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1.3. External activities of constituent units
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CHARLES-ETIENNE LAGASSE
 
 
 
Deputy of General Minister on the international relations of Wallonie region and French community of Belgium (Brussels, Belgium). Presentation in French. Ch.-E. Lagasse was presented the report of M. Philippe Suinen.

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CHARLES-ETIENNE LAGASSE

Directeur général adjoint pour les Relations Internationales de la Wallonie et de la Communauté française de Belgique (Bruxelles, Belgique)

 

Fédéralisme et gestion des relations internationales en Belgique francophone

 

(Ch.-E. Lagasse was presented the report of M. Philippe SUINEN)

 

La Belgique s’inscrit parmi les quelque 33 pays, regroupant environ 40 % de la population mondiale, qui présentent des caractéristiques fondamentales du fédéralisme.

 

En terme de classification par rapport aux différentes déclinaisons possibles du fédéralisme, la Belgique répond plus au schéma de « fédération » que de « système politique fédéral ». Dans ce dernier schéma, coexistent deux (ou plusieurs) niveaux de gouvernement combinant des éléments :

 

-  d’une part, de décisions normatives prises en commun par des institutions communes ;

-  d’autre part, de processus normatif régional autonome.

 

Il nous semble qu’en Belgique, les entités fédérées participent insuffisamment à l’élaboration de la norme fédérale pour pouvoir s’inscrire complètement dans ce schéma. Par contre, nous répondons sans problèmes aux éléments de base de la « fédération », où ni le pouvoir fédéral, ni les entités fédérées ne sont constitutionnellement subordonnés l’un à l’autre, chacun disposant de pouvoirs souverains[1].

 

Mais la Belgique constitue une exception au niveau mondial en ce qu’elle a poussé très loin, pour ce qui concerne les relations internationales, la logique de l’autonomie, l’un des principes de base du fédéralisme. Les affaires étrangères, en termes de répartition des compétences, sont, dans pratiquement tous les modèles, détenues par le pouvoir fédéral. Dans quelques cas toutefois, cette situation est limitée par la nécessité d’une consultation (Inde, Malaisie) ou d’un accord (Allemagne) lorsque les traités à conclure affectent les compétences de gouvernements fédérés.

La Belgique constitue ainsi le seul exemple clair du transfert d’une partie de la compétence « affaires étrangères » à des entités fédérées.

 

En d’autres termes, l’équation belge se présente comme suit : qui est compétent pour une matière dans l’ordre interne l’est également dans l’ordre international, qu’il s’agisse du pouvoir fédéral ou des pouvoirs fédérés. Ce principe n’est bien entendu praticable que dans le cadre d’un système de répartition claire des compétences entre pouvoirs fédéral et fédérés ; lesdites compétences sont en outre exclusives et exercées avec la même force (équipollence des normes) selon qu’elles sont gérées par le fédéral ou les fédérés[2].

 

Une première grille d’analyse m’amènera à présenter cette situation par rapport aux principes de base du fédéralisme. Je commenterai ainsi l’organisation et le fonctionnement qui ont donné vie à ces compétences et pouvoirs, avant d’en mentionner les forces et faiblesses.

 

Le fédéralisme constitue l’un des modes les plus démocratiques d’organisation de la société. C’est le système laissant au citoyen le moins d’occasion de se laisser dépersonnaliser et « massifier »[3]. Il paraît logique qu’à l’ère de la mondialisation et de l’interdépendance, les relations internationales, en tant que champ institutionnel de compétences, ne soient pas considérées de manière monolithique et exclusivement fédérale : cela présenterait le risque, par le biais d’accords et engagements internationaux à effet direct, de restreindre, voire anéantir, les compétences internes dont disposent les entités fédérées. Au contraire, donner des pouvoirs internationaux aux entités fédérées garantit, en résultat, que soient menées des politiques plus proches des besoins et préoccupations de leurs concitoyens. En outre, cela permet de déjouer d’éventuels chantages de pays voisins qui, comme cela a été le cas en Belgique avec son voisin du Nord, liaient l’autorisation d’amélioration de l’accès au grand port d’une Région (Anvers, Flandre) à un niveau de qualité extrêmement élevé des eaux de la Meuse quittant une autre Région (la Wallonie). Sans oublier qu’autant que la fonction publique, l’informatique ou le budget, les relations internationales sont surtout à considérer plus comme un instrument de mise en œuvre des compétences que comme une compétence en soi.

