam, d'après son parrain.</ref>
est né au 13, Mile End Terrace à Landport, petit faubourg de [[Portsmouth]], Portsea<ref group="N">Aujourd'hui 396
Old Commercial Road, Portsmouth, et le Musée de la naissance de Dickens.</ref>, le vendredi {{date|7|février|1812}}. Il est le second
des huit enfants, mais le premier fils,
Bientôt, après avoir fréquenté l'école du dimanche avec sa sœur Fanny
, dont il est très proche<ref>Voir « ''A Child's Dream of a Star'', ''[[Household Words]]'', 6 avril 1850.</ref>, il est inscrit à l'institution de William Giles, fils d'un pasteur [[Baptisme|d'obédience baptiste]]
, qui le trouve brillant<ref name="PS-163">{{harvsp|Paul Schlicke|2000|p=163}}.</ref> ; Charles lit les romans de [[Henry Fielding]], [[Daniel Defoe]] et [[Oliver Goldsmith]]
, qui resteront ses maîtres. La fratrie est heureuse malgré
Cette vie insouciante et ce début d'instruction s'interrompent brutalement lorsque la famille doit gagner Londres avec une réduction de salaire<ref name="PS-163"/>, prélude à la déchéance financière. Charles, âgé de dix ans, reste à Chatham quelques mois chez William Giles, puis rejoint la capitale, laissant du voyage ce souvenir désabusé : {{citation|Tout au long de ces années depuis écoulées, ai-je jamais perdu l'odeur humide de la paille où l'on m'a jeté, tel un gibier, et acheminé, franco de port, jusqu'à Cross Keys, Wood Street, Cheapside, Londres ? Il n'y avait pas d'autre passager à l'intérieur et j'ai englouti mes sandwichs dans la solitude et la grisaille, et la pluie n'a cessé de tomber, et j'ai trouvé la vie bien plus moche que je ne m'y attendais
==== La chute de la maison Dickens ====
Cette chute doit être nuancée au regard du contexte familial, représentatif de la petite
===== Une discrète ascension sociale =====
[[Fichier:John Dickens.gif|
Cette petite prospérité et l'influence dont ils jouissent ont servi de tremplin à l'ascension sociale de leur fils John. Son travail représente une situation enviable dans la bureaucratie [[Époque victorienne|victorienne]], avec plusieurs promotions et un salaire
annuel passant de {{unité|200|£}} en 1816 à {{unité|441|£}} en 1822<ref name="David4"/>. C'est un bon métier, un emploi permanent, avec la faveur des supérieurs, acquise par l'assiduité et la compétence<ref name="Jordan-3"/>. Bien résolu à gravir l'échelle sociale mais {{citation|inconsidérément imprévoyant}} selon Peter Ackroyd<ref name="Pa76">{{harvsp|Peter Ackroyd|1993|p=76}}.</ref>, il s'avère incapable de gérer son argent. En 1819, il a déjà contracté une dette de {{unité|200|£}}, représentant presque la moitié de ses émoluments annuels<ref name="Jordan-3"/>, et cause d'une brouille avec son beau-frère qui s'est porté garant<ref name="David4"/> ; d'autres dettes sont en suspens à Chatham, d'où une descente aux enfers qu'aggravent des déménagements, une mutation mal payée à Londres, ville onéreuse,
{{harvsp|John Forster|2006|p=13}}.</ref>{{,}}<ref>{{lien web|url=http://dickens.stanford.edu/great/print_great_issue9gloss.html|titre=Charles Dickens cité par John Forster|consulté le=30 janvier 2013}}.</ref>.
===== Charles privé de scolarité et la manufacture de cirage =====
[[Fichier:Dickens-at-the-Blacking-Warehouse.jpg|
Tandis que sa sœur aînée entre au [[Royal Academy of Music (école de musique)|Conservatoire de musique]] où elle va étudier jusqu'en [[1827]], Charles, âgé de douze ans et regrettant l'école, passe son temps à {{citation|nettoyer des bottines}}<ref name="David4"/>. James Lamert construit un théâtre miniature, de quoi enflammer l'imagination, comme les visites au parrain Huffam qui approvisionne les bateaux, ou à l'oncle Barrow au-dessus d'une librairie dont le barbier est le père de [[Joseph Mallord William Turner|Turner]], ou encore à la grand-mère Dickens qui offre une montre en argent et dit des contes de fées et des pans d'histoire, sans doute utilisés dans ''[[Barnaby Rudge]]'' (les [[Gordon Riots|émeutes de Gordon]]) et ''[[Le Conte de deux cités]]'' (la [[Révolution française]]). Quinze mois plus tard, la vie de Charles bascule d'un coup et se trouve à jamais bouleversée<ref name="David4"/>.
Au début de [[1824]], James Lamert propose un emploi pour le jeune garçon,
===== L'incarcération du père à la Marshalsea =====
[[Fichier:Marshalsea prison 1773.JPG|
Le {{date|20|février|1824}}, John Dickens est arrêté pour une dette de {{unité|40|£}} envers un boulanger et incarcéré à la prison de [[Marshalsea]] à [[
==== Un traumatisme ''princeps'', puis une nouvelle blessure ====
[[Fichier:Elizabeth Dickens
Cet épisode
de sa vie a représenté
pour Dickens un traumatisme dont
[[Louis Cazamian]] rappelle que {{citation|la grossièreté du milieu, des camarades, la tristesse de ces heures au fond d'un atelier sordide meurtrissent l'ambition instinctive de l'enfant}}<ref>[[Louis Cazamian]], ''Le roman social en Angleterre, 1830-1850 : Dickens, Disraeli, Mrs Gaskell, Kingsley'', Paris, H. Didier, 1934.</ref>. {{citation|Nulle parole ne peut exprimer l'agonie secrète de mon âme en tombant dans une telle société, écrit Dickens, [
Dickens ajoute dans les ''Extraits autobiographiques''<ref>{{lien web|url=http://dickens.stanford.edu/great/print_great_issue9gloss.html|titre=Charles Dickens et la manufacture Warren|consulté le=30 janvier 2013}}.</ref> : {{citation|J'écris sans rancune, sans colère, car je sais que tout ce qui s'est passé a façonné l'homme que je suis. Mais je n'ai rien oublié, je n'oublierai jamais, il m'est impossible d'oublier, par exemple, que ma mère était très désireuse que je retourne chez Warren}}<ref>Cité par [[John Forster]], d'après Charles Dickens, « ''Additional Note - December 1833'' », ''A Charles Dickens Journal'', {{lien web
|titre=Journal de Charles Dickens|url=http://www.dickenslive.com
Souvent décriée d'après le commentaire de son fils, Elizabeth Dickens se retrouve dans certains personnages de femmes écervelées, telle la [[Nicholas Nickleby|mère de Nicholas Nickleby]]. Graham Smith écrit que la rancœur de Dickens reste [[Objectivité|objectivement]] injuste<ref name="Jordan-5"/>. Sa mère lui a inculqué les bases de l'instruction, la lecture, l'écriture, l'histoire, le latin ; les témoins vantent son sens de l'humour, du grotesque, ses talents d'actrice et d'imitatrice, tous dons transmis à son fils<ref>{{ouvrage|
==== Le recul de l'objectivité ====
Graham Smith discute aussi le ressenti de Dickens : adulé et chéri en famille, explique-t-il, il a été mieux traité que les petits miséreux travaillant à ses côtés, plutôt gentils envers lui, en particulier un certain Bob Fagin<ref name="Jordan-4">{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=4}}.</ref>. Être objectif, cependant, revient à mettre entre parenthèses les attentes de ce super-doué de douze ans. Sans les ennuis de son père, il aurait été promis à [[Université d'Oxford|Oxford]] ou [[Université de Cambridge|Cambridge]]<ref name="Jordan-4"/>. Or, il n'a plus jamais quitté l'uniforme du petit ouvrier et il a peuplé son œuvre de parents incompétents, à l'exception des parents adoptifs, [[La Maison d'Âpre-Vent|{{lang|en|Mr}} Jarndyce]] ou [[Les Grandes Espérances|Joe Gargery]]. ''[[David Copperfield]]'' a pour héros un gamin, livré à un beau-père cruel et qui s'écrie : {{citation|Je n'avais ni guide ni conseil, aucun encouragement et aucune consolation, pas le moindre soutien de quiconque, rien que je puisse me rappeler
.}}<ref>{{harvsp|Lynn Cain|2008|p=91}}.</ref>
==== Le retour à l'école et l'entrée dans la vie active ====
[[Fichier:Doctors Commons edited.jpg|
En 1825, Charles retrouve l'école à la ''Wellington School Academy'' de Hampstead Road, où il étudie quelque deux ans et obtient le prix de latin<ref name="PS-163"/>. L'institution n'a pas été de son goût : {{citation|Bien des aspects, écrit-il, de cet enseignement à vau-l'eau, tout décousu, et du relâchement de la discipline ponctués par la brutalité sadique du directeur, les appariteurs en guenilles et l'atmosphère générale de délabrement sont représentés dans l'établissement de [[David Copperfield|{{lang|en|Mr}} Creakle]]
.}}<ref>{{harvsp|Angus Wilson|1972|p=61}}.</ref>
[[Fichier:Dickens to macready cipher ma 107-43 l.jpeg|
Là s'arrête son instruction officielle, car
, en 1827, il entre dans la vie active
=== La jeune maturité ===
Ces années ont apporté à Dickens, explique Michael Allen, outre une bonne connaissance de la province
==== Le premier amour : Maria Beadnell ====
[[Fichier:Maria Beadnell jeune.jpeg|
Pourtant, {{citation|Ce qui intéresse surtout le lecteur, écrit Graham Smith, c'est que Maria, devenue Mrs Winter, mère de deux filles, réapparaît dans la vie de Dickens en 1855}}<ref name="Jordan-7">{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=7}}.</ref> : le 9 février, avec deux jours de retard, elle lui écrit à l'occasion de son quarante-troisième anniversaire, et Dickens, marié et père de neuf enfants vivants, se prenant au jeu, {{citation|conduit à distance, avec force sentiment et un peu de dérision, un flirt presque enfantin}}<ref name="Jordan-7"/>. L'aventure aura un épilogue grotesque (voir [[#1858 : la séparation d'avec Catherine Dickens|Un mariage de plus en plus chancelant]]), mais surgit le thème, déjà esquissé dans ''[[David Copperfield]]'', {{citation|de la frustration amoureuse, d'une misère sexuelle}} : Maria, l'ancienne Dora, se mue alors en [[La Petite Dorrit|Flora Finching]] (1855)<ref>{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=8}}.</ref>.
==== Premières publications : activité frénétique et succès foudroyant ====
[[Fichier:John-forster.jpg|
Les premières pages de Dickens paraissent dans le ''[[Monthly Magazine]]'' de décembre 1833, à quoi s'ajoutent six numéros, cinq non signés et le dernier, d'août 1834,
1835 est une année faste : en février paraît la première série de ''[[Esquisses de Boz]]'' et immédiatement, [[Chapman & Hall|Chapman and Hall]] propose à Dickens ''[[Les Papiers posthumes du Pickwick Club]]'' en vingt épisodes, le premier démarrant le 31 mars. En mai, il accepte d'écrire un roman en trois volumes pour Macrone et, trois mois plus tard, il s'engage pour deux autres auprès de [[Bentley's Miscellany|Richard Bentley]]<ref name="DP-8"/>. Onze nouvelles esquisses sont publiées, surtout dans le ''Morning Chronicle'', auxquelles s'ajoutent un pamphlet politique, ''Sunday under Three Heads'', et deux pièces de théâtre, ''The Strange
==== Le mariage avec Catherine Hogarth ====
{{
===== 1835 : fiançailles, puis mariage =====
[[Fichier:Catherine and Charles Dickens's marriage certificate.jpeg|
Charles Dickens s'est épris de Catherine, la fille aînée de George Hogarth auprès duquel il travaille et dont il fréquente souvent la famille. Selon les critiques, Catherine est décrite comme «
===== 1836-1842 : les premières années =====
<gallery
mode="packed" heights="150">
Fichier:Charles Dickens Museum.jpg|Façade du 48 Doughty Street.
Fichier:Dickens Plaque 1338.jpg|Plaque apposée
au 48 Doughty Street.
</gallery>
Le mariage est d'abord raisonnablement heureux et les enfants ne tardent pas à arriver : [[Catherine Dickens#Enfants|Charles]] au bout de neuf mois, [[Catherine Dickens#Enfants|Mary]] l'année suivante et [[Catherine Dickens#Enfants|Kate]] en 1839<ref>{{harvsp|Paul Schlicke|2000|p=280}}.</ref>. La famille change de résidence au fil des années et selon les saisons, le plus souvent près du [[The Strand|Strand]] et sur le côté nord d'[[Oxford Street]], avec deux escapades vers [[Hampstead (
C'est pourtant au terme de ces années d'activité fébrile que commencent à poindre les difficultés conjugales. L'une d'elles naît d'un drame familial.
===== La mort de Mary Scott Hogarth =====
{{
[[Mary Scott Hogarth]] (
Mary apparaît comme un [[palimpseste]] sur lequel Dickens a inscrit son image de la féminité, ensuite projetée dans ses personnages, d'abord plutôt creux comme
chez [[Oliver Twist|Rose Maylie]], un peu moins avec [[La Maison d'Âpre-Vent|Esther Summerson]] et l'héroïne [[éponymie|éponyme]] [[La Petite Dorrit|
===== 1842-1858 : l'avènement des difficultés =====
[[Fichier:Catherine Hogarth-oil.jpg|
Catherine a la responsabilité d'organiser des réceptions et des dîners, parfois fort importants, avec des célébrités littéraires comme
===== Le désenchantement =====
Peu sensible à ses difficultés, Dickens rudoie son épouse<ref>Frederick Mullet Evans, ''Letters'', [[Bradbury and Evans|Bradbury & Evans]], {{p.|236}}.</ref>, se plaignant de son manque d'entrain et de ses grossesses à répétition<ref>{{lien web|url=http://charlesdickenspage.com/dickens_catherine_separation.html|titre=Lettre de Dickens à John Forster|consulté le=2 novembre 2011}}.</ref>. En 1851, peu après la naissance de son neuvième enfant, Catherine tombe malade<ref name="PS-160"/> et
, l'année suivante
, arrive Edward, le dernier. Dickens {{citation|devient de plus en plus instable et imprévisible}}<ref name="PS-160"/> et s'ouvre de son désarroi à [[Wilkie Collins]] : {{citation|Les bons vieux jours, les bons vieux jours ! Retrouverai-je jamais l'état d'esprit d'alors, je me le demande… J'ai l'impression que le squelette qui habite mon placard domestique devient bigrement gros
.}}<ref>Charles Dickens, Lettre à Wilkie Collins, 13 avril 1856
.</ref> Dickens essaie par ailleurs d’obtenir l’internement de sa femme dans un asile, sans succès<ref>{{Article|langue=en|auteur1=|prénom1=Jack|nom1=Malvern|titre=Dickens’s dastardly plan for his wife|périodique=The Times|date=2019-02-21|issn=0140-0460|lire en ligne=https://www.thetimes.co.uk/article/dickenss-dastardly-plan-for-his-wife-r9tzllz9j|consulté le=2019-03-03.|pages=}}.</ref>.
