"Pieds-noirs": ceux qui ont choisi de rester

  • Des réfugiés, débarquent du porte-avions "La Fayette" à Toulon le 19 juillet 1962.
    Des réfugiés, débarquent du porte-avions "La Fayette" à Toulon le 19 juillet 1962. AFP/Archives
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© 2012 AFP

Les images de l'exode de milliers de familles françaises fuyant l'Algérie sur des bateaux après l'indépendance, par peur de représailles, ont fait oublier que certains "pieds noirs", estimés à 200.000 en 1963, ont choisi de rester sur une terre natale à laquelle ils étaient viscéralement attachés.

"Après l'indépendance, nous sommes devenus des étrangers dans notre pays, des expatriés avec une carte de séjour", regrette Guy Bonifacio, né en 1940, à Oran, la grande ville de l'ouest algérien.

Les Accords d'Evian ont imposé aux Français restés en Algérie trois ans pour choisir de rester français ou devenir algérien, les dirigeants de la révolution algérienne refusant la bi-nationalité pour les colons.

Cet ancien comptable parti à la fin de ses études est revenu en Algérie en 1968 où sa famille était restée.

"Nous habitions une maison de maître construite sur un terrain appartenant à ma famille. Il y avait certes des convoitises. Mais j'habite toujours la maison familiale", confie-t-il à l'AFP.

"Les choses se sont très bien passées jusqu'en 1973 après les nationalisations et l'arabisation. La coopération entre l'Algérie et la France s'était alors rétrécie", se souvient M. Bonifacio.

Sa famille n'a pas soutenu les indépendantistes mais son père a caché dans la cave de son magasin d'Oran des Algériens susceptibles d'être la cible des jusqu'au-boutistes de l'Algérie française, l'Organisation de l'armée secrète (OAS).

"Nous n'avons jamais appliqué les consignes de l'OAS: donner de l'argent ou faire grève", assure aussi M. Bonifacio.

"Depuis un demi-siècle lorsqu'on évoque en France le départ des Français d'Algérie, deux idées sont communément admises: ils sont tous partis en 1962, ils n'avaient pas le choix, c'était la valise ou le cercueil. Or, des deux assertions sont fausses", affirme, le journaliste Pierre Daum, auteur du livre "Ni valise, ni cercueil, les pieds-noirs restés en Algérie".

"Valise ou cercueil" ?

Au 1er janvier 1963, sur le million de pieds-noirs recensés en 1960, soit 1O% de la population, "ils étaient encore un peu plus de 200.000 à être présents sur le sol algérien", précise-t-il.

Chantal Lefèvre en fait partie avec un parcours atypique. Née à Alger en 1945, elle s'exile en Espagne avec sa famille, ignorant la France.

"Je suis revenue pour la première fois en 1987 à l'occasion d'un séjour touristique. J'en ai profité pour faire un pèlerinage dans le quartier de mon enfance à Alger où j'ai ressenti une très forte émotion", raconte-t-elle.

Après plusieurs vacances chez un cousin de Blida (50 km au sud-ouest d'Alger) elle s'y ré-installe en 1993, en pleine guerre avec les islamistes.

"A mon retour, je n'étais pas à la recherche de l'Algérie que j'avais quittée en 1962. Je voulais juste m'intégrer", explique-t-elle.

A Blida, elle reprend en main l'imprimerie familiale Mauguin, fondée en 1867 par son grand-père. "Le personnel et l'administration algérienne m'ont beaucoup aidée. Je me sens aujourd'hui chez moi en Algérie où je continuerai à développer l'imprimerie", ajoute-t-elle

Nombre de pieds-noirs, d'abord restés, sont ensuite partis.

"De 200.000 en 1963, leur nombre est passé à 100.000 en 1965, puis à 50.000 à la fin des années 1960, à quelques milliers dans les années 1990 et à quelques centaines aujourd'hui", précise Pierre Daum.

Laurent Bounin est l'un d'eux. "Je compte finir mes jours ici", dit cet ancien militaire de 83 ans.

Après l'Indochine, Bounin est affecté en 1956 en Algérie à l'Etat-Major du général Salan. Un an plus tard, il épouse une Algérienne. A l'indépendance, il est muté en Allemagne mais est démobilisé après un accident. "Je suis revenu en Algérie en mai 1964", dit l'ancien adjudant-chef.

Né en 1935 à Oran, Jean-Pierre Henry, prêtre à Alger, est un pied-noir de troisième génération.

"Je n'ai jamais envisagé de quitter ce pays", confie cet ex-étudiant à Lyon revenu en 1967 et ordonné prêtre à Alger.

"Je n'ai jamais milité mais j'estimais qu'il valait mieux que l'Algérie reste française", avoue-t-il. "C'était un pays à reconstruire. Au fond, on est restés pour ça".

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Les commentaires (1)
ardail Il y a 12 années Le 18/03/2012 à 08:48

Une réalité bien différente.
Ce chiffre de 200.000 français en Algérie en 1963 est à fortement nuancer: il comprend les plus de 40.000 coopérants envoyés par la France dès l'automne 62, les "pieds rouges" engagés aux côtés du FLN et qui ont voulu vivre leur "révolution prolétarienne" et enfin les Pieds Noirs revenus à partir de septembre 62 pour finir leur récolte, brader leur commerce ou terminer un contrat salarial. Ceux là sont rentrés définitivement peu après. Une thèse récente, agitant ce nombre de 200.000, voudrait démontrer que les Pieds-Noirs n'ont pas tous voulu quitter ce pays(à religion musulmane d'Etat) désormais étranger pour eux: la réalité confond cette thèse fumeuse.