 

Mais qui dit fédéralisme ne dit pas indépendance et il a fallu tenir compte de deux difficultés : d’une part, le fait que les organisations internationales, de même que l’Union européenne, n’accordent qu’un siège aux Etats membres, sans tenir compte des entités fédérées[4] – le fédéralisme belge étant bâti, par matière, sur trois composantes. D’autre part, la vie internationale, particulièrement multilatérale, n’est pas organisée en fonction de la répartition interne des compétences que s’est donnée la Belgique : il a donc fallu organiser des procédures particulières pour la négociation et la signature des traités dits mixtes, qui concernent aussi bien la compétence du pouvoir fédéral que des entités fédérées[5]. Ces questions seront également développées ci-après à l’occasion de l’évocation des principes de base du fédéralisme.

 

1.  L’autonomie : selon ce principe, chaque composante est dotée des compétences

et pouvoirs exclusifs, nécessaires à la réalisation des buts qui sont les siens. Ainsi, la construction institutionnelle belge comprend une liste exhaustive de matières constituant les compétences exclusives des entités fédérées, Régions ou Communautés. Ces domaines de compétences, intimement liés et nécessaires au développement d’une population, peuvent être présentés en cinq grandes catégories :

 

(a)  le cadre de vie, avec l’aménagement du territoire, le logement, l’environnement, les travaux publics, l’infrastructure, les transports (à l’exception du ferroviaire et de l’aéroport de Bruxelles-National), l’eau et les ressources naturelles ;

(b) l’économie et l’emploi, ce qui inclut l’initiative économique publique, les aides non fiscales aux entreprises, l’attraction des investisseurs étrangers, l’agriculture, le tourisme, le placement des travailleurs et les programmes de remise au travail, la formation professionnelle, l’énergie non nucléaire, la recherche scientifique appliquée et la politique des débouchés et des exportations ;

(c) le fonctionnement des pouvoirs locaux, à savoir les provinces, communes et associations intercommunales, ce qui vise notamment leurs financements et l’exercice de la tutelle sur leurs actes ;

(d) l’éducation et la culture, en ce compris la radio-télévision ;

(e) l’aide sociale (mais non la sécurité sociale), avec notamment l’aide aux personnes, la politique de l’enfance et de la famille, l’accueil et l’intégration des immigrés, la politique du 3ème âge et des handicapés ainsi que l’éducation sanitaire, la médecine préventive et la politique de dispensiation des soins de santé.

 

Le principe de l’autonomie est donc appliqué en Belgique jusqu’au domaine international, avec des procédures propres d’approbation parlementaire. Cela revient à dire que l’Etat fédéral est dépossédé de toute capacité de négocier et conclure des traités se rapportant exclusivement par exemple à l’aménagement du territoire, à la formation ou à la culture.

 

Un bémol est toutefois à émettre pour tempérer la généralité de ce principe : il concerne la coopération au développement. Cette matière peut être considérée comme concurrente en ce sens que le pouvoir fédéral y dispose toujours de compétences et pouvoirs, n’ayant transféré aucun moyen financier dans ce domaine aux entités fédérées. Cela n’a pas empêché les entités fédérées de mettre en œuvre leurs compétences dans des pays en développement, concrétisant ainsi leurs valeurs de solidarité internationale.

