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Discours de M. Jacques CHIRAC devant les représentants des Français de l'étranger (campagne électorale pour l'élection présidentielle)

Discours de M. Jacques CHIRAC devant les représentants des Français de l'étranger (campagne électorale pour l'élection présidentielle)

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Palais du Luxembourg, Paris, le jeudi 7 mars 2002

Monsieur le Président du Sénat, Mesdames et Messieurs les Sénateurs représentant les Français établis hors de France, Mesdames et Messieurs les Délégués au Conseil Supérieur des Français de l'étranger, Mesdames et Messieurs les Présidents d'associations, Mesdames, Messieurs, chers amis,

Merci à vous, Monsieur le Président, cher Christian Poncelet, pour votre invitation.

Le Sénat est la "Maison des Français de l'étranger". Ils s'y sentent chez eux. Et ce sont tout naturellement le Sénat et son Président qui ont organisé cette rencontre avec nos compatriotes établis hors de France. Ces deux millions de Françaises et de Français que vous représentez et que je salue ce soir très amicalement.

C'est une des grandes missions du Président de la République que de veiller aux intérêts des Français expatriés. A chacun de mes voyages, je ne manque jamais de les rencontrer. D'abord, parce qu'ils assurent pour une large part la présence et le rayonnement de notre pays dans le monde. Ensuite, parce que, à côté de notre réseau diplomatique et consulaire, ils sont une source précieuse d'informations sur la situation dans les pays, sur l'état de nos relations avec eux, sur les perspectives d'avenir et, bien entendu, sur la meilleure manière de progresser.

Qu'ils soient entrepreneurs ou collaborateurs de nos entreprises, enseignants, médecins ou personnels soignants, chercheurs, techniciens, coopérants, religieux, acteurs de notre politique culturelle, bref, dans tous les domaines, ils portent l'image de la France. Ils renforcent l'attraction et la crédibilité de notre pays.


Choisir de partir, c'est se lancer à l'aventure. Une aventure pleine de promesses mais semée d'embûches. Une aventure où il faut faire preuve de compétence, de professionnalisme et d'une vraie faculté d'adaptation pour s'imposer dans un milieu où tout est nouveau, où tout est différent. Une aventure où il faut vraiment se battre et donner le meilleur de soi. Et puis, une aventure où il faut pouvoir compter sur la solidarité des autres Français. A l'étranger, être solidaire, appartenir à une communauté forte et bien organisée, capable de se défendre, de faire valoir ses intérêts et ses droits, c'est primordial.

C'est le rôle de vos représentants, sénateurs des Français de l'étranger et délégués au Conseil Supérieur des Français de l'étranger, de porter, jusqu'au plus haut niveau de l'Etat, vos demandes et vos besoins. Et, je peux en porter témoignage, ils le font avec coeur, intelligence et efficacité.

C'est aussi le rôle de vos associations, véritables chevilles ouvrières de notre présence à l'étranger. Qu'il me soit permis de saluer tout particulièrement l'Union des Français de l'Etranger, l'une des plus actives et des plus anciennes associations de Français expatriés.

Chaque jour, nos associations d'expatriés apportent, à ceux qui arrivent et à ceux qui ont des problèmes, les conseils, l'orientation, les contacts avec les administrations locales, le soutien lors des démarches à entreprendre. Elles apportent aussi une aide matérielle précieuse, en particulier à nos compatriotes qui vivent dans des situations de grand dénuement. Souvent, il s'agit de Français par la naissance et totalement intégrés à leur communauté d'accueil, ayant parfois perdu tout lien avec notre pays et qui ignorent jusqu'aux dispositifs de solidarité dont ils peuvent bénéficier. Là, les associations sont présentes et irremplaçables.

Avec aussi, bien sûr, l'ensemble de notre réseau diplomatique et consulaire, auquel je veux rendre hommage. C'est aujourd'hui l'un des plus denses du monde. Grâce à lui, nos ressortissants jouissent d'une protection et d'une assistance parmi les meilleures, même si l'on peut apporter telle ou telle amélioration.


