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Note sur Yves de Vallone Après la publication de notre édition critique du manuscrit clandestin d'Yves de Vallone, La Religion du chrétien conduit par la raison éternelle (éd. A. McKenna and G. Mori, Paris, Honoré Champion, 2023), nous avons découvert des allusions à Vallone dans les archives des Églises wallonnes et dans la correspondance de Jacques Bernard. Nous les publions ici, car elles sont précieuses pour une meilleure identification de cet auteur et de sa famille. Il s'agit surtout de la notice suivante : Guémaduc de Valonne (Yves), ancien prêtre et moine à Sainte Geneviève à Paris, prosélyte, a abjuré à Schwalbach en mars 1697 ; devenu ministre à Wilhelmsdorf il s’est plus tard retiré à Zwolle, les Etats de la province d'Overijssel lui ayant accordé une pension de fl. 200. Il en demande en 1700 une seconde aux Etats Généraux. Il meurt le 24 mai 1705. Sa veuve Marie-Madeleine Sanry, née en Franconie âgée de 20 ou 21 ans, reçoit fl. 100. Dans sa requête aux Etats elle dit que son mari a publié deux livres, l'un sur la prédestination, l'autre contenant l'histoire de sa conversion. Rés. Et. Gén. 1700, f° 368; 1706, f° 69.1 À notre connaissance, c'est la seule mention de ce nom « Guémaduc » attribué à Vallone: il s'agit certainement d'une déformation du nom de « Guémadeuc », famille noble (chevaliers bannerets de Bretagne). Le Dictionnaire de la noblesse permet de remonter à Georges de Guémadeuc, chevalier, seigneur de Guémadeuc, châtelain de Trevecar, Cadoudal et autres lieux, chevalier de l'Ordre du Roi et lieutenant général des armées de Henri IV. Georges épouse Susanne de Sévigné, et leur fils Thomas, marquis de Guémadeuc, seigneur de Cadoudal en Plumelec, gouverneur de Ploërmel, épouse Gillette de La Fresnaye le 12 novembre 1610. De ce dernier couple naissent deux fils et trois filles, Françoise, Anne et Susanne. Le fils aîné, Claude, sera chevalier, marquis de Guémadeuc, baron de Callac et gouverneur de Ploërmel; le fils cadet, Sébastien de Guémadeuc (1626-1702), est bien connu comme évêque de Saint-Malo (1671-1702)2. Sa sœur Anne épouse Louis de Pharamus, seigneur de Trahideuc, et de ce couple sont issus un garçon « qui entra dans l'état ecclésiastique » et trois filles. Selon toute vraisemblance Yves de Vallone – mentionné dans la généalogie familiale de façon elliptique et sans son prénom, certainement à cause de sa conversion au protestantisme réformé – est donc le fils d'Anne de Guémadeuc et de son époux Louis de Pharamus. 1 Bulletin de la commission pour l'histoire des Eglises wallonnes, La Haye, Martinus Nijhoff, 1892, vol. V section “Détails sur quelques réfugiés en Hollande”, p. 89. 2 Sur son épiscopat, voir Y. Poutet, Les Docteurs de Sorbonne et leurs options théologiques au XVIIe siècle, Divus Thomas, 81/3-4 (1978), p. 213-348. L'évêque a entretenu une correspondance avec Jean-Baptiste Colbert, ce qui pourrait confirmer les liens déclarés par Vallone quant à l'alliance de sa tante, Mme d'Angecourt, avec la famille de Colbert. Voir BNF, ms Mélanges de Colbert 170bis, 172bis, et Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, éd. G.B. Depping, 1855, IV, p.720-721 (Collections numériques de la Sorbonne). D'autres mentions de Vallone surgissent sous la plume de Jacques Bernard dans sa correspondance avec Delaisement3 : “Un chanoine de St. Geneviève, aussi nouveau converti, appelé Valonne, a fait imprimer un livre de la prédestination, contre les Luthériens4. [...] Il n'a pu encore avoir d'approbation ce qui fait que le livre ne se débite pas publiquement. (8 février 1703) [...] j'ai une grande altercation avec un moine prétendu nouveau converti. Il s'appelle Valonne et a été chanoine de Ste Geneviève. Il se dit noble comme le roi et d'une des plus nobles familles de France. Vous me ferez plaisir de m'apprendre ce que vous en savez. On m'a dit qu'il était fils d'un vendeur d'ar...[illisible] (4 avril 1704) Je continuerai à vous envoyer par feuilles le livre de Vallonne [en marge: C'est l'histoire de la conversion de cet apostat de chanoines de Ste Geneviève]; vous obligerez bien des gens de les communiquer surtout à quelques-uns des chanoines réguliers de Ste Geneviève. (4 décembre 1704) Ces petites indications confirment les dires d'Yves de Vallone (rapportés par Jacques Bernard le 4 avril 1704) quant à la noblesse de sa famille5 et permettent d'identifier plus précisément notre philosophe clandestin. Ils peuvent mener à de nouvelles découvertes, puisqu'on est désormais averti des hésitations sur le nom d'Yves de Vallone (Guémadeuc / Guémaduc; Vallone / Valonne / Vallonne). Antony McKenna et Gianluca Mori 3 Voir H. Bots et L. Maass, Le Réseau d'information de Jacques Bernard (1658-1718) au service des Nouvelles de la République des Lettres, 1699-1709, Amsterdam et Utrecht, APA-Holland University Press, 2008. 4 Il s’agit de sa Défense de l’apologie pour les réformez (1702), adressée au théologien luthérien Morl: voir aussi le compte rendu par Jacques Bernard dans les NRL, avril 1703, article VI, Livres nouveaux, IV, p. 462-466. 5 Sur l’« ancienne extraction noble » des Guémadeuc, voir aussi BNF, Ms. F.fr. 8317 (Nobiliaire de Bretagne, t. 2), f. 92v93rv: « Messire Amador Jean Baptiste chef de nom et d’armes de Guemadeuc chevalier seigneur du dit lieu baron de Callac seigneur chatelain de Cadoudal, de Trevecart, Boisfeillet et gouverneur pour le Roi en la ville de Ploermel. […] déclaré noble d’ancienne extraction noble et maintenu dans les qualités d'écuyer au rolle des nobles de la juridiction royale de Ploermel par arrêt du 26 juillet 1670 ».