 

Pour être complet, il faut signaler que le rapport budgétaire, en matière de financement d’actions de coopération au développement est grosso modo de 15 fédéral pour 1 fédérés. On peut s’étonner du caractère hétéroclite de cette situation puisque la coopération éducative ou culturelle devient soudain une possibilité pour l’Etat fédéral... une fois que l’on passe le Détroit de Gibraltar.[6]

 

2.  La participation : ce principe amène les composantes fédérées à participer à la constitution et à l’activité des organes fédéraux, notamment de l’une des chambres de son pouvoir législatif. On notera à ce propos le caractère inachevé du fédéralisme belge puisque le Sénat ne comprend pas que des représentants des entités fédérées. Ceux-ci y sont même minoritaires. Par contre, l’obligation de parité linguistique au niveau du Conseil des Ministres fédéral peut être considérée comme reflétant même très imparfaitement ce principe, toutefois mieux concrétisé par le Bundesrat allemand.

 

L’illustration la plus claire du principe de participation en matière internationale concerne la Conférence interministérielle de Politique étrangère (C.I.P.E.).

 

Il s’agit d’un organe de concertation où siègent les Ministres chargés des relations internationales aux niveaux fédéral et fédéré. Il a été décrit comme « le lieu central du pilotage des relations extérieures des différentes composantes de l’Etat belge »[7].

 

Cette Conférence interministérielle a en tout cas un rôle multiforme :

 

-  contribuer à une politique étrangère belge respectueuse de la diversité interne

du pays et des préoccupations de ses composantes fédérées ;

-  harmoniser les points de vue sur les grands thèmes internationaux ;

-  organiser la complémentarité des actions respectives ;

-  prévenir et régler les éventuels conflits d’intérêt ;

- de manière plus basique, échanger les informations.

 

L’activité de cette Conférence interministérielle traduit bien l’une des caractéristiques du fédéralisme belge : la diversité autorégulée.[8]

 

Ce mode de fonctionnement amène régulièrement les entités fédérées à préparer et adopter des positions communes face au pouvoir fédéral, ainsi qu’à développer des actions communes. L’interrégional n’est pas le retour au fédéral, mais bien l’expression de cette diversité autorégulée ayant intégré la valeur ajoutée d’une meilleure proximité avec le citoyen. C’est aussi l’illustration de ce qui a été qualifié, dans d’autres pays, de « fédéralisme sans Berne » ou de « federalism without Washington ». Plus globalement, cela revient à confirmer que la Belgique vit plus un fédéralisme de coopération que de compétition (encore moins de collision), et ce dans la préocupation de pouvoir à la fois offrir un meilleur service aux citoyens et développer des relations plus fortes avec des partenaires étrangers.

 

Les principes porteurs de la Conférence interministérielle de Politique étrangère (C.I.P.E.) inspirent également les règles de l’activité de ce que l’on peut considérer comme l’une de ses « filiales », en l’occurrence la coordination européenne, qui regroupe les représentants administratifs et politiques des pouvoirs fédéral et fédéré. Comme la Belgique (et non pas l’une ou l’autre de ses entités fédérées) ne dispose que d’un siège en Conseil des ministres européen, des modalités d’organisation ont dû être mises au point pour le processus de définition de la position belge et pour le représentation de la Belgique au sein des Conseils. Les compétences de l’Etat fédéral et des entités fédérées y sont assez souvent concernées en même temps et il faut de toute façon un président de délégation qui exprime les positions. Un accord de coopération conclu le 8 mars 1994, complété en 2003, a arrêté les principes suivants :

 

·  la coordination administrative entre l’Etat fédéral et les entités fédérées est assurée au sein du ministère fédéral des Affaires étrangères, qui exerce le secrétariat des réunions et la présidence de celles-ci ;

·  si un désaccord persiste en coordination administrative quant à la définition de la position à prendre par la Belgique, la Conférence interministérielle de Politique étrangère (C.I.P.E.) est saisie du problème et tranche en consensus ;

·  la position belge est communiquée par le ministre fédéral des Affaires étrangères à la Représentation permanente belge auprès de l’Union européenne ;

·  la composition des délégations belges aux différentes formations du Conseil doit faire l’objet d’une décision de la C.I.P.E., étant entendu que 6 hypothèses ont été prévues avec leur mode d’organisation : compétence fédérale exclusive ; compétence fédérale prépondérante avec implication des compétences fédérées ; compétence fédérée prépondérante avec implication des compétences fédérales ; compétence fédérée exclusive ; habilitation exclusive d’une seule entité fédérée [9]; préparation du point de vue belge par les seules entités fédérées en concertation, mais expression de celui-ci par un représentant fédéral, assisté d’assesseurs fédérés.