=== La maturité d'un artiste ===
[[Fichier:Dickensdream.jpg|
Dickens est au faîte de sa popularité qui ne faiblira
==== « Cinquante êtres vivants » (John Forster) ====
[[Fichier:Charles Dickens by Daniel Maclise.jpg|
John Forster a capté cette énergie de tous les instants : {{citation|[…] la rapidité, l'ardeur et la puissance pratique, la démarche curieuse, fébrile, énergique sur chaque aspect […] comme d'un homme d'action et d'affaires jeté dans le monde. La lumière et le mouvement jaillissaient de toutes parts en lui […] c'était la vie et l'âme de cinquante êtres vivants.}}<ref>John Forster, ''The Life of Charles Dickens'', Londres, Chapman and Hall, 3 volumes, 1872-1874, nouvelle édition avec notes et index par A. J. Hoppé, Londres, Dent, 1966, livre II, chapitre 1.</ref>.
Les invitations pleuvent : cooptation par les [[Garrick Club]] et [[
Club Athenaeum|Athenæum]], circonscription électorale
— refusée car Dickens exige un siège sur mesure
—, franchise d'[[Édimbourg]] (juin 1841), dîners de gala, conférences où il brille d'intelligence et de virtuosité, réunies en recueils (''Speeches'')<ref name="DP-9"/>. À Édimbourg où le reçoit Lord Jeffrey, il est acclamé au théâtre par la foule debout, tandis que l'orchestre joue
====
Des relations tumultueuses avec sa famille
====
Les enfants se sont suivis pratiquement d'année en année et leur père s'intéresse beaucoup à eux petits, les négligeant ensuite tant ils peinent à se hisser au niveau espéré et requièrent souvent son aide financière<ref name="DP-9"/>. Ils ne sont
d'ailleurs pas les seuls
====
L'indispensable présence de Georgina Hogarth
====
{{
Dès le retour d'Amérique, la place de
sa belle-sœur, [[Georgina Hogarth|Georgina]]
, va grandissant<ref name="Ps159"/>. Devenue ''Aunt Georgy'', elle s'occupe beaucoup des garçons<ref name="Pd98">{{harvsp|Paul Davis|1999|p=98}}.</ref>, leur apprenant à lire avant qu'ils n'entrent à l'école<ref name="Schlicke p277">{{harvsp|Paul Schlicke|2000|p=277}}.</ref>, et prend souvent la place d'honneur lors des réceptions. Elle est aidée par une bonne, Anne Cornelius, dont la fille fréquente plus tard une école du nord de Londres où sont aussi scolarisées deux, puis trois nièces de Dickens qui acquitte tous les frais<ref name="Nayder p204">{{harvsp|Lillian Nayder|2010|p=204}}.</ref>. Georgina est à la fois servante, préceptrice et maîtresse de maison<ref>{{harvsp|Lillian Nayder|2010|p=198}}.</ref>, statut bien supérieur à celui d'Anne Cornelius qui voyage en deuxième classe alors que la famille est en première<ref name="Nayder p199">{{harvsp|Lillian Nayder|2010|p=199}}.</ref>. Elle accompagne parfois Dickens en ses longues promenades et elle partage de plus en plus ses activités théâtrales<ref name="Schlicke p277"/>, voire littéraires, lui servant de secrétaire lorsque, de 1851 à 1853, il écrit sa célèbre ''Histoire de l'Angleterre destinée aux enfants''<ref>Charles Dickens, ''A Child's History of England'', éd. David Starkey, Icon Books, Harper Collins Publishers, 2006 {{ISBN|0-06-135195-4}}.</ref>. Dickens cherche à la marier, lui proposant de beaux partis, par exemple [[Augustus Egg|Augustus Leopold Egg]] (1816-1863), étudiant aux [[Royal Academy|Beaux-Arts de Londres]] et futur peintre de renom. Lui aussi partage la scène avec Dickens lors de ses mises en scène dont il conçoit souvent les costumes<ref>Edgar Johnson, ''Charles Dickens: His Tragedy and Triumph'', 1952, {{p.|785-786}}.</ref> : Georgina les refuse tous, et son beau-frère, blasé, écrit à un ami
, alors qu'elle a atteint l'âge de
{{nombre|33
Le moment le plus crucial de la vie de Georgina coïncide avec le moment le plus crucial de la vie de Dickens, lorsque, excédé par sa femme, il décide de s'en séparer.
===
1858 : la séparation d'avec Catherine Dickens
===
<gallery
mode="packed" heights="150">
Fichier:Mary Scott Hogarth, aged 16.jpg|[[Mary Scott Hogarth]], dont le souvenir hante Dickens.
Fichier:Mrs Charles Dickens by J E Mayall.jpg|Catherine Hogarth Dickens vers 1858, par J. E. Mayall (carte de visite).
Ligne 156 ⟶ 167 :
Fichier:Ellen Ternan.jpeg|[[Ellen Ternan]] en 1858.
</gallery>
[[Fichier:Maria Beadnell.jpeg|
[[Fichier:Portrait of Charles Dickens (4671094).jpg|upright=0.6|vignette|Charles Dickens.|alt=]]
Dickens, ne voyant plus sa femme avec ses yeux de jeune homme, parlant d'elle avec mépris à ses amis<ref>[[George Bernard Shaw]] ''Sur Dickens'', introduction, {{p.|XVI}}.</ref>, trouvant aussi qu'elle ne s'occupe pas assez des enfants<ref>{{lien web|url=http://ellenandjim.wordpress.com/2011/04/08/lilian-nayders-life-of-catherine-hogarth-aka-the-other-dickens|titre=Compte-rendu du livre de Lilian Nayder sur Catherine Dickens|consulté le=10 novembre 2011}}.</ref>, cherche ailleurs une consolation. Lorsque Maria Beadnell, maintenant Mrs Henry Winter, épouse d'un marchand et mère de deux filles, se rappelle à lui, il se prend à rêver qu'il l'aime encore, la rencontre secrètement, puis l'invite à dîner avec son mari<ref>{{lien web|langue=en|url=http://www.thevoid.plus.com/dickensassociates.htm|titre=Les relations de Dickens|consulté le=16 décembre 2011}}.</ref>. La rencontre tourne au désastre<ref>{{lien web|langue=en|url=http://www.perryweb.com/Dickens/life_maria.shtml|titre=Maria Beadneel et Charles Dickens|consulté le=16 décembre 2011}}.</ref>, et Dickens, jugeant sa tentative « absurde », jure qu'{{citation|on ne l'y reprendra plus}}<ref>{{lien web|url=http://www.charlesdickensonline.com/Favorites/f332.htm|titre=Maria Beadnell et Dickens|consulté le=24 novembre 2011}}.</ref>. Mrs Dickens, quant à elle, ne se voit pas sans amertume supplantée au foyer par Georgina<ref name="Ps276"/> et, à partir de 1850, souffre de [[Dépression (psychiatrie)|mélancolie]] et de confusion mentale, aggravée en [[1851 en littérature|1851]] après la naissance de Dora qui mourra à huit mois<ref>{{harvsp|Lillian Nayder|2010|p=236}}.</ref>. En 1857, les époux font chambre à part<ref name="Pd98"/>, quoique Dickens insiste pour que les apparences soient sauves<ref>{{lien web|url=http://www.charlesdickensonline.com/Favorites/f009.htm|titre=Catherine Hogarth Dickens|consulté le=2 novembre 2011}}.</ref>. La famille passe quelques moments heureux à Gads Hill's Place<ref name="PS-281&2">{{harvsp|Paul Schlicke|2000|p=281-282}}.</ref>, mais les répits sont de courte durée et bientôt il leur semble impossible de poursuivre la vie commune<ref name="PS-281&2"/>.
Au printemps de [[1858 en littérature|1858]]<ref name="PS-160"/>, un bracelet en or, mal dirigé par le joaillier, revient accidentellement à ''Tavistock House''<ref>{{lien web|url=http://www.british-history.ac.uk/report.aspx?compid=65184|titre=Tavistock House|site=British History on Line|consulté le=22 octobre 2011}}.</ref>. Catherine accuse son mari d'entretenir une relation amoureuse avec la jeune actrice [[Ellen Ternan]], ce que nie Dickens, prétextant qu'il a l'habitude de récompenser ainsi ses meilleures interprètes<ref name="PS-160"/>. Afin que soit mise en œuvre une procédure de divorce en vertu de la loi récemment adoptée (''[[Condition féminine dans la société victorienne#Réforme des lois sur le divorce|Matrimonial Causes Act]]'' de 1857), la mère et la tante maternelle de Catherine, Helen Thompson, insistent pour que soient recherchées des preuves d'adultère à l'encontre d'Ellen Ternan et aussi de Georgina Hogarth, qui, après avoir œuvré pour sauver le mariage, a pris le parti de Dickens<ref name="Ps276"/>. Pour couper
court aux rumeurs, Dickens lui fait établir un certificat qui la déclare ''{{lang|la|virgo intacta}}''<ref>{{harvsp|Paul Schlicke|2000|p=276-277}}.</ref>. Le 29 mai 1858, un document faisant état de l'impossibilité d'une vie commune est signé par le couple et paraphé par Mrs Hogarth et Helen Thompson. Dickens demande par écrit à son épouse si elle s'oppose à ce qu'une déclaration commune soit rendue publique ; la première paraît le 12 juin<ref>{{harvsp|Paul Schlicke|2000|p=161}}.</ref> dans ''[[Household Words]]'', reproduite par de nombreux quotidiens ou hebdomadaires dont ''The Times'', puis une autre dans le ''[[New York Tribune]]''<ref>{{lien web|url=http://charlesdickenspage.com/family_friends.html|titre=La page de David Perdue : ''Dickens's Page''|consulté le=11 novembre 2011}}.</ref>.
[[Fichier:
Bientôt, Catherine s'en va vivre avec son fils Charley au 70 Gloucester Crescent, dotée d'une rente de {{unité|600|£}}<ref>Robert Giddings, ''Dickens and the Great Unmentionable'', Birkbeck College, University of London, 20 march 2004, colloque ''Dickens and Sex'', University of London Institute of English Studies.</ref>. Elle n'a jamais été autorisée à remettre les pieds au domicile familial, ni à paraître devant son mari, retiré avec les autres enfants et Georgina à Gad's Hill Place, où il écrit ses œuvres dans un chalet suisse reconstitué au milieu du jardin<ref>{{lien web|url=http://www.perryweb.com/Dickens/life_ghill.shtml|titre=Gad's Hill Place|consulté le=8 novembre 2011}}.</ref>. Elle n'a pas manqué de défenseurs, entre autres [[William Makepeace Thackeray]]<ref name="Gottlieb"/>, [[Elizabeth Barrett Browning]]<ref>{{ouvrage|
La « trahison » de Georgina incite Graham Smith à sonder ses motivations : écartant l'idée qu'elle ait secrètement aimé son beau-frère autrement que d'affection, elle a dû, pense-t-il, se préoccuper des enfants, désormais « sans mère », et apprécier de vivre auprès d'un écrivain de tel renom et de profiter de la compagnie qu'il fréquente. Quant à Dickens, Graham Smith voit dans le sobriquet qu'il lui donne, « la vierge », la clef de son attitude : faisant fi des conventions, il a trouvé en elle son idéal de femme au foyer, tel qu'il
=== Un travail acharné et fécond ===
Calme ou agitée, chaque année apporte son lot de labeur et de réussite. Les Dickens changent souvent de domicile, et en 1842, à son retour d'Amérique, Charles déracine sa famille et s'en va vivre à [[Gênes]] d'où il revient au bout d'un an avec son ''Pictures from Italy''. L'année suivante, c'est en [[Suisse]], puis à [[Paris]]
, qu'il passe plusieurs mois, ces absences n'allant pas sans répercussions,
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Fichier:Charles Dickens-A Christmas Carol-Title page-First edition 1843.jpg|Page de titre de ''[[Un chant de Noël]]'', première édition.
Fichier:Angela Georgina Burdett-Coutts.jpg|[[Angela Burdett-Coutts]] déjà âgée.
Fichier:Urania Cottage.jpg|Urania Cottage, [[Shepherd's Bush]].
Fichier:Dickensjunior-1874.jpg|Charley, fils aîné de Dickens.
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[[Fichier:Charles Dickens by Antoine Claudet, 1852.png|
En 1850, Dickens se fait prendre en photographie pour la première fois sur un [[daguerréotype]] d'[[Antoine Claudet]] : image d'un homme respectable, solide, rasé de près, sévère de visage et élégant dans sa tenue, un portrait d'homme d'affaires ; il y paraît grand, bien qu'il ne
Auparavant, en [[1843 en littérature|1843]], il s'est s'inscrit dans le cœur des foules avec ''[[Un chant de Noël]]'', sujet déjà abordé dans ses ''[[Esquisses de Boz]]'' et ''[[Les Papiers posthumes du Pickwick Club]]'', mais qui, avec Tiny
De 1846 à 1858, en collaboration avec [[Angela Burdett-Coutts]] (1814-1906), il crée ''Urania Cottage'',
établissement destiné à recueillir les femmes dites « perdues »<ref name="DP-12"/>, réalisation qui, au cours des douze années de sa gestion, permet à une centaine de pensionnaires de se réinsérer dans la société. Contrairement aux autres institutions de ce type fondées sur la répression, il choisit d'éduquer par la lecture, l'écriture, la gestion du foyer et surtout un métier<ref>Michael Slater, ''Charles Dickens'', Yale University Press, 2009, {{p.|169, 269}}.</ref>. Tout en les coupant de leur milieu, il entend métamorphoser {{citation|comme magiquement}} les exclues par des habitudes et des principes nouveaux<ref>Nina Auerbach, ''Woman and the Demon: the Life of a Victorian Myth'', Harvard University Press, 1982, {{p.|181}}.</ref>, expérience, écrit Jenny Hartley, qui {{citation|aura été comme écrire un roman, mais avec de vraies personnes}}<ref>Jenny Hartley, ''Charles Dickens and the House of Fallen Women'', The University of Michigan, 2010.</ref>{{,}}<ref>{{lien web|url=http://samanthabvance.wordpress.com/blog-page-one/|titre=''Urania Cottage''|consulté le=6 février 2013}}.</ref>.
[[Fichier:Charles Dickens as Captain Bobadill.jpg|
De
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Fichier:Bentley'smisc cover.jpg|''[[Bentley's Miscellany]]''.
Fichier:Masterclock serial cover.jpg|''[[L'Horloge de Maître Humphrey]]''.
Fichier:Householdwordsvol2.jpg|''[[Household Words]]''.
Fichier:Alltheyearround 1891.jpg|''[[All the Year Round]]''.
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1851 est l'année où Dickens acquiert Gad's Hill Place près de [[Rochester (Kent)|Rochester]], au portail de laquelle Charles et son père s'étaient arrêtés avec envie quelque trente ans auparavant. La région, {{citation|lieu de naissance de son imagination}}<ref name="DP-14">{{harvsp|David Paroissien|2011|p=14}}.</ref>, devient une nouvelle source d'inspiration : [[Chatham (Kent)|Chatham]], [[Rochester (Kent)|Rochester]], les marais environnants servent de décor pour ''[[Les Grandes Espérances]]'' (1860-1861) ; Rochester est le Cloisterham du ''[[Le Mystère d'Edwin Drood|Mystère d'Edwin Drood]]'', et plusieurs essais du ''The Uncommercial Traveller'', dont « ''Dullborough Town'' » et » ''Chatham Dockyard'' », y sont également situés<ref name="DP-14"/>.
