Les pharmacies d’officine en grève le 30 mai

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

25 avril 2024

Paris, France— Les médecins libéraux, qui ont décidé de boycotter les négociations conventionnelles, ne sont pas les seuls professionnels de santé déçus par les propositions du gouvernement. Les infirmières libérales ont organisé le mois dernier des opérations escargots et des manifestations pour réclamer des hausses de tarifs, et maintenant c'est au tour des pharmaciens d'officine de décider d'un mouvement de grève le 30 mai prochain.

Plus exactement c'est l'Union des syndicats des pharmaciens d'officine (Uspo), deuxième syndicat représentatif de la profession, qui a décidé de lancer ce mouvement de grève. Cela faisait plusieurs mois que le syndicat exprimait la colère de ses adhérents pour plusieurs raisons.

Dégradation de la situation économique

En décembre dernier, l'Uspo dénonçait une dégradation de la situation économique des pharmacies d'officine. « Selon les derniers chiffres économiques d’IQVIA, la marge des pharmacies diminue de 0,3 points, et ce, malgré une hausse du chiffre d’affaires d’environ 6% sur les douze derniers mois, due à la dispensation des médicaments chers. A cela s’ajoute l’impact des pénuries et leurs conséquences sur l’immobilisation des stocks lorsque les médicaments sont à nouveau disponibles », annonçait l'Uspo en décembre dernier. Par ailleurs, 74 procédures collectives (sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire) ont été initiées en 2023 contre 50 en 2022.

Dérégulation

En janvier dernier, l'Uspo s’attaquait à la volonté du premier ministre Gabriel Attal, de libéraliser la vente en ligne de médicaments. « La libéralisation de la vente en ligne est inutile dans la mesure où les patients ont tous facilement accès à leur pharmacie. Sous prétexte de simplifier l’accès aux soins, elle fera du médicament un bien de consommation comme les autres, menacera la présence, pourtant indispensable, des pharmacies sur les territoires et aggravera l’empreinte carbone de notre pays », commentait pour sa part l'Uspo, suite au discours de politique générale de Gabriel Attal.

D'autant que, depuis plusieurs mois, le député de la majorité Marc Ferracci planche sur un rapport (pas tout à fait finalisé), dont les principales propositions tendent à déréguler le marché de l'officine : « Depuis le mois de septembre, l’USPO agit auprès des députés et des pouvoirs publics pour les alerter sur les dangers du rapport de M. Ferracci, député des Français à l’étranger. Pour rappel, ce dernier envisage de déréguler la pharmacie d’officine, son maillage, son monopole et son indépendance. Ces trois piliers assurent la sécurité des patients, un accès aux soins rapide et homogène sur l’ensemble du territoire et sont un rempart contre la financiarisation de la pharmacie », s'était ému l'Uspo, en demandant le retrait de ce rapport, mais aussi une réforme économique ambitieuse pour la profession.

Harcèlement administratif

Enfin, en février dernier, l'Uspo dénonçait aussi le harcèlement administratif de nombreuses caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), qui mène depuis plusieurs mois une campagne de récupération massive d'indus. « Cette stratégie administrative cible aveuglement les pharmacies en contradiction totale avec l’accès aux traitements des patients. A nouveau, l’administratif l’emporte sur la santé. Pour les CPAM, l’omission d’un élément administratif sur la prescription justifie le refus de dispensation par la pharmacie et l’éventuel renvoi du patient vers le médecin ou l’hôpital pour refaire la prescription. Les avocats spécialisés soulignent le caractère inédit et injustifié de ces contrôles et alertent sur l’état d’incompréhension et de lassitude des pharmaciens. »

Mobilisation en trois temps

Bref, la coupe est pleine pour le deuxième syndicat représentatif de pharmaciens. Après avoir sondé ses adhérents via un questionnaire en ligne, l'Uspo a donc décidé de cette mobilisation en trois temps. Le 30 mai prochain, l'Uspo appelle à la fermeture de toutes les officines et déposera un préavis de grève en conséquence.

« Conscients des risques pesant sur la profession, certains syndicats départementaux ou régionaux FSPF et USPO, au premier rang desquels PACA, Corse et Occitanie, ont déjà décidé de s’unir et de se mobiliser conjointement », informe l'Uspo.

Cette grève sera précédée par deux actions, l'une en direction des patients et élus, tandis que l'autre consiste en une grève des gardes entre les 18 et 20 mai prochains. Trois mots d'ordre accompagnent la mobilisation des officinaux :

- l'instauration d'une réforme économique ambitieuse pour les pharmacies d'officine

- l'abandon de la volonté de déréguler la pharmacie d'officine en encourageant la création de plate-forme de vente en ligne de médicaments

- la mobilisation contre les pénuries de médicaments en renforçant « la transparence des données et en obligeant les laboratoires à libérer les stocks de médicaments ».

Interrogé le samedi 20 avril sur franceinfo Pierre-Olivier Variot, pharmacien en Côte-d'Or et président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (Uspo) expliquait que « la pénurie de médicaments représente douze heures de recherches de médicaments par semaine pour une pharmacie moyenne ».

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