On trouvera ci-après les différents cas de figure, présentés au regard des compétences des différentes formations du Conseil des Ministres européen. Le système fonctionne sur base de la rotation entre entités fédérées (tous les 6 mois), à l’exception du Conseil agriculture, où les Régions flamande et wallonne sont systématiquement présentes (cas 6). Il fonctionne de la même manière lorsque la Belgique exerce la présidence européenne, ce qui a été le cas aux seconds semestres de 1993 et 2001 : des ministres fédérés président ainsi des Conseils.

 

CAS 1

CAS 2

CAS 3

CAS 4

CAS 5

CAS 6

 

Représentation fédérale exclusive



---------------------

Affaires générales

Ecofin

Budget

Justice

Télécommunication

Consommateur

Développement

Protection civile

 

Représentation fédérale avec un ministre assesseur des entités fédérées

--------------------

Marché intérieur

Santé

Energie

Environnement

Transport

Affaires sociales

 

Habilitation des entités fédérées avec assesseur fédéral

------------------

Industrie

Recherche

 

Habilitation exclusive des entités fédérées


-----------------

Culture

Education

Tourisme

Jeunesse

Logement

Aménagement du territoire

 

Habilitation exclusive d’une entité fédérée


-----------------

Pêche (Région flamande)

 

Représentation fédérale, assistée

par des entités fédérées et sans rotation
------------------

Agriculture (préparation par les Régions de la position)

 

3.  La subsidiarité : c’est le célèbre principe selon lequel les pouvoirs sont à situer

au niveau où ils peuvent être le plus efficacement exercés, ce qui revient à localiser les responsabilités aux niveaux où les problèmes se posent. Le principe a été suivi avec grande fidélité en Belgique puisque l’on y a créé deux types d’entités fédérées, dotées de pouvoirs semblables, mais ne recouvrant pas exactement les mêmes territoires et populations :

 

-  les Régions sont basées sur les réalités socio-économiques et ont leur territoire pleinement précisé (Région flamande, Région wallonne et Région bilingue de Bruxelles-Capitale). Ensemble, les 3 Régions recouvrent l’ensemble du territoire belge. Leurs compétences correspondent à la plupart des matières qui ont été énumérées supra en commentant le principe d’autonomie (à la notable exception de l’éducation et de la culture) ;

-  les Communautés, également au nombre de trois, recouvrent aussi à elles seules l’ensemble du territoire belge (Communauté flamande, Communauté française et Communauté germanophone – minorité linguistique de quelque 70.000 habitants, située près de la frontière allemande et intégrée dans la Région wallonne pour les matières socio-économiques). Elles sont principalement compétentes pour la culture et l’éducation, les Communautés flamande et française étant actives, l’une comme l’autre, sur le territoire de la Région bilingue de Bruxelles-Capitale.

 

On dit ainsi que les Communautés sont rattachées aux personnes, alors que les Régions le sont plus au territoire.

 

Chacune des six entités fédérées précitées sont, rappelons-le, autonomes. Elles disposent de leur propre gouvernement, responsable devant leur propre assemblée parlementaire disposant du pouvoir decrétal. Mais la simple présentation qui vient ainsi d’être faite indique la triple complémentarité entre la Communauté française et la Région wallonne :

 

· la Communauté française recouvre le territoire de la Région wallonne, à l’exception de quelques communes relevant de la Communauté germanophone ;

· les compétences de l’une et de l’autre sont interdépendantes et gagnent, pour l’efficacité, à être gérées en concertation (pensons notamment au binôme éducation-formation professionnelle) ;

· toutes deux sont francophones et manifestent leur solidarité avec les Bruxellois francophones [10] par la présence de ceux-ci dans la Communauté française.