[[Fichier:Dailynews-cover.jpg|
Le [[journalisme]] a été l'une des activités fondatrices de Dickens : en 1845, il participe au lancement du ''[[Daily News (Angleterre)|Daily News]]''
, à vocation libérale
, publié par [[Bradbury and Evans]] et dirigé par d'anciens collaborateurs, entre autres [[John Forster]] et George Hogarth, W. H. Wills, Mark Lemon et Douglas Jerrold. Bientôt, Dickens en devient brièvement le rédacteur
[[Fichier:Gadshillplace.jpg|
Vers la fin de sa vie, Dickens proclame la haute idée qu'il se fait de sa vocation : {{citation|Lorsque je me suis d'abord engagé en littérature en Angleterre, j'ai calmement résolu en mon for intérieur que, réussite ou échec, la littérature serait ma seule profession […] J'ai passé un contrat avec moi-même, selon quoi
, à travers ma personne, la littérature se dresserait, en soi, pour soi et par soi
.}}<ref>Charles Dickens, ''Speeches'', {{p.|389}}.</ref>
=== Les douze dernières années ===
{{
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Fichier:Charles Dickens au milieu des siens.jpg|De gauche à droite : Charles Dickens Jr (Charley), Kate Dickens, Charles Dickens, [[Georgina Hogarth]], Mary Dickens, [[Wilkie Collins]].
Fichier:Frozendeep cover.jpg|Couverture de ''The Frozen Deep'', la pièce de [[Wilkie Collins]].
Fichier:Charlescatherinelaterinlife.jpeg|[[CatherineDickens
|Catherine]]
Fichier:Dickens by Watkins detail.jpg|Dickens en 1858.
Fichier:Chateau d'Hardelot 01.jpg|Le château d'Hardelot, près duquel résident souvent Ellen et Dickens.
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==== Ellen Ternan ====
Le {{date|13|avril|1857}}, alors qu'elle vient d'avoir dix-huit ans, [[Ellen Ternan|Ellen (Nelly) Ternan]] est remarquée par Dickens au théâtre du [[Haymarket]]<ref>{{harvsp|Paul Schlicke|2000|p=599}}.</ref>. L'impression est forte au point qu'en décembre, il s'ouvre
de son trouble à son amie Mrs Watson
[[Fichier:Staplehurst rail crash.jpg|
L'année suivante, il la recrute avec sa mère et une de ses sœurs pour interpréter au nouveau ''[[Free Trade Hall]]'' de [[Manchester]], une pièce de [[Wilkie Collins]], ''The Frozen Deep'' (« ''Les Abîmes gelés'' »), confiant
les rôles les plus importants
Nelly a été touchée au bras gauche
, qui en restera fragilisé<ref name="Lost Lives: Ellen Lawless Robinson"/>. Dickens, craignant que leurs relations ne soient découvertes, insiste pour que le nom des Ternan soit supprimé des comptes-rendus de presse, et il s'abstient de témoigner lors de l'enquête officielle à laquelle il a été
Nelly se fait quasi clandestine<ref>{{lien web|url=http://charlesdickenspage.com/Dickens_and_Sex_Lecture.html|titre=La page de David Perdue : Dickens et Ellen Ternan|consulté le=7 février 2013}}.</ref>, devenue une femme invisible<ref>{{lien web|url=http://www.vuu.org/sermons/gg110327.pdf|titre=Ellen Ternan Robinson|consulté le=7 février 2013}}.</ref>. Pourtant ambitieuse, vive, intelligente, très agréable en société, intellectuellement active et cultivée, sa vie s'est comme arrêtée. Pour Dickens, elle est devenue source permanente de réconfort et bonne conseillère, son art scénique et ses lectures publiques, par exemple, progressant beaucoup<ref>{{harvsp|Michael Slater|1983|p=423}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Claire Tomalin|1991|p=135-141 et 147-148}}.</ref>{{,}}<ref>{{lien web|url=http://www.billgreenwell.com/lost_lives/index.php?key_id=576|titre=Ellen Lawless Ternan|consulté le=7 février 2013}}.</ref>.
==== Qu'a été cette jeune femme pour Dickens ? ====
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Fichier:Breakhisheart.jpg|Estella, avec Miss Havisham et Pip, par H. M. Brock, dans ''[[Les Grandes Espérances]]''.
Fichier:At the Piano by Sir Luke Fildes. Facing page 55 for The Mystery of Edwin Drood.D55-1.jpg|Helena Landless, debout près du piano, par Sir Luke Fildes dans ''[[Le Mystère d'Edwin Drood]]''.
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[[Peter Ackroyd]] écrit d'Ellen Ternan qu'{{citation|elle était volontaire et à l'occasion dominatrice […] très intelligente et, pour une femme ayant reçu pour toute éducation une enfance passée sur les planches du théâtre itinérant, remarquablement cultivée}}<ref>{{harvsp|Peter Ackroyd|1993|p=833}}.</ref>. E. D. H. Johnson note le changement qui s'opère dans l'œuvre de Dickens à partir de [[1858 en littérature|1858]], précisant par exemple que {{citation|le nom de la jeune femme a certainement influencé le choix de celui des héroïnes des trois derniers romans, [[Les Grandes Espérances|Estella]], [[L'Ami commun|Bella Wilfer]] et [[Le Mystère d'Edwin Drood|Helena Landless]]}}, au nom évocateur de Lawless, second prénom d'Ellen<ref name="Johnson p26-27">E. D. H. Johnson, ''Charles Dickens: An Introduction to His Novels'', chapitre I : « ''Dickens's Professional Career'' », Londres, Random House, 1969, {{p.|26-27}}.</ref
[[Fichier:Southwark areas.png|
Que Dickens ait passionnément aimé Ellen est établi<ref>Charles Dickens, ''Letter to the Hon. Mrs. Watson'', 7 décembre 1857, ''The Letters of Charles Dickens, Edited by His Sister-in-law and His Eldest Daughter'' (Mamie Dickens and Georgina Hogarth) ''In Two Volumes'', volume I, 1833 to 1856, Londres, Chapman and Hall, 1880.</ref>, mais ce n'est qu'après la publication de ''Dickens et sa fille'' par Gladys Storey en 1939 qu'ont été connus les détails : Kate lui a confié que son père et l'actrice ont eu un fils
, mort à quatre jours<ref>{{harvsp|Claire Tomalin|1991|p=135-141}}.</ref>, naissance attestée par l'entrée sibylline d'avril 1857 relative à Slough dans le journal de Dickens : {{citation|Arrivée et Perte}}. Il se peut qu'il y ait eu plusieurs grossesses, et Nelly aurait fait allusion à {{citation|la perte d'un enfant}}<ref name="Lost Lives: Ellen Lawless Robinson"/>. Gladys Storey ne corrobore pas ces dires, mais
, à son décès en 1978, divers documents ont été déposés au [[musée Charles Dickens]]<ref>{{harvsp|Michael Slater|1983|p=378}}.</ref>, où
, répertoriés et analysés, ils confirment, selon Claire Tomalin, les faits révélés. Le couple a vécu à [[Slough]], Dickens
Il n'est pas certain qu'Ellen Ternan ait volontiers accepté l'intimité d'un homme au-delà de l'âge d'être son père. Sa fille Gladys rapporte qu'elle parlait de Dickens en termes élogieux<ref>{{harvsp|Peter Ackroyd|1993|p=480}}
=== Les lectures publiques ===
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Fichier:Charles Dickens, public reading, 1867.jpg|Dickens interprétant ses œuvres en 1857, par Charles A. Barry (1830-1892).
Fichier:1867-68 american reading tour map.jpg|La tournée américaine de 1867-1868.
Fichier:Buying tickets for a Charles Dickens reading at Steinway Hall, New York, New York, 1867.jpg|[[Boston]], achat des billets pour écouter Dickens.
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La passion de Dickens pour la scène, la popularité dont il jouit, l'incitent à entreprendre des lectures publiques de ses œuvres. Il commence, lors de manifestations caritatives, par se produire devant de petits groupes d'amis, puis s'essaie à des auditoires plus vastes. À partir de 1858, le succès est tel qu'il entreprend d'en tirer profit et, jusqu'à la fin de sa vie, ces récitals constituent une part majeure de ses activités<ref name="DP-15">{{harvsp|David Paroissien|2011|p=15}}.</ref>. D'après un témoin de l'époque, {{citation|sa lecture n'est pas seulement aussi bonne qu'une pièce, elle est meilleure que la plupart d'entre elles, car sa performance d'acteur atteint les sommets}}<ref>Philip Collins, éd., ''Dickens, The Critical Heritage'', Londres, Routledge and Kegan Paul, 1971, {{p.|XVII}}.</ref>. Entre avril 1858 et février 1859, il donne cent-huit représentations, ce qui lui rapporte {{unité|1025|£}}, c'est-à-dire presque la moitié de ses gains littéraires qui ne dépassent pas {{unité|3000|£}} par an<ref name="DP-15"/>. Au-delà de l'aspect financier, cependant, la passion qui l'habite lorsqu'il est devant un auditoire est telle qu'elle devient quasi obsessionnelle, qu'il entre comme en transe et que la salle est transportée d'enthousiasme, Dickens, selon les témoins, la tenant sous son charme, exerçant une puissante fascination. Il sillonne l'Angleterre, l'Écosse, l'Irlande, et plus ses tournées se prolongent, plus grandit le nombre des auditeurs<ref name="DP-15"/>. Ses lettres sont gonflées de fierté, et George Dolby, devenu son agent, écrit qu'{{citation|en dehors des bénéfices financiers, le plaisir qu'il ressent dépasse l'ordre des mots}}<ref>George Dolby, ''Charles Dickens as I Knew Him: The Story of the Reading Tours in Great-Britain and America, 1866-1870'', Londres, Everett, 1912, {{p.|451}}.</ref>. Les témoins sont unanimes pour rendre hommage à cette maîtrise, au talent de lecteur, au génie de la déclamation : hypnotisme, charme, sens aigu de la mise en scène, tels sont les mots relevés, et le geste accompagne la parole, le suspense se voit savamment ménagé, les effets de voix restent saisissants<ref name="Matt Shinn on Charles Dickens's stage performances | Stage | The Guardian">{{lien web|url=http://www.guardian.co.uk/stage/2004/jan/31/theatre.classics|titre=Les lectures publiques de Dickens|consulté le=7 février 2013}}.</ref>. Même [[Mark Twain]], au départ sceptique et irrité de {{citation|l'emphase ''très anglaise'' du personnage}}, cède à ce qu'il appelle {{citation|la splendide mécanique. J'avais presque l'impression que je voyais les roues et les poulies à l'œuvre}}<ref>Matt Shinn, ''The Guardian'', samedi 31 janvier 2004.</ref>. [[Birmingham]], [[Sunderland]], [[Édimbourg]], ses élans de bonheur à tant de gloire se succèdent : {{citation|J'ai vraiment beaucoup de succès}} ; {{citation|Je n'ai jamais contemplé d'auditoire sous un tel charme}} ; {{citation|Le triomphe que j'y ai reçu dépasse tout ce que j'ai connu. La cité a été prise d'assaut et emportée}}{{etc.}}<ref>{{harvsp|Charles Dickens (Lettres)|1965-2002|p=VIII, 640-660}}.</ref>. À Belfast, on l'arrête dans la rue, le couvre de fleurs, ramasse les pétales qu'il a touchés ; les hommes pleurent, autant et même plus que les femmes<ref>{{harvsp|Charles Dickens (Lettres)|1965-2002|p=VIII, 643}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|David Paroissien|2011|p=15-16}}.</ref>.
[[Fichier:Farewellreadings program.jpg|
À la fin des années 1860, parents et amis s'inquiètent de la fatigue qui s'abat sur Dickens lors de ses tournées qui, comme tout ce qu'il entreprend, se passent dans un comble d'excitation. Son rendu du meurtre de Nancy par Sikes dans ''[[Oliver Twist]]'', en particulier, qui mesmérise le public, le laisse pantelant d'épuisement, et son fils Charley le met en garde : {{citation|Je n'ai jamais rien entendu de plus beau, mais ne le faites plus
.}}<ref name="Matt Shinn on Charles Dickens's stage performances | Stage | The Guardian"/>
=== L'ultime Dickens ===
====
Les deux derniers romans
====
[[Fichier:Charles Dickens with his two daughters by Mason & Co (Robert Hindry Mason).jpg|
Le quatorzième roman de Dickens, et le dernier à avoir été achevé, ''[[L'Ami commun]]'', paraît de mai 1864 à novembre 1865. Il présente une vue panoramique de la société anglaise vouée à la superficialité urbaine et l'avidité destructrice, dont la [[Tamise]], décor, actrice et surtout symbole, charrie les corps-rebuts que se disputent des vautours humains<ref>{{harvsp|Paul Davis|1999|p=291}}.</ref>. Quant au ''[[Le Mystère d'Edwin Drood|Mystère d'Edwin Drood]]'', resté incomplet, il serait la culmination des thèmes et
==== La mort de Dickens ====
Il existe un doute sur les circonstances exactes de la mort de Dickens. La critique n'a pas encore tranché, mais semble pencher vers la version de [[John Forster]].
=====
La version officielle
=====
[[Georgina Hogarth|Georgina]] est à Gad's Hill Place le 8 juin 1870 lorsque, après avoir travaillé dans son chalet, Dickens la rejoint à
{{nombre|18
=====
La version officieuse
=====
Il en existe une autre, qui lui donne un rôle tout différent : Dickens n'est pas pris de malaise chez lui, mais à Winsdor Lodge, [[Peckham]], où réside [[Ellen Ternan]]. Ellen le transporte mourant, voire mort, en calèche jusqu'à ''Gad's Hill Place'' distant de {{unité|24|milles}}, où il est tiré près de la table afin que soit simulée la scène racontée par Forster<ref>
Pour étayer cette version des faits, le témoignage le plus important, d'après David Parker, conservateur du [[musée Charles Dickens]], est celui d'un certain Mr J. C. Leeson, dont le grand-père, le révérend J. Chetwode Postans, est nommé en 1872 pasteur de l'église ''Linden Grove Congregational Church'' située en face de Windsor Lodge<ref name="hypothèse">
=====
Conclusions en l'état
=====
[[Fichier:Poets corner.jpg|
Si cette hypothèse se vérifiait, Georgina Hogarth serait complice d'une mystification : à la mort de Dickens, n'écoutant que sa loyauté, elle aurait participé au dernier acte d'un camouflage persistant depuis 1858, date de la rencontre avec la jeune actrice, soit une douzaine d'années. Pourtant, Claire Tomalin se garde de prendre parti<ref>{{harvsp|Claire Tomalin|1991|p=271-283}}.</ref>, et David Parker, jugeant qu'elle n'a pas tort, trouve bien des raisons de discréditer l'hypothèse de Peckam : piètre fiabilité des témoins, impossibilités pratiques, rôle des domestiques, et surtout témoignage du médecin, le docteur Stephen Steele, impartial, assure-t-il, puisqu'il n'est pas le médecin personnel de Dickens, et qui confirme l'avoir trouvé inconscient sur le sol vers {{heure|18|30}}<ref>{{lien web|url=http://www.thefreelibrary.com/Dickens%27s+death%3A+the+Peckham+conjecture.-a0186900832|titre=L'hypothèse de Peckham|consulté le=7 février 2013}}.</ref>.