Je pense notamment à la sécurité des Français en zones de tensions ou de conflits. Les situations de crises dans lesquelles la France est intervenue pour identifier, extraire, regrouper, rapatrier le cas échéant ceux de nos compatriotes qui étaient exposés au danger, nous enseignent que le premier geste, celui de l'enregistrement auprès de nos représentations diplomatiques ou consulaires, peut être le geste qui sauve. C'est aussi l'enregistrement qui permet, en cas de catastrophe ou d'attentat, d'organiser des secours d'urgence et d'informer les proches de nos expatriés. Voilà pourquoi il faut résolument inciter nos compatriotes à se faire enregistrer.

Autre priorité pour nos postes en pays à risques : renforcer, en liaison avec les élus des Français de l'étranger et leurs associations, les moyens de prévention et d'alerte, prévoir des plans d'évacuation et les diffuser auprès de tous, mettre en place des procédures d'alerte radio, organiser, par l'îlotage, la solidarité entre nos compatriotes, appeler si nécessaire l'attention des autorités locales sur la sécurité des Français.

Enfin il faudra donner une réponse à la lancinante et douloureuse question de l'indemnisation. Il y a quatre ans, fêtant avec le Conseil Supérieur des Français de l'Etranger son cinquantième anniversaire, j'avais parlé déjà d'un mécanisme d'assurance prenant en compte la situation difficile de celles et de ceux qui ont dû rentrer en France en ayant tout perdu dans les crises. C'est un problème ancien auquel nous ne sommes pas encore parvenus à apporter des solutions concrètes. Mais on ne doit pas se résigner. Ne baissons pas les bras. Aux difficultés de l'installation à l'étranger ne doivent pas s'ajouter la précarité et l'inquiétude.


Un autre problème que rencontrent beaucoup de Français expatriés, est celui de la couverture sociale, c'est-à-dire la santé et les retraites. J'avais été profondément choqué, en arrivant à Matignon en 1974, de voir que les Français, qui osaient l'expatriation, ne bénéficiaient d'aucune couverture sociale. Au vu des conclusions du rapport Bettencourt que j'avais demandé, la loi du 31 décembre 1976 a créé la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger. Aujourd'hui, nous devons améliorer ce système. Et faire en sorte notamment que la dotation reçue par la Caisse des Français de l'étranger prenne en charge une partie des cotisations de nos compatriotes aux revenus modestes.

Mais nous devons être beaucoup plus ambitieux. Le fossé n'a cessé de s'élargir entre Français de France et Français de l'étranger à mesure que notre pays créait ou augmentait les allocations et minima sociaux. Pour nos expatriés, pas d'allocations familiales, ni de revenu minimum d'insertion, ni de couverture maladie universelle, et une assurance chômage à part. Eh bien, il faut que l'on rapproche enfin la protection sociale de nos expatriés de celle des Français de métropole. C'est une question d'équité.

Enfin nous ne pouvons pas laisser dans la détresse ceux de nos compatriotes expatriés qui se trouvent privés de retraite après avoir régulièrement cotisé, et, pour certains, toute une vie. C'est une situation inacceptable. Nous devons agir auprès des Etats dont les caisses ne versent pas les retraites. Beaucoup de ces Etats sont des partenaires proches de la France. Je crois que nous pouvons nous entendre. La situation des retraites doit être l'un des axes de notre politique de coopération. Quant aux situations les plus urgentes, c'est la solidarité nationale qui doit prendre le relais. Nos efforts doivent porter en particulier sur les moyens alloués aux fonds d'aide sociale mis à disposition de nos ambassades.




S'il est un domaine où nous devons améliorer concrètement la situation de nos expatriés, ce sont les conditions de vie sur place. Les situations sont évidemment inégales selon les pays et les infrastructures locales.

Je pense à la santé, aux difficultés de se faire soigner dans certaines zones ou certaines régions, notamment si une hospitalisation est nécessaire.

L'une des solutions est la généralisation et l'encouragement aux assurances-rapatriement personnelles. Mais cette solution ne répond pas aux situations d'urgence, aux pathologies qui nécessitent une prise en charge immédiate. Dans ces cas-là, il faut pouvoir compter sur des secours proches et efficaces. Il faut donc, dans certains pays, je pense notamment à l'Afrique, réactiver et renforcer les réseaux de dispensaires qui sont les mieux à même d'apporter le secours immédiat.