 

Autant la subsidiarité justifie ce type de superposition institutionnelle, autant la cohérence impose des coordinations et mises en commun. C’est ce qui s’est passé en matière de relations internationales : organisation d’une administration unique, conclusion de 27 traités bilatéraux liant conjointement la Région et la Communauté avec un Etat étranger, unification des commissions mixtes de mise en œuvre de ces traités…

 

4.  La suprématie du droit : ce quatrième principe de base du fédéralisme assure le respect de l’ordonnancement ainsi établi grâce à l’indépendance et à l’action des tribunaux et de la Cour suprême (en Belgique, principalement de la Cour d’Arbitrage et du Conseil d’Etat).

 

En matière de relations internationales, l’Etat fédéral et les entités fédérées ont instauré un ordre juridique qui leur est commun et qui vise la mise en oeuvre de leurs compétences. L'objectif principal en est de sauvegarder la cohérence entre les différents pouvoirs tout en maintenant une politique étrangère du pays. C’est pourquoi plusieurs dispositions ont été prévues dans ce sens :

 

l’obligation pour les Gouvernements fédérés d’informer le Roi de leur intention d’entamer des négociations en vue de la conclusion d’un traité ;

la possibilité pour le Roi de suspendre la conclusion d’un traité sur base d’au moins l’un des quatre critères objectifs suivants :

 

·  la partie contractante n’est pas reconnue par la Belgique ;

·  la Belgique n’entretient pas de relations diplomatiques avec elle ;

·  les relations entre la Belgique et celle-ci sont rompues, suspendues ou gravement compromises ;

·  le traité envisagé est contraire à des obligations internationales de la Belgique ;

 

(c) la responsabilité de la Conférence interministérielle de Politique étrangère (C.I.P.E.) pour qualifier un traité de mixte. Ces traités sont à négocier et à signer à la fois par le ministre belge des affaires étrangères et les ministres fédérés ;

(d) le règlement d’une problématique particulièrement délicate, celle de la mise en œuvre de la responsabilité internationale de l’Etat fédéral du fait du non-respect d’obligations internationales par une ou des entités fédérées. Le pouvoir fédéral peut ainsi se substituer temporairement à une entité fédérée si celle-ci a été condamnée par une juridiction internationale ou européenne pour non-respect d’une obligation relevant du droit international. Cette possibilité n’existe toutefois que trois mois après la mise en demeure de l’entité fédérée concernée par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres fédéral.

 

La logique de cette disposition apparaît clairement : comme la responsabilité de l’Etat fédéral peut être mise en cause en droit international du fait des entités fédérées, il peut intervenir si celles-ci ne se mettent pas en règle. Son intervention de substitution est toutefois, dans la même logique, automatiquement remplacée par les mesures que prennent les entités fédérées pour se mettre en confirmité avec le droit international. On comprend aussi aisément que cette possibilité d’intervention n’existe pour l’Etat fédéral que si l’entité fédérée concernée a été associée à l’ensemble de la procédure de règlement du différend.

 

*   *   *

 

Au niveau de l’organisation, la structure administrative de base est constituée par « Wallonie-Bruxelles International », regroupement de fait de deux services de statuts différents et relevant de pouvoirs différents :

 

-  d’une part, le Commissariat général aux Relations internationales (C.G.R.I.) de la Communauté française, organisme d’intérêt public doté d’une personnalité juridique propre et relevant de l’autorité politique du Ministre des relations internationales de la Communauté. D’après son décret constitutif de 1982, le Commissariat est chargé de la préparation des relations internationales et de l’exécution des tâches qu’elle comporte. Il établit annuellement un rapport qui est examiné dans les six mois de son dépôt par la commission des relations internationales du Parlement de la Communauté[11]. Il correspond librement et directement avec les autorités et institutions publiques et privées, belges et étrangères. Dans le cadre de ces missions, il peut faire appel à l’assistance des postes diplomatiques belges, avec lesquels il peut correspondre directement ;

-  d’autre part, la Direction générale des Relations extérieures (D.G.R.E.) du Ministère de la Région wallonne, service non pourvu de personnalité juridique et intégré dans un ministère classique. Cette Direction générale ne dispose pas d’une autonomie comparable à son homologue communautaire, mais a un rôle similaire pour ce qui concerne les compétences régionales.