En définitive, l'état actuel des recherches rendrait à Georgina Hogarth la véracité de sa version des faits, telle qu'elle l'a livrée à [[John Forster]].
====
Le
En conclusion de son article sur la vie publique de Dickens, John Drew écrit que, par une ultime ironie, son dernier effort pour dominer le destin s'est trouvé contrarié. L'immense popularité qu'il a tant chérie n'a pas voulu que sa dépouille fût inhumée, comme il le souhaitait, {{citation|sans frais, sans ostentation et strictement en privé dans le petit cimetière jouxtant le mur du château de Rochester}}<ref>{{harvsp|John Forster|1872-1874|
==== Vente de sa bibliothèque ====
En 1878, Henry Sotheran & Co achètent la bibliothèque de Charles Dickens de Gad's Hill Place (contenant {{nb|1020 ouvrages }}) et la mettent en vente dans leur catalogue des 30 novembre et 31 décembre 1878<ref>{{Lien web |titre=Edgar Allan Poe. Dickens personal copy of Poe's Poetical Works |url=https://www.sothebys.com/en/buy/auction/2020/fine-books-and-manuscripts-including-americana/dickens-charles-edgar-allan-poe-dickens-personal |site=sothebys.com |date= }}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=English|auteur1=|nom1=Henry Sotheran (Firm)|titre=Catalogue of the library of Charles Dickens, comprehending his entire library as existing at his decease|éditeur=|date=1878.|isbn=|lire en ligne=}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=English|auteur1=|prénom1=John Harrison|nom1=Stonehouse|titre=Catalogue of the library of Charles Dickens from Gadshill|éditeur=Piccadilly fountain Press|date=1935.|isbn=|lire en ligne=|consulté le=2021-01-10|commentaire=Ce catalogue a été imprimé à 275 exemplaires (dont 25 hors commerce).}}</ref>{{,}}<ref group="N">Les ouvrages vendus portent généralement un ex-libris représentant un lion tenant une croix en tirant la langue et la mention : {{citation|From the Library of CHARLES DICKENS, Gadshill Place, June, 1870.}}, comme {{Lien|langue=en|fr=Robert Katz}} l'évoque dans la revue ''Dickens Quarterly'' du {{date-|1|juin|1989}} ({{nobr|Vol. 6}}, {{n°|2}}, {{p.|66-68}}).</ref>.
== Dickens, le réformateur ? ==
[[Fichier:
TheGordon Riots
Selon Hugh Cunningham, il devient difficile de considérer Dickens comme un réformateur, bien que telle a été sa réputation de son vivant et longtemps après sa mort. Non qu'il n'ait pourfendu les maux de la société, mais sans leur opposer de système cohérent, ses réponses aux problèmes soulevés restant marquées au coin par sa foi en la capacité de l'être humain à accéder à la bonté<ref>{{harvsp|David Paroissien|2011|p=159}}.</ref>. À l'aune de son œuvre, la mutation qu'a connue la [[Grande-Bretagne]] au {{s-|XIX
=== Une mise en cause plus littéraire que politique ===
[[Fichier:
Microcosm of London Plate 096 -Workroom at St James Workhouse.jpg|
Cela dit, il s'attaque à certaines institutions qu'il considère comme des fléaux sociaux, par exemple la [[New Poor Law|
Sensible à la condition ouvrière, il visite des usines dans le [[Lancashire]] dès 1838
, et ce qu'il y voit le remplit d'étonnement et de dégoût<ref name="DP-166">{{harvsp|David Paroissien|2011|p=166}}.</ref>. Il entend, écrit-il alors, « frapper un grand coup »<ref>Charles Dickens, Lettres, livre I, {{p.|483-484}}.</ref>, qui, commente Hugh Cunningham, {{citation|n'est jamais venu, même dans ''Les Temps difficiles''}}<ref name="DP-166"/>. L
{{'
}}''[[Revue d'Édimbourg|Edinburgh Review]]'' lui demande un article qui reste dans les limbes ; il se contente, quatre ans plus tard, d'envoyer au ''[[Morning Chronicle]]'' une lettre passionnée contre la [[Chambre des
Dickens s'est peu préoccupé de l'accès à l'éducation pour tous et du contenu des programmes, questions agitant la [[Grande-Bretagne]] au cours des décennies 1830 et 1840 et jamais vraiment résolues, le rôle dévolu à l'État l'intéressant moins que l'éthique et la pédagogie des établissements<ref name="DP-168">{{harvsp|David Paroissien|2011|p=168}}.</ref>. Dans son œuvre, les mauvais maîtres sont légion, du brutal [[Nicholas Nickleby|Wackford Squeers]] que rosse le jeune Nicholas Nickleby et [[Les Temps difficiles|{{lang|en|Mr}} M'Choakumchild]] obnubilé par le « fait », jusqu'au plus titré et socialement respecté de tous, [[L'Ami commun|Bradley Headstone]], qui ravage les jeunes esprits par les insuffisances de son caractère et en arrive au meurtre pour satisfaire son ego<ref>{{lien web|url=http://charlesdickenspage.com/char_h-k.html#H|titre=La page de David Perdue : personnages|consulté le=13 février 2013}}.</ref>. Pourtant, il est convaincu que l'éducation est primordiale dans la lutte contre le crime. Plaçant beaucoup d'espoir dans les ''{{lang|en|Ragged Schools}}'', destinées depuis 1818, à l'initiative du cordonnier John Pounds de Portsmouth, à éduquer les enfants défavorisés, il en visite une en 1843, la ''{{lang|en|Field Lane Ragged School}}'', et est consterné par ce qu'il y voit. Il entreprend alors d'œuvrer pour une réforme de ces établissements<ref>{{lien web|url=http://www.fieldlane.org.uk/heritage.php|titre=Histoire de la ''Field Lane Ragged School''|consulté le=13 février 2013}}.</ref>, plaide en vain auprès du gouvernement pour une augmentation des crédits, donne lui-même des fonds<ref>{{lien web|url=http://www.maybole.org/history/articles/raggedschoolscharlesdickens.htm|titre=Charles Dickens et les ''Ragged Schools''|consulté le=13 février 2013}}.</ref> et rédige ''[[Un chant de Noël]]'', au départ pamphlet sur la condition des enfants pauvres, puis récit dramatique qu'il juge plus percutant. En effet, son but est d'inciter le gouvernement à changer la loi, faute de quoi, laisse-t-il entendre, l'ignorance et le besoin condamnent les nantis à devenir des « [[Un chant de Noël|Scrooge]] » desséchés, s'autorisant de leur richesse et de leur rang pour mépriser les malheureux plutôt que de leur venir en aide<ref>Michael Slater, ''Charles Dickens, The Christmas Books'', New York, Penguin 1971, {{p.|XIV}}.</ref>.
Peu à peu, cependant, il en vient à penser que la source des maux sociaux est à trouver dans les conditions d'habitat et d'hygiène réservées aux familles pauvres<ref name="DP-168"/>. En 1851, il déclare à la ''Metropolitan Sanitary Association'' que la réforme de ce qu'on commence à appeler « la santé publique » doit précéder tous les autres remèdes sociaux, que même l'éducation et la religion ne peuvent rien tant que la propreté et l'hygiène ne sont pas assurées<ref>Charles Dickens, ''Discours'', {{p.|129}}.</ref>. Il s'intéresse d'autant plus au problème qu'un de ses beaux-frères a fondé l'
=== Que proposer, puisque l'État fait défaut ? ===
[[Fichier:CatonWoodvilleLightBrigade.jpeg|
Le responsable ultime de tous ces maux, pense
===
Dickens et la Révolution française
===
Que Charles Dickens soit plus réformateur que révolutionnaire apparaît clairement dans sa perception de la [[Révolution française]] : dans ''[[Le Conte de deux cités]]'' (1859), œuvre romanesque ayant pour théâtre
== Les grands axes de la création dickensienne ==
Au regard de la puissance créatrice de Dickens, les contraintes auxquelles il a dû se plier, les influences qu'il a reçues et les moules dans lesquels il s'est glissé restent peu de choses.
=== La publication en feuilleton ===
[[Fichier:Lettre de Dickens à Angela Burdett-Coutts.jpg|
Presque toutes ses œuvres ont été publiées au rythme de parutions hebdomadaires ou mensuelles, contrainte dont il a su tirer profit, tant il l'a maîtrisée et s'en est servi pour tenir son public en haleine et parfois moduler le fil de l'action, voire les personnages, selon ses réactions<ref>{{harvsp|Paul Schlicke|2000|p=527}}.</ref>. C'est grâce à ses [[Roman-feuilleton|feuilletons réguliers]], relayés au-delà des abonnements par les bibliothèques ambulantes sillonnant le pays, qu'ont prospéré les revues recevant ses feuillets, d'abord celles d'éditeurs indépendants, puis les siennes, dont ''[[Household Words]]'' et ''[[All the Year Round]]''<ref name="PS-531">{{harvsp|Paul Schlicke|2000|p=531}}.</ref>. Chaque numéro comporte un cahier des charges tacite : respect du nombre de pages, autonomie de chaque numéro, avec son commencement, son apogée et sa fin, sa dépendance envers les chapitres précédents, l'annonce implicite du prochain, le ménagement d'un
=== Le ''Bildungsroman''
et autres influences littéraires ===
Les romans de Dickens ressortissent presque tous à la version [[Époque victorienne|victorienne]] du ''[[Roman d'apprentissage|Bildungsroman]]'', roman d'apprentissage, appelé aussi « roman de formation » ou « roman d'éducation »<ref group="N">Le terme est dû au [[
Ce genre est issu du modèle [[Roman picaresque|picaresque]], dont le prototype est [[Don Quichotte]], héros pseudo-héroïque assorti d'un valet pétri de bon sens, que [[Miguel de Cervantes|Cervantes]] a le premier confié au voyage. Dickens l'a admiré, de même que [[Alain-René Lesage|Lesage]] et son ''[[Histoire de Gil Blas de Santillane|Gil Blas de Santillane]]'' ou son ''[[Le Diable boiteux (roman)|Diable boiteux]]'', dans lequel [[Asmodée]] soulève le toit des maisons pour observer ce qui s'y passe, métaphore de la démarche du narrateur à la troisième personne<ref>{{lien web|url=http://mt.china-papers.com/2/?p=245068|titre=Charles Dickens and the Tradition of British Picaresque Novel|consulté le=12 février 2013}}.</ref>.
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Fichier:Henry Fielding.png|
[[Henry Fielding
]].
Fichier:Laurence Sterne by Sir Joshua Reynolds.jpg|
[[Laurence Sterne
]] par
Fichier:WilliamGodwin.jpg|
[[William Godwin
]]
</gallery>
Au-delà de Cervantes et de Lesage, Dickens s'est laissé guider par les modèles anglais du {{s-|XVIII}}, découverts dans sa prime jeunesse et objets permanents de sa vénération. Parmi eux ont surtout compté [[Daniel Defoe|Defoe]], [[Laurence Sterne|Sterne]], [[Tobias Smollett|Smollett]], [[Henry Fielding|Fielding]], enfin [[Oliver Goldsmith|Goldsmilth]] dont la veine sentimentale l'a inspiré pour prôner l'idéal de l'homme bon (Oliver Twist, Nicholas Nickleby{{etc.}}), et aussi l'excentricité naïve de personnages comme [[Les Papiers posthumes du Pickwick Club|Mr Pickwick et Mr Micawber]], [[La Maison d'Âpre-Vent|Mr Jarndyce]] ou [[La Petite Dorrit|Mr Meagles]]<ref>Monika Fludernik, {{harvsp|David Paroissien|2011|p=68}}.</ref>. Dès le début de ''[[David Copperfield]]'', le narrateur en dresse la liste et ajoute : {{citation|Ils ont nourri mon imagination et mon espoir de quelque chose au-delà de ce lieu et de ce temps […] j'ai été l'enfant [[Histoire de Tom Jones, enfant trouvé|Tom Jones]] une semaine durant, j'ai enduré la vie de Roderick Random pendant un mois de suite […] Tel fut mon seul et mon constant réconfort.}}<ref>Charles Dickens, ''David Copperfield'', livre I, chapitre 4.</ref> Autre influence, note Monika Fludernik, celle, souvent négligée, de [[William Godwin]], dont le ''Caleb Williams'' a certainement servi de modèle pour la critique sociale et de source, parmi d'autres, pour ses métaphores carcérales<ref>{{harvsp|David Paroissien|2011|p=68}}.</ref>, encore que ce soit surtout la prison pour dettes, connue par procuration, qu'il ait décrite<ref>{{harvsp|David Paroissien|2011|p=71}}.</ref>.