Une autre responsabilité incombe aux pouvoirs publics : celle de l'enseignement et de la scolarisation des jeunes Français qui vivent à l'étranger. Nous pouvons être fiers de notre réseau d'établissements scolaires. Il est, de loin, le tout premier dans le monde. Mais, ne nous voilons pas la face, il est en difficulté.

Notre ministère de l'Education Nationale doit donc s'impliquer davantage aux côtés du Quai d'Orsay. Il s'agit de garantir aux familles la qualité de l'enseignement dispensé à leurs enfants. Il s'agit d'assurer aux enseignants une égalité de traitement en matière de formation. Il s'agit aussi de développer l'accès aux nouvelles technologies. Elles sont essentielles pour utiliser toutes les ressources d'Internet, et aussi pour aider les enfants qui, trop éloignés géographiquement, ne peuvent être scolarisés dans un établissement français.

Notre réseau doit également être accessible à tous, ce qui pose le problème des frais de scolarité. L'Etat doit s'engager davantage. Pour maintenir des coûts de scolarité raisonnables et réalistes. C'est possible, par exemple, en remplaçant les professeurs issus du Service National par des Volontaires civils internationaux, candidats à une première expérience de l'enseignement à l'étranger. Il faut aussi une refonte audacieuse du système de bourses. Avec, notamment la création de bourses du mérite, pour permettre aux meilleurs bacheliers qui en ont besoin de poursuivre des études supérieures. L'expatriation, qui est déjà rude en soi, ne doit pas se faire au prix du handicap scolaire une fois rentré en France.


Par ailleurs, j'ai proposé, il y a un mois, devant le Haut Conseil de la Francophonie, la création d'un grand Etablissement public chargé d'animer notre politique d'échanges culturels et de fédérer, à l'image du British Council ou du Goethe Institut, l'ensemble des implantations culturelles françaises à l'étranger. Etablissement autonome, sous la tutelle du ministère des Affaires Etrangères, qui devra donner aux réseaux culturels et à chacun des centres, sous l'autorité de l'Ambassadeur, la souplesse de gestion et la capacité de réaction qui leur font défaut.

Enfin nous devons avoir l'ambition d'une grande chaîne d'information continue internationale en français, à l'égale de la BBC ou de CNN pour les anglophones. C'est essentiel pour le rayonnement de notre pays. Et pour les expatriés, ce serait un lien vivant et immédiat avec la métropole.


Reste la question de la citoyenneté. Citoyenneté en France des Français de l'étranger, citoyenneté européenne des Français installés dans l'Union.

L'Europe avance à grands pas. Europe du marché unique. Europe de la monnaie. Europe de la défense. Europe des citoyens. Mais aussi Europe des Universités, des diplômes et des filières professionnelles. D'ores et déjà, les ministres européens en charge de l'enseignement supérieur ont entrepris la liste des diplômes reconnus dans tout l'espace européen. Ils ont commencé d'unifier contenus et appellations. C'était l'une des principales attentes des Français installés dans l'Union. Je sais que cette question de la reconnaissance des formations reste une préoccupation pour tous.

Nous devons également progresser vers une meilleure reconnaissance mutuelle des actes d'état civil et de certains documents administratifs, pour qu'ils ne soient plus contestés, comme ils le sont encore trop souvent ; progresser aussi vers l'harmonisation du droit de la famille et la reconnaissance, dans tout l'espace européen, des décisions de justice. Je pense bien sûr aux situations où des parents séparés se disputent la garde des enfants. Situations douloureuses et qui conduisent parfois à des drames, insupportables au sein de notre espace européen.

Mais le premier attribut de la citoyenneté, c'est l'exercice de la souveraineté. Vous le savez, je milite depuis longtemps pour que le mode de scrutin européen rapproche davantage les électeurs de leurs représentants au Parlement de Strasbourg. Parmi les possibilités envisagées, un scrutin par liste régionale permettrait, en réservant une liste aux Français de l'étranger, d'assurer leur représentation spécifique.