 

Conformément aux déclarations politiques des deux Gouvernements, les deux services ont été fusionnés de fait par un organigramme unique basé principalement sur la grille géographique, avec le support des services sectoriels et logistiques. Quelle que soit son administration d’origine, chaque agent de cette entité unique gère aussi bien des matières régionales que des matières communautaires. La direction de l’ensemble est, elle aussi, unifiée.

 

Cette entité administrative unique, appelée « Wallonie-Bruxelles International » (W.B.I.) compte des représentants à l’étranger, constitués en réseau à l’instar des ambassades des Etats, fédéraux ou non. Un protocole d’accord fédéral-fédérés du 25 juillet 1988 règle la question. Selon ce document, la Communauté et la Région, conjointement ou séparément, peuvent désigner des représentants à l’étranger ou auprès d’organismes internationaux. Ces délégués sont intégrés dans les ambassades, consulats ou représentations permanentes belges selon le cas et sont placés sous l’autorité diplomatique du chef de poste. Par contre, ils sont placés sous l’autorité fonctionnelle de la Communauté et/ou de la Région et reçoivent directement leurs instructions de celles-ci. La Communauté française et la Région wallonne ont appliqué conjointement ce texte en se dotant d’un seul réseau – commun – de représentants dotés du statut diplomatique : Paris, Genève, Berlin, Prague, Varsovie, Bucarest, Rabat, Alger, Tunis, Dakar, Kinshasa, Québec, Santiago du Chili, Hanoï, ainsi qu’une délégation auprès de l’Union européenne et des délégués chargés des droits de l’homme et des questions audiovisuelles internationales.

 

« Wallonie-Bruxelles International » compte également un autre réseau – informel celui-là – de représentants sous la forme de 110 lecteurs et enseignants de français, liés par contrat et placés auprès d’écoles, lycées bilingues ou universités (Louisiane, Espagne, Portugal, Italie, Republique tchèque, Slovaquie, Hongrie, Pologne, Lituanie, Lettonie, Estonie, Slovénie, Roumanie, Bulgarie, Moldavie).

 

On peut assimiler « Wallonie-Bruxelles International » à un ministère des Affaires étrangères. Ses activités s’y apparentent. Elle compte deux « filiales » sectorielles ainsi que quatre bureaux communs avec le Ministère de la Communauté française.

 

Les « filiales » sectorielles sont l’Agence wallonne à l’Exportation (AWEX) et l’Association pour la Promotion de l’Education et la Formation à l’étranger (APEFE) :

 

-  l’ Agence wallonne à l’Exportation (AWEX) est chargée de l’accompagnement et de la promotion des entreprises wallonnes exportatrices. Elle est dotée d’un Conseil d’Administration où l’on retrouve paritairement des représentants du Gouvernement wallon et des partenaires sociaux (organisations patronales et syndicales). Certifiée ISO 9001 éd. 2000, elle compte 94 bureaux commerciaux dans le monde, au service des entreprises wallonnes exportatrices (information et accompagnement). Leurs titulaires sont également dotés du statut diplomatique. L’AWEX est liée, par contrat de gestion, au Gouvernement wallon : ledit contrat fixe des objectifs ainsi qu’un financement résultant du degré de réalisation desdits objectifs. Un récent décret du Parlement wallon lui fait absorber, au 1er juin 2004, le bureau wallon chargé de la prospection et de la promotion des investissements étrangers (OFI - Office for Foreign Investors). En outre, l’AWEX vient de créer avec la société publique SOWALFIN, spécialiste des PME, une filiale commune chargée du cofinancement (capital, prêts, garantie) des investissements internationaux d’entreprises wallonnes ;

-  L’Association pour la Promotion de l’Education et de la Formation à l’Etranger (APEFE) constitue le centre d’expertise technique spécialisé dans la coopération au développement. Bénéficiant d’un financement du pouvoir fédéral, mais gérée par « Wallonie-Bruxelles International » au départ principalement des compétences communautaires, l’association compte 12 bureaux de coordination et quelque 130 coopérants et experts dans les pays en développement liés bilatéralement à la Région (Maroc, Palestine, Sénégal, Bénin, Burkina Faso, République Démocratique du Congo, Rwanda, Burundi, Bolivie, Haïti, Vietnam).