[[Fichier:William Hogarth 006.jpg|
Le mode [[Satire|satirique]] adopté par Dickens est lui aussi issu du siècle précédent. Comme ses modèles, Dickens sait repérer les travers, les faiblesses et les vanités humaines ; cependant, note Monika Fludernik, son approche est moins « au vitriol » que celle de ses prédécesseurs : ainsi [[La Petite Dorrit|Casby]], escroc puni en fin de parcours, reste un homme dont le texte mentionne les souffrances, alors que le vicaire de ''Peregrine Pickle'', qui lui ressemble beaucoup, reçoit un châtiment sans pitié relevant de la pure [[Farce (théâtre)|farce]]<ref>{{harvsp|David Paroissien|2011|p=69}}.</ref>. Il en est de même avec la critique des inepties bureaucratiques : alors que Fielding et Godwin s'acharnent sur les juges et les jurés, Dickens s'en prend à l'institution, le [[La Maison d'Âpre-Vent|tribunal de la chancellerie]], le [[La Petite Dorrit|ministère des circonlocutions]]<ref>{{harvsp|David Paroissien|2011|p=70}}.</ref>. Sont également partagés avec le {{s-|XVIII
L'œuvre du peintre [[William Hogarth]] a aussi, dès ses débuts, beaucoup inspiré Dickens, en premier lieu, note Malcom Andrews, d'un point de vue formel. En effet, ses séries de gravures, comme ''A Harlot's Progress'' (''La carrière d'une prostituée''), ''Marriage à-la-mode'', relevant d'un ensemble cohérent et structuré, lui ont servi de modèle pour le récit séquentiel, par exemple dans ''Meditations on Monmouth Street'', où différentes vignettes très visuelles défilent devant le narrateur
=== Sous-genres ===
[[Fichier:Strawberryhill.jpg|
Même dans les trois romans d'initiation où intervient le « je »
Si Dickens a voulu prendre ses distances<ref name="DP85">{{harvsp|David Paroissien|2011|p=85}}.</ref> avec ce que [[William Makepeace Thackeray|Thackeray]] a appelé « l'École du roman de [[Newgate]] »<ref>{{ouvrage|
Cet aspect de
Encore faut-il remarquer que Dickens se
Tous les romans de Dickens, même les plus sombres tels ''[[Le Conte de deux cités]]'' et ''[[Les Temps difficiles]]'', comportent des aspects comiques, de situation comme de caractère. Le lecteur est appelé à rire sans méchanceté de la grandiloquence souveraine de {{lang|en|Mr}} [[David Copperfield|Micawber]], avec mépris de l'auto-étouffement du langage officiel du [[La Petite Dorrit|ministère des circoncolutions]], non sans commisération de la prestation théâtrale de [[Les Grandes Espérances|{{lang|en|Mr}} Wopsle]] ou du mariage de [[Les Grandes Espérances|Wemmick]], toutes scènes organiquement essentielles à l'intrigue et au thème central<ref name="PD134"/>. La palme comique revient sans doute à la création de deux personnages extraordinaires dans ''[[Les Papiers posthumes du Pickwick Club]]'', {{lang|en|Mr}} Jingle et Sam Weller. Jingle est le champion du degré zéro de l'éloquence, sa syntaxe réduite à un empilement spartiate de mots cocasses mais redoutablement dramatiques, {{citation|langage télégraphique tintinnabulant comme son nom}}<ref>{{harvsp|David Paroissien|2011|p=154}}.</ref> : {{citation|éprouvé, à bout, petite boîte, bientôt, tas d'os, rapport police, fausses conclusions, tirer le rideau}}<ref>Charles Dickens, ''The Pickwick Papers'', Harmondsworth, Penguin Classics, 1984, [
{{ISBN
En gardant ''Les Grandes Espérances'' comme exemple, on trouve aussi le genre « roman à la [[Argent#Alimentation|cuillère d'argent]] » (''Silver Fork Novel''), florissant dans les années 1820 et 1830<ref>Alison Adburgham, ''Silver Fork Society: Fashionable Life and Literature from 1814 to 1840'', Londres, Constable, 1983.</ref>, descriptif d'une élégance clinquante et critique des frivolités de la haute société, classe pour laquelle Dickens n'a que mépris, mais qui fascine beaucoup de ses lecteurs<ref>Richard Cronin, ''Romantic Victorians: English Literature, 1824-1840'', Londres, Macmillan, 2002, chapitre 4, {{
À tous ces genres subalternes, Philip V. Allingham ajoute la catégorie du [[roman historique]], Dickens ancrant ses récits avec un luxe de détails qui finissent par donner une idée des événements, des personnalités et de la manière de vivre de l'époque choisie. Ainsi, ''Les Grandes Espérances'' commence juste après les [[guerres napoléoniennes]], se poursuit jusqu'aux années 1830-1835, puis saute à la décennie suivante de 1840 à 1845<ref>{{lien web|
=== Thématique ===
Tous les thèmes abordés par Dickens ont un rapport avec sa propre expérience, même dans les romans qui, ''a priori'', en semblent éloignés, ''[[Le Conte de deux cités]]'' et ''[[Les Temps difficiles]]'' par exemple<ref>Robert Ferrieux, ''Charles Dickens, un univers en soi'', Perpignan, Presses UTL, 2012, II, {{p.|9}}.</ref>. Sa thématique peut se décliner autour de trois axes principaux que John O. Jordan appelle les « fictions de l'enfance », les « fictions de la cité » et les « fictions du genre, de la famille et de l'idéologie domestique »<ref>{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=91-135}}.</ref>. S'y ajoute un thème récurrent, particulièrement développé dans ''[[Les Grandes Espérances]]'', celui que [[William Makepeace Thackeray|Thackeray]] a appelé dans son ''[[Le
Livre des snobs|Livre des snobs]]'', {{Citation|donner de l'importance à des choses sans importance}}, ou encore {{Citation|admirer petitement de petites choses}}<ref>{{ouvrage|
==== L'enfance ====
[[Fichier:William Wordsworth 001.jpg|
Il est de tradition que Dickens a importé depuis la poésie romantique, surtout celle de [[William Wordsworth|Wordsworth]], le rôle de l'enfant innocent comme figure centrale du roman. Autrefois considéré comme un adulte incomplet et peu intéressant, l'enfant est devenu vers la fin du {{s-|XVIII
Plusieurs facteurs, écrit Robert Newsom, {{citation|obligent cependant à complexifier cette histoire}}<ref name="jord93"/>. Les [[Époque victorienne|Victoriens]], surtout les adeptes de la [[Basse Église]], considéraient aussi l'enfant comme particulièrement vulnérable aux mauvaises tentations, en premier la désobéissance qui conduit à tous les péchés<ref>David Grylls, ''Guardians and Angles'', Londres, Faber and Faber, 1978, {{p.|24}}.</ref>. Si Dickens s'est toujours opposé à la sévérité de la religion, qu'il associe à l'[[Ancien Testament]], il n'en imagine pas moins certains petits monstres de malhonnêteté ou de méchanceté, [[Le Renard (Dickens)|The Artful Dodger]], du gang de [[Oliver Twist|Fagin]], [[Le Magasin d'antiquités|Tom Scott]], attaché au nain [[Le Magasin d'antiquités|Quilp]] ou encore [[Les Temps difficiles|Tom Gradgrind]], à l'égoïsme vertigineux<ref name="jord93"/>. D'autre part, ajoute Robert Newsom, {{citation|les adorateurs d'enfants à la Wordsworth sont rares dans son œuvre, et ceux qui le sont s'avèrent bien peu efficaces}}<ref>{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=93-94}}.</ref>, tel le grand-père de [[Le Magasin d'antiquités|Nelly]]. Quant aux mères affectueuses, elles meurent jeunes, comme celle de David Copperfield, ou elles ont disparu : ainsi, [[Oliver Twist]] se retrouve à l'[[Workhouse|hospice]], tandis que le narrateur spécule ironiquement sur les douces femmes qui l'ont peut-être entouré à sa naissance<ref>Andew Malcom, ''Dickens and the Grown-Up Child'', Iowa City, University of Iowa Press, 1994, {{p.|57-70}}.</ref>.
En fait, les enfants des premiers romans sont victimes non seulement de négligence, mais aussi d'un [[sadisme]] parfois fort audacieux pour l'époque : [[Le Magasin d'antiquités|Quilp]] propose à [[Le Magasin d'antiquités|la petite Nell]] d'être sa « numéro 2 », c'est-à-dire sa femme quand sa « numéro 1 » sera morte, et il accompagne sa déclaration de force baisers sonores sur ses {{citation|parties roses}}, comme il les appelle, si bien que le lecteur se demande {{citation|s'il a envie de la manger ou de la violer}}<ref name="jord95">{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=95}}.</ref>, {{citation|ou peut-être les deux}}<ref>Philip Collins, éd., ''The Critical Heritage'', Londres, Routledge and Barnes and Noble, 1971, {{p.|470-471}}.</ref>
Vers le milieu de sa carrière, Dickens présente des récits à la première personne en prise directe avec son enfance. 1848 est une période de deuil pour lui et la veine personnelle l'a saisi, ses ''Fragments autobiographiques'' voisinant avec ''[[David Copperfield]]''. De plus, ce genre est à la mode depuis la publication de ''[[Jane Eyre]]'' en [[1847 en littérature|1847]] et l'immense notoriété qu'il confère bientôt à son [[Charlotte Brontë|auteur]]. Sans doute Dickens n'entend-il pas se laisser supplanter dans la faveur publique, d'autant qu'avec ''[[La Foire aux vanités]]'', [[William Makepeace Thackeray|Thackeray]] occupe lui aussi la une des journaux littéraires<ref>{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=99-100}}.</ref>. Robert Newsom résume ainsi la situation : {{citation|Si Jane Eyre doit beaucoup à Oliver Twist, David Copperfield, [[La Maison d'Âpre-Vent|Esther Summerson]] et [[Les Grandes Espérances|Pip]] lui doivent tout autant}}<ref>{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=100}}.</ref>. La conscience de l'enfant se donne alors à lire directement, encore que, problème inhérent à toute écriture [[autobiographie|autobiographique]], sa reconstitution ''a posteriori'' par une mémoire adulte accentue, par effet de loupe et aussi de style, les réactions affectives, la colère, l'angoisse, la désespérance. Il y a là une subtile mystification narrative : les bouffées de reviviscence, dont le flux reste maîtrisé avec art, sont transcrites comme renaissant au présent, mais sans que l'adulte
Dernier avatar, les
==== La cité ====
Avant que Dickens n'écrive sur [[Londres]], d'abord dans les ''[[Esquisses de Boz]]'' et ''[[Les Papiers posthumes du Pickwick Club]]'', la cité n'avait figuré dans la fiction que comme décor occasionnel pour une intrigue domestique : avec lui, elle devient l'un des [[
Telle la puissante [[Tamise]] qui l'irrigue, Londres est en effet parcourue d'un mouvement permanent<ref name="jord112">{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=112}}.</ref>, flux de la foule mais aussi mutations la rendant, pour ses habitants, les personnages, le narrateur et le lecteur, difficile à appréhender<ref>Philip Collins, « ''Dickens and the City'' », ''Visions of the Modern City'', éd. William Sharpe, Heyman Center for the Humanities, 1983, {{p.|101-102}}.</ref>, tantôt marché, labyrinthe, prison, tantôt agent de régénération<ref name="jord112"/>. Les historiens notent l'exactitude de ce rendu : ainsi, alors que, dans les années 1850, les chantiers de rénovation ouvrent de nouveaux jardins et squares publics, l'aller et retour quotidien de [[Les Grandes Espérances|Wemmick]] depuis son château miniature jusqu'à la [[Cité de Londres]] s'effectue au milieu de troupes d'acteurs et de musiciens ambulants ayant quitté les ruelles pour occuper ces espaces libérés dans un perpétuel va-et-vient<ref>{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=114}}.</ref>. Dans cette dramaturgie, écrit Murray Baumgarten, Dickens insuffle à la cité, {{citation|lanterne magique<ref group="N">Expression employée par Dickens pour caractériser sa relation avec Londres.</ref>, ''[[ballad opera]]'' et [[Mélodrame (théâtre)|mélodrame]] du {{s-|XIX
{{citation|Dickens a été le démiurge d'une capitale en mouvement, ajoute Philippe
==== L'idéologie domestique ====
Si Dickens a été reconnu de son vivant comme le prophète du foyer, ceux qu'il décrit ne connaissent en général ni l'harmonie ni le bonheur : dans son œuvre
, George Newlin compte
{{nobr|149 orphelins
}},
{{nobr|82 enfants
}} sans père, 87 sans mère. Seuls, quinze personnages ont eu ou ont encore leurs deux parents, et la moitié de ces familles, écrit-il, {{citation|serait aujourd'hui considérée comme dysfonctionnelle}}<ref>George Newlin, ''Everyone in Dickens, a Taxonomy'', volume III, « ''Characteristics and Commentaries, Tables and Tabulations'' », Westport, Connecticut, Greenwood Press, 1995, {{p.|285}}.</ref>. Pour explorer les tensions sociales, économiques et politiques de son temps, son énergie créatrice s'est donc employée à dépeindre des familles grotesques et fracturées<ref>Catherine Waters, {{harvsp|John O. Jordan|2001|p=120}}.</ref>.
Pourtant, lorsqu'il lance ''[[Household Words]]'' et écrit à Forster que sa revue sera empreinte d'{{citation|une philosophie de Noël, […] une veine de générosité chaleureuse, rayonnante de joie dans tout ce qui relève du chez-soi et de l'âtre}}<ref>{{harvsp|John Forster|1872-1874|p=5, 1}}.</ref>, il reprend une antienne déjà connue : depuis ''[[Un chant de Noël]]'' en 1843, que relaie chaque décembre un nouveau conte dédié, il incarne cet esprit aux yeux de tous, ce que notent les commentateurs, [[Margaret Oliphant]] par exemple, ironisant sur {{citation|l'immense pouvoir spirituel de la dinde}} traditionnelle<ref>Margaret Oliphant, ''Charles Dickens'', ''Critical Heritage'', Londres, Collins, {{p.|559}}.</ref>, ou J. W. T. Ley qui le nomme {{citation|L'Apôtre de Noël}}<ref>J. W. T. Ley, « ''The Apostle of Christmas'' », ''The Dickensian'', {{numéro|2}}, 1906, {{p.|324}}.</ref>. Aussi une partie de sa fiction a-t-elle contribué à façonner l'idéologie domestique de son [[Époque victorienne|époque]], la famille, jusqu'alors héritage d'une lignée, devenant un sanctuaire jugé adéquat pour chacun de ses membres<ref>{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=120}}.</ref>. Dans cette idéalisation du foyer, la femme assure l'harmonie de la sphère privée : ainsi [[Le Magasin d'antiquités|la petite Nell]], [[David Copperfield|Agnes Wickfield]], [[La Maison d'Âpre-Vent|Esther Summerson]], [[La Petite Dorrit|la petite Dorrit]] et, après quelques hésitations, [[Le Mystère d'Edwin Drood|Bella Wilfer]]<ref>{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=122-123}}.</ref>. Catherine Waters note que deux de ces jeunes femmes portent le sobriquet « petite » et qu'en effet, la petitesse prévaut dans cette représentation de l'idéal domestique : celle, rassurante, des personnes ([[Esquisses de Boz|Mrs Chirrup]], [[Le Grillon du foyer (nouvelle)|Dot Peerybingle]]), à quoi correspond l'étroitesse chaleureuse des lieux (le bateau des [[David Copperfield|Peggotty]], le château miniature de [[Les Grandes Espérances|Wemmick]]), alors que les grandes bâtisses et les manoirs, où se mêlent public et privé, n'abritent plus que des hôtes aliénés ou sans cœur ([[La Maison d'Âpre-Vent|Chesney Wold]], [[Les Grandes Espérances|Satis House]], [[Dombey et Fils|la maison de Mr Dombey]])<ref>{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=123}}.</ref>.
Ligne 370 ⟶ 378 :
Outre ces purs « anges du foyer », Dickens met en scène des personnages féminins plus ambigus, à la fois confirmation et critique de l'idéologie domestique dominante : ainsi l'aristocratique [[La Maison d'Âpre-Vent|Lady Dedlock]], dont l'apparence glaciale se conforme aux attributs de sa classe, mais que l'intimité dévoile peu à peu en proie à de sourdes passions. Le [[Point de vue narratif|narrateur omniscient]] se garde de l'effraction, ne l'appelant que ''{{lang|en|my Lady}}'' et, prudemment à l'extérieur, laisse l'histoire révéler d'elle-même une transgression cachée et son douloureux résultat, la perte d'un enfant. La hautaine dame, au fond, n'est qu'une « femme perdue » socialement intégrée, alors que [[David Copperfield|Rosa Dartle]], elle, à jamais blessée par la trahison de [[David Copperfield|Steerforth]], refuse toute compromission et nie farouchement sa prétendue spécificité féminine<ref>{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=129-130}}.</ref>. De plus, après 1858, et nombre de critiques y voient l'influence d'[[Ellen Ternan]], les héroïnes de Dickens s'affirment plus volontaires, plus promptes à exprimer leurs désirs, sans compter des personnages mineurs apparaissant dans des nouvelles ou des pièces de théâtre, {{citation|femmes coquettes et capricieuses, intéressées, certes, mais aussi des femmes complètes, vivantes, authentiques… et féminines}}<ref>{{harvsp|Sylvère Monod|1953|p=77}}.</ref>.