Et pour que tous nos expatriés se fassent mieux entendre, nous devons renforcer la représentativité du Conseil Supérieur des Français de l'Etranger, lien essentiel entre la République et ses citoyens expatriés. Ainsi pourra-t-il encore mieux remplir ses missions. J'évoquais à l'instant l'effort de notre réseau consulaire pour enregistrer nos compatriotes. Ils sont encore trop nombreux à être absents des listes électorales. C'est aussi cela l'enjeu de l'immatriculation. A l'étranger, comme en France, nous devons renouer avec l'esprit républicain. Que tous les Français de métropole, de l'outre-mer et de l'étranger, se retrouvent à l'occasion de ces grands moments qui rythment notre vie nationale : les élections.




Voilà, Mesdames et Messieurs, dans quelles directions nous devons travailler ensemble. Et d'abord, bien écouter ce que les Français de l'étranger ont à nous dire. Par reconnaissance, tant ils apportent de talent, de compétences, de dévouement au service de notre pays. Et parce que, de leur présence, dépend pour une large part la place et le rayonnement de la France dans le monde.

Et c'est sur ce sujet que je voudrais conclure. Les Français, nous le savons, doivent faire face à bien des problèmes. Mais, au-delà de leurs problèmes quotidiens, les Français sont fiers de leur pays. Ils veulent que la France soit au premier rang en Europe. Qu'elle rayonne dans le monde. Qu'elle soit respectée et écoutée. A juste titre ils exigent d'être représentés sur la scène mondiale avec autorité et avec dignité.

Pour cela, il faut du courage. Il faut des convictions. Il faut la capacité de les mettre en oeuvre dans un monde complexe qui n'accorde pas le pardon aux erreurs de jugement ou de comportement.

Cette capacité, c'est d'abord celle d'une vision politique du monde et des événements. Une vision politique ne signifie pas une vision dogmatique, car il faut comprendre tous les aspects de la réalité et s'adapter à leur évolution. Il faut faire en sorte que la France soit forte pour qu'en toute circonstance elle reste fidèle à ses principes d'humanisme, de générosité et de respect du droit, principes qui doivent fonder son action extérieure.

Depuis de nombreuses années, j'ai pris le pouls des évolutions du monde. J'ai mesuré combien le message de la France était attendu, combien sa voix portait loin lorsqu'on savait la faire entendre. C'est ainsi que, jour après jour, j'ai agi avec détermination pour défendre les intérêts de notre pays.

C'est ainsi que j'ai été amené à donner un coup d'arrêt à l'enlisement de notre politique dans les Balkans, marquée par trop d'années de compromission. C'est avec la même volonté que j'ai imposé le respect du rôle des Nations Unies lors du Sommet de l'OTAN à Washington en avril 1999. C'est en étant convaincu des bienfaits de la mondialisation, mais en ayant conscience des dangers de ses excès, que j'ai inscrit ce sujet, dès 1996, à Lyon, au coeur des travaux du G7. C'est pour mieux assurer notre sécurité que j'ai voulu l'Europe de la Défense. Elle supposait en parallèle la mise en place d'un pilier européen au sein de l'OTAN. Ce fut fait en 1996. Répondre aux besoins de la France de demain exige d'avoir une vision claire des enjeux du monde d'aujourd'hui.

Je vous assure de ma volonté de poursuivre dans cette voie, de porter haut et fort les intérêts de la France. De lui donner les moyens de ses ambitions et de ne pas hypothéquer la sécurité des générations qui nous suivront en cédant aux facilités du moment.

Ainsi, s'agissant de la défense de la France, j'ai fait le choix d'une armée professionnelle. C'était un choix fondamental, adapté au monde moderne et aux nouvelles menaces.

Le cadre, les modalités et les moyens de cette réforme ont été fixés par la loi de programmation militaire que j'ai fait voter en 1996. Je regrette que cette loi n'ait pas été respectée sur le plan budgétaire et que la modernisation de notre défense en ait été retardée.

Je l'ai dit inlassablement, directement au Gouvernement et à plusieurs reprises publiquement. Là aussi un redressement est indispensable.

En vous retrouvant aujourd'hui, Mesdames, Messieurs, je voulais saluer à travers vous ces deux millions de français qui ont choisi de vivre à l'étranger. Je voulais leur dire que nous pensons à eux comme, je le sais, ils ne cessent de penser à la France. Cette France que certains n'ont pas vue depuis de longues années mais qui est toujours si présente dans leur coeur.

Monsieur le Président du Sénat, Mesdames, Messieurs, je vous remercie.





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