Dans ''[[Les Temps difficiles#L'idéal du foyer et le thème du divorce|Les Temps difficiles]]'', Dickens aborde la question du divorce<ref name="Humpherys">Anne Humpherys, « ''Louisa Gradgrind's Secret : Marriage and Divorce in ''Hard Times », ''Dickens Studies Annual'', {{numéro|25}}, {{p.|177-196}}.</ref>, tissée dans la texture narrative à travers les personnages de [[Les Temps difficiles#Louisa (Loo)|Louisa Gradgrind]] et de [[Les Temps difficiles#Stephen Blackpool|Stephen Blackpool]]<ref>{{lien web|url=
Ainsi, par ses descriptions répétées d'orphelins,
de vieilles filles célibataires, mères monstrueuses, familles disloquées, Dickens expose l'instabilité de l'idéal domestique qu'il cherche pourtant à affirmer<ref>{{harvsp|John O. Jordan|2001|p=133}}.</ref>. Certes, écrit Natalie McNight, il s'est appuyé sur les [[
==== Le snobisme ====
D'où vient l'argent chez Dickens ? Il est issu du travail, explique [[Henri Suhamy]], mais n'est acceptable que s'il s'agit du travail d'autrui<ref name="suh8">Henry Suhamy, ''Great Expectations'', Cours d'Agrégation, Vanves, CNED, 1971, {{p.|8}}.</ref>. [[Les Grandes Espérances|Miss Havisham]] tire ses revenus de la location de ses biens, argent pur que ne souille pas le dur labeur. Aussi, parce qu'elle est riche, la vieille dame, malgré son excentricité, jouit-elle de l'estime générale et, bien qu'exclue de la vie, elle ne l'est pas de la société, image même d'une aristocratie terrienne demeurée puissante quoique figée dans le passé. En revanche, l'argent venu de [[Les Grandes Espérances|Magwitch]] est frappé d'interdit social
, car
venu d'un forçat, gagné sur une terre criminelle et à la force des bras<ref name="suh8"/>. De quels atouts doit-on disposer pour accéder à la « distinction » ? Un titre, ou à défaut, des liens familiaux avec la classe moyenne supérieure : ainsi, [[Les Grandes Espérances|Mrs Pocket]] fonde son aspiration de tous les instants sur le fait que son grand-père a « failli » être anobli, et [[Les Grandes Espérances|Pip]] entretient l'espoir que Miss Havisham finira par l'adopter, car l'adoption, comme en témoigne [[Les Grandes Espérances|Estella]] qui se conduit en petite dame née, est tout à fait acceptable<ref name="suh10">Henry Suhamy, ''Great Expectations'', Cours d'Agrégation, Vanves, CNED, 1971, {{p.|10}}.</ref>. L'argent et l'éducation, indifféremment de tout apprentissage professionnel, sont plus importants mais non suffisants. À ce compte, c'est l'odieux [[Les Grandes Espérances|Bentley Drummle]] qui incarne l'idéal social, ce qui explique pourquoi Estella l'épouse sans sourciller<ref name="suh10"/>.
Or l'argent est corrupteur : son attrait prévaut sur tout, la loyauté, la gratitude, la conscience même<ref>Henry Suhamy, ''Great Expectations'', Cours d'Agrégation, Vanves, CNED, 1971, {{p.|12}}.</ref>, et l'idée de [[gentleman]], selon John Hillis-Miller, {{citation|fait banqueroute}}<ref>{{harvsp|John Hillis-Miller|1958|p=269-270}}.</ref>. Ce rejet, amorcé par Dickens dans ''[[La Petite Dorrit]]'' et confirmé dans ''[[Les Grandes Espérances]]'', n'est pas forcément partagé par les contemporains : pour [[William Makepeace Thackeray|Thackeray]], l'idée du « gentleman » doit être réévaluée mais reste un concept indispensable<ref>G. N. Ray, ''Thackeray, The Uses of Adversity
'', 1811-1846, New. York, McGraw Hill, 1955, xv + 537 pages.</ref>, et pour [[Anthony Trollope|Trollope]], l'éthique ne saurait être spontanée qu'{{citation|avec ces qualités défiant l'analyse que montrent l'homme et la dame de distinction}}<ref>{{harvsp|John Hillis-Miller|1958|p=270}}.</ref>. Enfin, richesse et distinction n'apportent pas le bonheur, {{citation|un monde que dominent l'appât de l'argent et les préjugés sociaux condui[sant] à la mutilation de l'être, aux discordes de famille, à la guerre entre homme et femme}}<ref>Henry Suhamy, ''Great Expectations'', Cours d'
=== Le réalisme à la Dickens ===
[[Fichier:The Uffizi Society at Oxford.jpeg|
{{citation|Une rue de Londres décrite par Dickens est bien comme une rue de Londres, mais est encore plus comme une rue chez Dickens, car Dickens
==== Un univers poétique ====
Tel est le point de vue traditionnel, issu de [[G. K. Chesterton|Chesterton]]<ref>{{harvsp|Gilbert Keith Chesterton|1911|p=351}}.</ref>, puis de Humphry House<ref>{{harvsp|Humphry House|1941|p=203}}.</ref>, qui voit dans l'œuvre de Dickens, outre sa satire sociale et morale, ou ses interrogations sur ce qu'est la civilisation<ref>{{harvsp|Robin Gilmour|1981|p=125}}.</ref>, des éléments cueillis dans l'extraordinaire et le [[fantastique]]. Le [[merveilleux]] surgit de la noirceur ou de la grisaille, et de façon grimaçante, le mal apparaissant partout, dans la lèpre des choses comme dans la corruption des cœurs, et surtout parce que gens, lieux et objets prennent valeur de signes, de symboles, les personnages se mouvant comme des [[emblème]]s et les paysages s'entourant d'un halo de signification<ref>Robert Ferrieux, ''Charles Dickens, un univers en soi'', Perpignan, Presses UTL, 2012, {{p.|10-11}}.</ref>. Même, par exemple dans ''[[Les Grandes Espérances]]'', lorsqu'il décrit les ruelles sombres et entortillées comme la fumée qui en souille les murs, explique [[Henri Suhamy]], Dickens ne fait pas naître la laideur : sous sa plume, le laid devient cocasse, le tohu-bohu foisonnement de vie, et le marais plat avec sa potence et ses tombes, le fleuve noir comme le [[Styx]], la mer inaccessible, ses carcasses et ses épaves, la ville [[Labyrinthe|labyrinthique]], tout cela représente, plus qu'il ne les évoque, la mort, le désert de la vie, l'éternité, mais aussi l'espérance et la foi en l'avenir<ref>{{lien web|
La critique contemporaine n'en dit pas moins : selon Nathalie Jaëck, les romans de Dickens sont volontairement duplices, avec, au cœur de cette écriture créant le [[Réalisme (littérature)|réalisme]] à l'anglaise, une subversion intrinsèque, un désir d'introduire, au sein du système de représentation qu'elle construit, une mise en échec, une alternative formelle : {{citation|
==== Une langue protéiforme ====
D'après Patricia Ingham, {{citation|la maîtrise de la langue dont fait preuve Dickens, unique par son invention et sa densité […], en fait le [[James Joyce]] de l'[[
=====
[[Fichier:Dickens characters
by William Holbrook Beard.jpg|
Ce pouvoir se manifeste dès le processus de dénomination, où l'association du son et du sens signifie déjà le personnage, une attention au détail [[onomastique]] qu'illustrent les notes de travail
.
Une fois qu'il a
===== Parler régional
L'épaississement linguistique se poursuit par l'apport d'un parler régional ou de classe, les deux étant souvent liés. [[David Copperfield|Sam Weller]] s'identifie comme [[cockney]] (''{{lang|en|w}}'' devenu ''{{lang|en|v}}'', disparition du ''{{lang|en|h}}'' aspiré{{etc
.}}), les [[David Copperfield|Peggoty]] se laissent entendre comme originaires de l'[[Est-Anglie|East Anglia]] (''{{lang|en|bahd}}'' pour ''{{lang|en|bird}}'' « oiseau », ''{{lang|en|fust}}'' pour ''{{lang|en|first}}'' « premier »), et dans ''[[Nicholas Nickleby]]'' et ''[[Les Temps difficiles]]'', pointent les particularismes du nord (''{{lang|en|hoonger}}'' pour ''{{lang|en|hunger}}'' « faim », ''{{lang|en|loove}}'' pour ''{{lang|en|love}}'' « amour »). L'orthographe de ces formes dialectales n'étant pas codifiée, Dickens les reproduit à sa façon, comme [[Emily Brontë]] dans ''[[Les Hauts de Hurlevent]]'' ou sa sœur [[Charlotte Brontë|Charlotte]] qui la corrige pour une édition plus intelligible<ref>Stanley Gerson, « ''Sound and Symbol in the Dialogue of the Works of Charles Dickens'' », ''Stockholm Studies in English'', volume 19, Stockholm, Almquist and Wiksell, 1967.</ref>. Autres caractéristiques lexicales, le jargon des [[Oliver Twist|voleurs]]
===== La fantaisie linguistique et la « novlangue » américaine (George Orwell) =====
[[Fichier:Sairey Gamp 1889 Dickens Martin Chuzzlewit character by Kyd (Joseph Clayton Clarke).jpg|
Libéré des contraintes du parler régional ou de classe, Dickens donne libre
Mrs Gamp, seule détentrice et locutrice d'un [[idiolecte]] opaque, se fait comprendre, comme l'écrit Mowbray Morris dès 1882, {{citation|par sa merveilleuse phraséologie, ses illustrations bizarres, sa tournure d'esprit incongrue}}<ref>Mowbray Morris, « ''Charles Dickens'' », Philip Collins, éd., ''The Critical Heritage'', Londres, Routledge and Kegan Paul, 1971, {{p.|607}}.</ref>. Il s'agit d'un chaos [[Syntaxe|syntaxique]] nourri d'approximations, ''{{lang|en|nater}}'' (pour ''{{lang|en|nature}}''), ''{{lang|en|chimley}}'' (pour ''{{lang|en|chimney}}''), ''{{lang|en|kep}}'' (pour ''{{lang|en|kept}}''), auxquelles se mélangent des [[
Pour [[Satire|satiriser]] l'Amérique à son retour en 1842, Dickens s'acharne sur la langue, créant un véritable ''newspeak''<ref>George Orwell, ''Ninteteen-Eighty-Four'', 1949.</ref>, une « [[novlangue]] » : aux néologismes morphologiques ou syntaxiques (''{{lang|en|draw'd}}'', ''{{lang|en|know'd}}'', ''{{lang|en|you was}}'', ''{{lang|en|didnt ought to}}'') déjà utilisés dans ses rendus du parler cockney, il ajoute l'omission systématique de syllabes (''{{lang|en|p'raps}}'', ''{{lang|en|gen'ral}}'') et le trait
===== Allusions littéraires =====
La langue de Dickens se caractérise également par son [[intertextualité]] que Valerie Garger déclare {{citation|être bien plus significative qu'un simple embellissement}}<ref>Valerie L. Garger, ''Shakespeare and Dickens: The Dynamism of Influence'', Cambridge,
; ''Le Voyage du
''[[Le Magasin d'antiquités]]'' peut se lire comme une version du ''Voyage du
Le péché est évoqué dès la scène dans la fumerie d'opium, avec des références à l'« esprit souillé »<ref>''Marc'', I, 25-23.</ref> et à Jésus chassant les démons<ref>''Matthieu'', 17, 14-21.</ref>. Sous les voûtes de la cathédrale tonne le cantique « Là où l'homme méchant », suivi dans la liturgie anglicane par un verset du [[Psaume 51 (50)|Psaume 51]] : {{citation|Je reconnais mes transgressions et mon péché est constamment devant moi
.}}
;Shakespeare
[[Fichier:Mr Wopsle as Hamlet, by Harry Furniss.jpeg|
Tout aussi prégnant est Shakespeare, en particulier ''[[Hamlet]]'', ''[[Macbeth (Shakespeare)|Macbeth]]'', ''[[Le Roi Lear|King Lear]]'' et, dans une moindre mesure ''[[Othello ou le Maure de Venise|Othello]]'', encore que Dickens ait écrit et joué en 1833 une [[Farce (théâtre)|farce]] musicale intitulée ''O'Tello''<ref>{{lien web|url=http://bookdoors.com/annotation.php?annotationID=6493|titre=Chronologie de Charles Dickens|consulté le=27 février 2013}}.</ref>. Contrairement aux textes religieux qui moulent et modulent la trame du récit, les pièces de Shakespeare s'intègrent à la langue, celle des personnages comme
celle du narrateur, pour créer des {{citation|feux d'artifice verbaux dont l'efficacité dépend de l'aptitude du lecteur à comparer l'original au nouveau contexte}}<ref>{{harvsp|David Paroissien|2011|p=137}}.</ref>. Ainsi, Dickens ménage de puissants effets de contraste, le clou restant la représentation [[Parodie|parodique]] de ''[[Hamlet]]'' par [[Les Grandes Espérances|Mr Wopsle]]
, dans ''[[Les Grandes Espérances]]'', aux ratés cruellement détaillés : reine à l'énorme poitrine et surchargée d'atours, fantôme pris d'une quinte d'outre-tombe, sombre héros empesé et raide, incoercible hilarité de Pip et de Herbert (chapitre 31). Les allusions au texte ne manquent pas non plus, tous les grands drames se voyant appelés pour divers personnages, à l'exception de ''[[Dombey et Fils]]'' où Dickens se concentre sur ''[[Antoine et Cléopâtre]]'' aux seules fins de caractériser Mrs Skewton, septuagénaire ratatinée se croyant la nouvelle Cléopâtre. À son insu, elle devient la cible de railleries shakespeariennes de la part des personnages, Dombey et Bagstock surtout, et aussi du narrateur, harcèlement par les titres, les
La tragédie de ''[[Macbeth (Shakespeare)|Macbeth]]'', la plus sombre, la plus meurtrière, est très présente dans ''Le Mystère d'Edwin Drood'', dont la première allusion se situe alors qu'est évoqué cet {{citation|oiseau clérical et tranquille, le [[Corbeau freux|freux]] qui, à grands coups d'aile, rentre à la tombée de la nuit}}<ref>Peter Preston, « Introduction », Charles Dickens, ''The Mystery of Edwin Drood and Other Stories'', Ware, Hertfordshire, Wordsworth Editions Limited, 2005, {{p.|143}}.</ref>, oblique référence à ''[[Macbeth (Shakespeare)|Macbeth]]'', III, 2 (v. 40, 50-51), {{citation|La lumière s'épaissit et la corneille va à grands coups d'aile vers les bois des freux}},
==== Un style « polyphonique » (Mikhaïl Bakhtine) ====
En
===== Qui parle dans Dickens ? =====
À la manière journalistique comme ses prédécesseurs du {{s-|XVIII
===== La veine théâtrale =====
Les romans de Dickens sont des [[Avant-scène|prosceniums]] et des [[
===== La veine satirique et pathétique =====
;Les personnages
[[Fichier:Charles Dickens characters.jpg|
La caractérisation est toujours un tour de force où se déploie une panoplie de procédés récurrents : division entre les bons et les méchants, avec passage pour certains d'un état à l'autre ;
Ainsi
, la mort de [[Le Magasin d'antiquités|la petite Nell]], dans la verdoyante campagne anglaise, sa faiblesse achevée par un environnement pourtant réputé consolateur, relève d'un [[Pathos|pathétique]] ayant ému jusqu'à l'ancien rédacteur en chef de l{{'}}''[[
;Les institutions
Mais lorsqu'il s'agit de fustiger le système, l'ironie devient dévastatrice, surtout que les institutions ne sont pas décrites de façon maligne, mais montrées dans l'action même de leur laideur et de leur inefficacité. À ce titre, [[La Petite Dorrit|le ministère des
===== La veine lyrique =====
;La campagne idyllique ou sauvage
[[Fichier:James Thomson (Scottish poet).jpg|
Il existe aussi un [[lyrisme]] dans les romans de Dickens, en particulier lorsqu'il décrit la campagne par opposition à la ville.
Dans ''[[Martin Chuzzlewit]]'', une fois la glorieuse ascendance des Chuzzlewit exposée sur le mode [[Humour|humoristique]], le roman s'ouvre sur une scène champêtre : village du [[Wiltshire]], non loin de la {{citation|bonne vieille ville de [[Salisbury (
;Le lyrisme du sentiment et le chant épique
Restent les expressions lyriques du sentiment, par exemple, dans ''[[Les Grandes Espérances]]'', l'amour inexplicable de [[Les Grandes Espérances|Pip]] pour [[Les Grandes Espérances|Estella]] ; et parfois
Véritables [[
Cette poésie, loin de s'en éloigner, surgit du [[naturalisme (littérature)|naturalisme]] même de son auteur<ref name="HT-vol 3">
{{ouvrage|
=====
Le rendez-vous avec soi
=====
En somme, l'image du monde de Dickens est à celle de sa personnalité : du réel, il ne retient que ce qui l'émeut, son réalisme restant au service de son humanité. La poésie de son univers est celle de son moi qui se projette dans les choses et les êtres, et qu'ils réfléchissent ; et la féerie naît parce que l'auteur a rendez-vous avec son être, l'exagération même prenant valeur de révélation<ref name="HT-vol 3"/>.
== Œuvres ==
Pour une liste complète des œuvres de Charles Dickens et pour connaître celles qu'il a écrites en collaboration, se référer à la palette figurant au bas de chaque article le concernant ou à la ''{{lang|en|Cambridge Bibliography of English Literature}}''<ref>Paul Schlicke, « ''Charles Dickens'' », ''Cambridge Bibliography of English Literature'', {{3e}} édition, Cambridge, Cambridge University Press, 1999.</ref>. Seules, les œuvres marquées d'un astérisque ont reçu l'autorisation expresse
de traduction de Charles Dickens<ref name="PS-169"/>.
=== Romans ===
* ''[[Les Aventures de Monsieur Pickwick]]''<ref>Depuis la date de la {{1re}} parution française en 1837, jusqu'à 2006, le titre en France a quasiment toujours été : ''Les Aventures de Monsieur Pickwick'' (cf. notices du catalogue général de la Bibliothèque nationale de France).</ref> (''{{lang|en|The Posthumous Papers of the Pickwick Club}}''), publication mensuelle d'avril 1836 à novembre 1837 ('''*''').
* ''[[
* ''[[Nicholas Nickleby]]'' (''{{lang|en|The Life and Adventures of Nicholas Nickleby}}''), publication mensuelle d'avril 1838 à octobre 1839 ('''*''').
* ''[[Le Magasin d'antiquités]]'' (''{{lang|en|The Old Curiosity Shop}}''), publication hebdomadaire dans ''{{lang|en|[[L'Horloge de Maître Humphrey|Master Humphrey's Clock]]}}'' d'avril 1840 à février 1841 ('''*''').
* ''[[Barnaby Rudge]]'' (''{{lang|en|Barnaby Rudge: A Tale of the Riots of 'Eighty}}''), publication mensuelle du 13 février 1841 au 27 novembre 1841 ('''*''').
* ''[[Martin Chuzzlewit]]'' (''{{lang|en|The Life and Adventures of Martin Chuzzlewit}}''), publication mensuelle de janvier 1843 à juillet 1844 ('''*''').
* Livres sur le thème de Noël (''Contes de Noël'')<!-- Nous pouvons notamment lire ceci dans Le Petit Larousse illustré 2018 sous l'entrée " Contes de Noël " (p. 1413) : « Recueil de contes de C. Dickens (1843 - 1848). » --> :
** ''[[Un chant de Noël]]'' (''{{lang|en|A Christmas Carol}}'') (1843) ('''*''').
** ''Les Carillons'' (''{{lang|en|The Chimes}}'') (1844) ('''*''').
** ''[[Le Grillon du foyer (nouvelle)|Le Grillon du foyer]]'' (''{{lang|en|The Cricket on the Hearth}}'') (1845) ('''*''').
** ''[[La Bataille de la vie]]'' (''{{lang|en|The Battle of Life}}'') (1846) ('''*''').
** ''L'Homme
* ''[[Dombey et Fils]]'' (''{{lang|en|Dombey and Son}}''), publication mensuelle de mai 1849 à novembre 1850 ('''*''').
* ''[[David Copperfield]]'' (''{{lang|en|The Personal History, Adventures, Experience and Observation of David Copperfield the Younger of Blunderstone Rookery (Which He Never Meant to Publish on Any Account)}}''), publication mensuelle de 1849 à 1850 ('''*''').
Ligne 481 ⟶ 489 :
* ''[[La Petite Dorrit]]'' (''{{lang|en|Little Dorrit}}''), publication mensuelle de décembre 1855 à juin 1857 ('''*''').
* ''[[Le Conte de deux cités]]'' (''{{lang|en|A Tale of Two Cities}}''), publication hebdomadaire dans ''{{lang|en|[[All the Year Round]]}}'' d'avril 1859 à novembre 1859 ('''*''').
* ''Message venu de la mer'' (''{{lang|en|A Message from the Sea}}'') (1860).
* ''[[Les Grandes Espérances]]'' (''{{lang|en|Great Expectations}}''), publication hebdomadaire dans ''{{lang|en|[[All the Year Round]]}}'' de décembre 1860 à août 1861 ('''*''').
* ''[[L'Ami commun]]'' (''{{lang|en|Our Mutual Friend}}''), publication mensuelle de mai 1864 à novembre 1865) ('''*''').
Ligne 486 ⟶ 495 :
=== Recueils divers ===
Pour une liste complète des œuvres dites « courtes » écrites par Dickens, voir {{lien web|
==== Esquisses sur Londres ====
* ''[[Esquisses de Boz]]'' (''{{lang|en|Sketches by Boz, Illustrative of Every-day Life and Every-day People}}'') (''{{lang|en|Sketches by Boz}}'') '''(*)'''
, publié dans ''{{lang|en|[[Bentley's Miscellany]]}}'' (1836)<ref group="N">Dickens tient son célèbre pseudonyme du surnom qu'il avait donné à son jeune frère Augustus, « Moses », d'après un personnage de ''{{lang|en|The Vicar of Wakefield}}'' de [[Oliver Goldsmith]]. Prononcé du nez pour plaisanter, le nom s'est déformé en « Boses », puis raccourci en « Boz ». Le pseudonyme est associé à l'adjectif « inimitable », puis « Boz » a disparu et Dickens est resté « l'inimitable » (''{{lang|en|The Inimitable}}''). À l'origine, Boz se prononçait [b|oʊ|z], mais se dit aujourd'hui [b|ɒz].</ref>{{,}}<ref>G. M. Miller, ''BBC Pronouncing Dictionary of British Names'', Oxford, Oxford University Press, 1971, {{p.|19}}.</ref>.
==== Nouvelles indépendantes ====
* ''The Mudfrog Papers''
, publié dans ''{{lang|en|[[Bentley's Miscellany]]}}'' (1837-1838).
* ''La Vie d'un
* ''{{lang|en|The Haunted Man}}'' (1858).
* ''{{lang|en|texte=Reprinted Pieces}}'' (1858) ('''*''').
* ''Le Pauvre
==== Nouvelles publiées dans ''L'Horloge de Maître Humphrey'' (''{{lang|en|Master Humphrey's Clock}}'') ====
* ''Aveux trouvés dans une prison à l'époque de Charles II''.
==== Nouvelles sur le thème de Noël publiées dans
''Paroles familiales'' (''{{lang|en|[[Household Words]]}}''
), hebdomadaire où Charles Dickens était directeur et rédacteur en chef à partir de 1850 ====
* ''L'Arbre de Noël'' (''{{lang|en|The Christmas Tree}}'') (1850).
*
''Noël quand nous vieillissons'' (''{{lang|en|What Christmas Is, as We Grow Older}}''
) (1851).
* ''{{lang|en|A Round of Stories by the Christmas Fire}}'' (1852).
* ''Le Conte du parent pauvre'' (''{{lang|en|The Poor Relation's Story}}'') (1852).
* ''{{lang|en|Another Round of Stories by the Christmas Fire}}'' (1853).
*
''Le Conte de l'écolier'' (''{{lang|en|The
*
''Les Sept Pauvres Voyageurs'' (''{{lang|en|The
*
''(L'Auberge de) la Branche de houx'' (''{{lang|en|The
*
''Le Naufrage du Golden Mary'' (''{{lang|en|The
*
''Dangers courus par certains prisonniers anglais'' (''{{lang|en|
* ''Maison à louer'' (''{{lang|en|A House to Let}}'') (1858).
==== Nouvelles sur le thème de Noël publiées dans
''Tout le Long de l'Année'' (''{{lang|en|[[All the Year Round]]}}''
), nouveau titre pour ''Paroles familiales'' à partir de 1859 au moment où Charles Dickens se sépara de sa femme ====
*
''La Maison hantée'' (''{{lang|en|The Haunted House}}''
) (1859).
* ''Message venu de la mer'' (''{{lang|en|A Message from the Sea}}'') (1860).
* ''La Terre de Tom Tiddler'' (''{{lang|en|Tom Tiddler's Ground}}'') (1861).
*
''Les Bagages d'Untel'' (''{{lang|en|Somebody's Luggage}}''
) (1862).
*
''La Pension Lirriper'' (''{{lang|en|Mrs Lirriper's Lodgings}}''
) (1863).
*
''L'Héritage de {{Mme}} Lirriper'' (''{{lang|en|Mrs Lirriper's Legacy}}''
) (1864).
* ''Le Docteur Marigold'' (''{{lang|en|Doctor Marigold's Prescriptions}}'') (1865).
C'est une série de contes écrits pour distraire une petite fille sourde et muette. On y trouve :
** ''Un procès criminel''
* ''L'Embranchement de Mugby'' (''{{lang|en|Mugby Junction}}'') (1866). C'est une série de contes écrits pour distraire une jeune femme malade. On y trouve :
** ''Le Signaleur''<ref group="N">''Mugby Junction'' est un ensemble de nouvelles incluant ''Le Signaleur'', ''The Signal Man'', histoire du spectre d'un aiguilleur dont chaque apparition à l'entrée d'un tunnel prélude à un désastre ferroviaire.</ref>{{,}}<ref>Texte disponible sur {{lien web|url=http://ebooks.adelaide.edu.au/d/dickens/charles/d54mj/|titre=''Mugby Junction''|consulté le=25 janvier 2013}}.</ref>.
* ''L'Impasse'' (''{{lang|en|No Thoroughfare}}'') (1867), écrit en collaboration avec Wilkie Collins.
=== Autres œuvres : critique, poésie, théâtre ===
Ligne 531 ⟶ 547 :
* ''L'Abîme'' (''{{lang|en|No Thoroughfare}}'') (1867)<ref group="N">Ce titre a également été donné à une nouvelle publiée en [[1867 en littérature|1867]] dans le numéro de Noël de ''[[All the Year Round]]'').</ref>.
===
Correspondance
===
* Plus de {{formatnum:14000}} lettres de Dickens à {{formatnum:2500}} correspondants connus, 450
d'entre elles formant ''The Selected Letters of Charles Dickens'', British Academy Pilgrim Edition, Jenny Hartley, éd., Oxford, Oxford University Press, 2012.
== Dickens sur scène, à l'écran et en littérature ==
Innombrables, elles-mêmes sujets d'ouvrages savants, sont les adaptations que le personnage et l'œuvre de Dickens ont inspirées. Philip Allingham leur a consacré sa thèse de doctorat en 1988
===
Adaptations célèbres
===
Parmi les productions les plus remarquées, figurent
*
''[[Un conte de Noël (film, 1938)|Un conte de Noël]]'' (''A Christmas Carol''
),
*
''
[[Scrooge
* ''
* ''[[Le Drôle de Noël de Scrooge]]'' (''A Christmas Carol''), film américain réalisé par [[Robert Zemeckis]], avec [[Jim Carrey]] et [[Gary Oldman]], en [[2008 au cinéma|2008]].
''[[Oliver Twist]]'' a inspiré tout particulièrement :
* ''
[[Oliver
* ''[[Oliver ! (film)|Oliver!]]'', [[film musical]] britannique réalisé par [[Carol Reed]], avec [[Mark Lester]] et [[Oliver Reed]], en [[1968 au cinéma|1968]]<ref>''[[Oliver ! (film)|Oliver!]]'' remporte l'[[Oscar du meilleur film]] à la [[41e cérémonie des Oscars|{{41e}} cérémonie des Oscars]].</ref> ;
* ''[[Oliver Twist (film, 2005)|Oliver Twist]]'', film [[Cinéma français|franco]]-[[Cinéma tchèque|tchéco]]-[[Cinéma italien|italo]]-britannique réalisé par [[Roman Polanski]], avec [[Ben Kingsley]] et [[Barney Clark]], en [[2005 au cinéma|2005]].
Quant à ''[[David Copperfield]]'', il a été adapté dans ''[[David Copperfield (film, 1935)|David Copperfield]]'', film américain réalisé par [[George Cukor]], avec [[W. C. Fields]] et [[Lionel Barrymore]], en [[1935 au cinéma|1935]] ; puis dans ''[[David Copperfield (téléfilm, 1999)|David Copperfield]]'', [[téléfilm]] britannique réalisé par [[Simon Curtis]], avec [[Daniel Radcliffe]], [[Bob Hoskins]] et [[Maggie Smith]], en [[1999 à la télévision|1999]].
''[[La Petite Dorrit]]'' est portée à l'écran dans ''[[La Petite Dorrit (film, 1987)|La Petite Dorrit]]'' (''Little Dorrit''), film britannique réalisé par Christine Edzard, avec [[Derek Jacobi]], en [[1988 au cinéma|1988]].
''[[Les Grandes Espérances]]'' a, entre autres, notablement conduit à ''[[Les Grandes Espérances (film, 1946)|Les Grandes Espérances]]'' (''Great Expectations''), film britannique réalisé par [[David Lean]], avec [[John Mills]] et [[Alec Guiness]], en [[1946 au cinéma|1946]] ; et à ''[[De grandes espérances (film, 1998)|De grandes espérances]]'', film américain réalisé par [[Alfonso Cuarón]], avec [[Robert De Niro]] et [[Anne Bancroft]], en [[1998 au cinéma|1998]]. En 2011, la BBC produit une mini-série en trois parties, sur un scénario de Sarah Phelps et dans une réalisation de Brian Kirk, avec [[Ray Winstone]], [[Gillian Anderson]] et [[Douglas Booth]]. [[Mike Newell (producteur)|Mike Newell]] en réalise une nouvelle version cinématographique en 2012, simplement intitulée ''[[De grandes espérances (film, 2012)|Great Expectations]]'' avec [[Ralph Fiennes]] et [[Helena Bonham Carter]]<ref>{{lien web|langue=en|url=https://www.bbc.co.uk/news/entertainment-arts-15779928|description=Informations concernant les productions de la BBC|consulté le=29 juillet 2012}}.</ref>.
Dans ''[[Assassin's Creed Syndicate]]'', Dickens est un personnage secondaire apparaissant dans le [[Londres]] du [[XIXe siècle|{{19e}} siècle]].
=== Le mystère de ''Le Mystère d'Edwin Drood'' ===
''[[Le Mystère d'Edwin Drood]]'' a, du fait que le roman est inachevé, reçu un traitement privilégié car, les mardi et mercredi 11 et 12 janvier 2012, [[BBC Two|BBC2]] a retransmis une version en deux parties inédite et achevée de l'histoire. Le scénario original est de Gwyneth Hughes, auteur de la série anglaise ''Five Days'', nommée aux ''Golden Globes''. La scénariste a souhaité garder le secret quant au dénouement qu’elle a choisi de mettre en scène<ref>{{fr}} {{lien web|url=http://www.actualitte.com/actualite/monde-edition/societe/charles-dickens-le-mystere-d-edwin-drood-enfin-resolu-23938.htm|titre=Edwin Drood à la BBC|consulté le=20 décembre 2011}}.</ref>. Le second épisode a réservé quelques surprises : Jasper ([[Matthew Rhys]]) s'évertue à monter un mauvais coup contre Neville et, bien qu'il n'y ait ni cadavre ni autre évocation du meurtre que celles, en flashback, des fantasmes de Jasper, la ville entière est convaincue que Drood a bel et bien été assassiné. Mais le jeune homme réapparaît calmement quelque dix minutes avant la fin et explique qu'il a fait une brève excursion en Égypte : ainsi, Jasper n'a pas tué et tout n'était donc que rêve et fantasme… Et pourtant si, Jasper a tué, pas Edwin cependant, mais son père, le vieux Drood ; et se démêle un écheveau qu'on eût cru moins compliqué : en réalité, le père de Drood est aussi celui de Jasper… et de Neville, si bien que Jasper et Edwin ne sont pas oncle et neveu, mais frères, et que Neville s'ajoute lui aussi à la fratrie. À contre-courant de l'histoire, semble-t-il, puisqu'il a passé ses derniers jours à comploter contre elle, la famille Drood célèbre dans la scène finale la mémoire de l'oncle/père décédé<ref>{{lien web|langue=en|url=http://www.bestbritishtv.com/?p=2323|titre=BBC 2, ''The Mystery of Edwin Drood'', {{2e}} épisode|consulté le=12 février 2012}}.</ref>.
=== Dickens en personnage de roman ===
Charles Dickens est devenu le protagoniste d'un roman, ''[[Drood (roman)|Drood]]'' de [[Dan Simmons]], paru en France en 2011<ref>Dan Simmons, ''Drood'', traduit de l'anglais par Odile Demange, 2011, 876 p.</ref>. Dans une chronique du ''Monde des livres'', Hubert Prolongeau explore la fascination de l'auteur américain pour le roman inachevé de Dickens et explique qu'au lieu de résoudre le mystère insoluble de sa fin, il a préféré en chercher la clef dans sa genèse. Partant de l'accident ferroviaire de 1855 à Staplehurst, il a imaginé que l'écrivain y a croisé un personnage étrange, nez et doigts coupés, nommé Drood. {{citation|Qui est ce Drood, qui va l'obséder au point qu'il consacre désormais toute son énergie à tenter de le retrouver, jouant dans cette quête à la fois sa santé et son salut ?}} Il y a plus cependant, en faisant de [[Wilkie Collins]] son narrateur, Simmons sonde aussi son propre mystère : que {{citation|ce tout petit maître du roman [[Époque victorienne|victorien]], [soit] le véritable héros du livre [n'est-il] dû qu'au hasard ? En le peignant à la fois admiratif et jaloux de Dickens, son génial collègue, pris entre l'envie et l'amitié, [[Antonio Salieri|Salieri]] de ce [[Wolfgang Amadeus Mozart|Mozart]] des mots, Simmons révèle sans doute quelques-uns de ses doutes face à la création littéraire. On retrouve dans ''Drood'' son besoin d'associer en permanence à ses écrits ceux des grands maîtres du passé, leur rendant hommage et affirmant la nécessité d'une filiation}}<ref>Hubert Prolongeau, « "Drood", de Dan Simmons : la chasse au "Drood" », Paris, ''Le Monde des livres'', 22 septembre 2011.</ref>.
Charles Dickens tient également un rôle de premier plan dans le roman ''Roublard'' (''Dodger'') de [[Terry Pratchett]], publié en 2012 au Royaume-Uni.
Dans la littérature française, [[Jean-Pierre Ohl]], dans son roman gothique ''Le Chemin du Diable'', fait apparaître Charles Dickens enfant et décrit en détail la vie dans la prison de [[Marshalsea]].
== Bibliographie ==
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=== Traductions en français ===
[[Fichier:Gill-Dickens.jpg|
Du vivant de Charles Dickens, beaucoup de ses œuvres ont été, avec son accord et souvent une préface rédigée par ses soins, traduites en français. Après sa mort, les traductions se sont succédé jusqu'à la fin du {{s-|XIX
Les éditions [[Bibliothèque de la Pléiade|La Pléiade]], le plus souvent sous la plume ou la direction de [[Sylvère Monod]], ont publié de nouvelles traductions des œuvres de Dickens. Le catalogue<ref>{{lien web|url=http://www.la-pleiade.fr/Auteur/Charles-Dickens|titre=Catalogues des œuvres de Charles Dickens dans la collection La Pléiade|consulté le=20 janvier 2013}}.</ref> comprend dix-huit titres :
* ''Souvenirs intimes de David Copperfield'', ''De Grandes Espérances'', Paris, Gallimard, La Pléiade, {{numéro|105}}, 1954.
* ''Dossier de la maison Dombey et Fils'', ''Temps difficiles'', Paris, Gallimard, La Pléiade, {{numéro|118}}, 1956.
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=== Ouvrages généraux ===
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* {{en}} Jon Mee, ''The Cambridge Introduction to Charles Dickens'', Cambridge, Cambridge University Press, 2010, 115 p.
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=== Ouvrages spécifiques ===
* {{ouvrage|langue=fr|auteur=Nathalie Jaëck|titre=Charles Dickens : l'écriture comme pouvoir, l'écriture comme résistance|éditeur=Ophrys|date=2008|pages totales=192}}
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* {{fr}} {{ouvrage|auteur=André Maurois|titre=
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* {{ouvrage|langue=en|auteur=Michael Slater|titre=Dickens and Women|lieu=Londres|éditeur=J. M. Dent & Sons, Ltd.|année=1983|isbn=0-460-04248-3}}.
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=Anny Sadrin|titre=L'Être et l'avoir dans les romans de Charles Dickens|lieu=Lille et Paris|éditeur=Atelier national de reproduction des thèses ; diffusion Didier Érudition|année=1985|volume=2|pages totales=800}}
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* {{en}} ''{{lang|en|Dickens's England : A Traveller's Companion}}'', Londres, B. T. Batsford, 1986, 200 p.
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Publishing|collection=The Nineteenth Century Series|année=2008|pages
totales=228|isbn=978-0-7546-6180-1}}
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* {{ouvrage|auteur=Jane Smiley|titre=Charles Dickens|éditeur=Les Éditions Fides|année=2003
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* {{fr}} {{ouvrage|prénom1=Lucien|nom1=Pothet|titre=Mythe et tradition populaire dans l'imaginaire dickensien|lieu=Paris|éditeur=Lettres modernes|année=1979|pages
totales=281|collection=Bibliothèque Circé|numéro dans collection=1|isbn=2-256-90787-2|bnf=34652328p}}
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=Max Vega-Ritter|titre=Dickens et Thackeray, essai d'analyse psychocritique : des ''Pickwick Papers'' à ''David Copperfield'' et de ''Barry Lyndon'' à ''Henry Esmond''|lieu=Montpellier|éditeur=Montpellier III|année=1986|pages
totales=548|isbn=}}
* {{fr}}
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=Anny Sadrin|titre=Dickens ou Le roman-théâtre|lieu=Paris|éditeur=Presses universitaires de France|année=1992|pages
totales=219|isbn=213044069X
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=Jean-Pierre Naugrette éd., Zaynab Obayda, Annie Amartin-Serin, Judith Bates, Odile Boucher-Rivalain, ''et al''|titre=Réussir l'épreuve de littérature, ''David Copperfield''|lieu=Paris|éditeur=Ellipses|année=1996
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=Zaynab Obayda|titre=L'enfance orpheline et la défaillance parentale dans les romans de Dickens : le génie stylistique de l'écrivain engagé|lieu=Nancy|éditeur= Université Nancy 2|année=1997
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=Gayet Razanantsoa, Fara Lalao|titre=La question du sujet dans la fiction de Charles Dickens : ''Oliver Twist'', ''David Copperfield'' et ''Great Expectations''
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=Luc Bouvard|titre=Les fils de Dickens : filiation et focalisation dans cinq adaptations cinématographiques des romans de Charles Dickens|lieu=Montpellier|éditeur=Université Paul Valéry Montpellier III|année=2005
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=Marie-Amélie Coste|titre=L'être et le paraître dans les romans de Charles Dickens|lieu=Paris|éditeur=Atelier national de Reproduction des thèses|année=2006|pages
totales=540|isbn=}}
* {{fr}} {{ouvrage|prénom1=Nathalie|nom1=Vantasse|titre=Charles Dickens entre normes et déviance|lieu=Aix-en-Provence|éditeur=Publications de l'Université de Provence|année=2007|pages
totales=252|collection=Mondes anglophones|isbn=978-2-85399-668-6|bnf=410444742}}
* {{fr}} {{ouvrage|prénom1=
* {{fr}} {{ouvrage
|nom1=Fayemi|auteur=Anne-Gaëlle Fayemi-Wiesebron|titre=L'objet dickensien, entre profusion et vide : étude de l'objet dans ''David Copperfield'', ''Bleak House'' et ''Great Expectations''|lieu=Rennes|éditeur=Université Rennes II|année=2012|pages
totales=309|isbn=}}
==
Sociétés savantes dickensiennes
==
===
En Grande-Bretagne et dans le monde anglo-saxon
===
* ''The Dickens Fellowship'', [http://www.dickensfellowship.org]
* ''The Dickens Society''
<ref group="N">Cette société savante publie la revue ''Dickens Quarterly'' depuis 1970.</ref>, [
* ''The Charles Dickens (Malton) Society'', [http://www.dickenssocietymalton.co.uk]
===
En France=
==
====Société Française des Études Victoriennes et Édouardiennes ====
La « Société d'études victoriennes et édouardiennes » a été créée, en France, en mai 1976, lors d'un congrès de la « Société des Anglicistes de l'Enseignement Supérieur » (la SAES, société-mère). Comme son nom l'indique en partie, elle est spécialisée dans l'étude du {{s-|XIX
;Colloques et congrès
* Paris III, Villetaneuse, janvier 2004 : « L'excès ».
Ligne 692 ⟶ 720 :
;Publications
« Centre d'études et de recherches victoriennes et édouardiennes », Montpellier, Université Paul Valéry, Presses universitaires de Montpellier III, 2006.
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Les amis de Charles Dickens
====
* Siège : 29, boulevard Mariette, 62200 Boulogne-sur-Mer.
* Contact : Marie-Angèle Dauvin [http://www.gallimard.fr/nicaise/html/autgall/00727_t.htm]
* Objet : connaissance des
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Amis de Charles Dickens de Boulogne-Condette
====
;Siège : 14 avenue de l’Yser, 62360 Condette.
;Objet : Association à caractère culturel ayant pour but de rassembler les admirateurs de Dickens afin d’en perpétuer le souvenir et discuter de ses œuvres.
== Hommages ==
{{...}}
* Les [[Dickens Rocks]] en [[Antarctique]] ont été nommés en son honneur ainsi qu'un grand nombre de lieux des [[Pitt Islands]] qui portent le nom des personnages des ''[[Les Papiers posthumes du Pickwick Club|Papiers posthumes du Pickwick Club]]''<ref>{{ouvrage|auteur1=Fred G. Alberts|responsabilité1=éditeur|langue=en|titre=Geographic Names of the Antarctic|année=1995|passage=188}}.</ref> telle l'[[Île Pickwick]]<ref>{{lien web|langue=en|url=https://data.aad.gov.au/aadc/gaz/scar/display_name.cfm?gaz_id=130118|titre=SCAR Composite Gazetteer of Antarctica|consulté le=19/12/2018}}.</ref>.
* À Paris, la [[rue Charles-Dickens]] porte son nom.
== Annexes ==
Ligne 705 ⟶ 738 :
=== Références ===
{{Références
=== Articles connexes ===
==== Famille et relations ====
{{colonnes|taille=30|
* [[John Forster]]
* [[Catherine Dickens]]
Ligne 714 ⟶ 748 :
* [[Georgina Hogarth]]
* [[Ellen Ternan]]
}}
==== Illustrateurs ====
Ligne 720 ⟶ 755 :
==== Éditeurs ====
{{colonnes|taille=30|
* ''[[Morning Chronicle]]''
* ''[[Bentley's Miscellany]]''
* ''[[L'Horloge de Maître Humphrey]]''
* ''[[Chapman & Hall|Chapman and Hall]]
''
* ''[[Household Words]]''
* ''[[All the Year Round]]''
}}
==== Collègues ====
{{colonnes|taille=30|
* [[Elizabeth Gaskell]]
* [[Studs Terkel]]
* [[Upton Sinclair]]
* [[John Steinbeck]]
}}
=== Liens externes ===
{{Autres projets|commons=Charles Dickens|wikisource
=Charles Dickens|q=Charles Dickens}}
{{catégorie principale}}
* {{lien web|url=http://education.francetv.fr/dossier/vie-et-uvre-de-charles-dickens-o27456-la-vie-de-charles-dickens-face-aux-grands-evenements-politiques-115|titre=Chronologie de Charles Dickens|consulté le=28 février 2013}}.
* {{en}} [http://www.charlesdickensbirthplace.co.uk/ Lieu de naissance de Charles Dickens].
* {{en}} [http://www.dickensfellowship.org/ The Dickens Fellowship], association internationale
*
;Textes
* [http://www.gutenberg.org/browse/authors/d#a37 Œuvres, texte intégral en français et en anglais (formats txt et HTML) sur le site www.Gutenberg.org]
* [http://beq.ebooksgratuits.com/vents/dickens.htm La Bibliothèque électronique du Québec]
* {{lien web|
==== Bases de données et dictionnaires ====
{{Liens}}
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{{Portail|Charles Dickens|littérature britannique|humour|XIXe siècle|Angleterre}}
{{Article de qualité|oldid=91921433|date=12 avril 2013}}
{{Wikipédia:Thèmes de qualité/Propositions/Charles Dickens : ses quinze romans}}
{{Wikipédia:Thèmes de qualité/Propositions/Charles Dickens : son entourage}}
{{DEFAULTSORT:Dickens, Charles}}
[[Catégorie:Naissance à Portsmouth]]
[[Catégorie:
[[Catégorie:
[[Catégorie:Journaliste anglais]]
[[Catégorie:Épistolier du XIXe siècle]]
[[Catégorie:Auteur publié par les éditions Gallimard]]
[[Catégorie:Auteur publié dans la Bibliothèque de la Pléiade]]
[[Catégorie:Personnalité de l'époque victorienne]]
[[Catégorie:Personnalité inhumée à l'abbaye de Westminster]]
[[Catégorie:Charles Dickens| ]]
[[Catégorie:Naissance en février 1812]]
[[Catégorie:Décès en juin 1870]]
[[Catégorie:Décès dans le Kent]]
[[Catégorie:Décès à 58 ans]]
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