 

La direction de ces « filiales » a été unifiée avec celle de « Wallonie-Bruxelles International ».

 

Quatre bureaux communs ont été constitués avec le Ministère de la Communauté française :

 

-  trois sont consacrés à la promotion internationale des industries culturelles (cinéma, théâtre et musique) ;

-  la quatrième sert de base logistique pour les échanges internationaux de jeunes (2.500 échanges organisés chaque année).

 

*   *   *

 

En guise de brève conclusion et sans aucun prosélytisme de transposition, on peut dire que ce « parti pris » de l’internationalisation institutionnelle des entités fédérées belges a donné quelques résultats heureux :

 

pour les partenaires étrangers : un contact direct avec les responsables et experts de matières bien déterminées ainsi qu’une possibilité d’éviter les lourdeurs formalistes de relations internationales classiques ;

pour le citoyen belge : une meilleure proximité avec la vie internationale, ses enjeux et les priorités à donner à la politique. On citera, comme illustration de ce dernier élément, la mise en place d’un Conseil Wallonie-Bruxelles de la Coopération internationale, où sont représentées les O.N.G., les universités, les organisations syndicales…

Cette proximité décisionnelle a pour effet de mieux « mettre le monde dans la tête » des Wallons et des Bruxellois francophones, concrétisant ainsi la notion d’internationalisation militante ;

pour la Belgique : une garantie de politique équilibrée, faisant la fusion positive entre les différentes sensibilités et renforçant le pays par sa diversité.

 

Mais il y a également au moins deux points faibles dont il faut tenir compte :

 

les difficultés de visibilité internationale pour les entités fédérées, liées notamment à l’incompréhension (ou la perplexité) de chancelleries et diplomates étrangers face à cette politique internationale plurielle. Certes, la situation s’améliore mais nécessite encore de gros efforts en termes de campagne internationale d’identification ;

le risque, au niveau des entités fédérées, de pratiquer l’incantation plus que l’action, décrédibilisant en cela les compétences et pouvoirs dont on dispose. Mais il s’agit là d’un élément plus historique qu’autre chose :les entités fédérées, pour des raisons d’efficacité, ont limité le nombre de leurs partenaires bilatéraux en réduisant en outre le nombre de secteurs prioritaires. A la tentation de signer un texte creux pour montrer qu’on existe internationalement a succédé depuis longtemps la volonté de construire concrètement avec son partenaire.

 

En toute hypothèse, plusieurs ingrédients sont indispensables à la réussite du système et sont entretenus en permanence par Wallonie-Bruxelles :

 

(a) en tout premier lieu, la loyauté fédérale et la concertation, ce qui exige une discipline rigoureuse de l’échange d’information et de la définition de points de vue communs ou d’actions complémentaires. Comme c’est souvent, ainsi qu’on le dit, une « question d’hommes », il est essentiel de situer cette thématique –et cette obligation existentielle- dans la base de toute formation permanente de fonctionnaires belges ;

(b)  ensuite, la culture de l’évaluation, qui permet d’améliorer sans cesse ses performances en respectant des procédures de qualité et en paramétrisant la satisfaction des usagers et partenaires, ainsi que la visibilité ;

(c)  enfin, l’humilité ou plus simplement dit, la politesse de ne pas impliquer le partenaire étranger dans d’éventuels problèmes belgo-belges. La Belgique, pays si diversifié, a réussi son vouloir et savoir-vivre collectif sans effusion de sang.

 

Mais son fédéralisme reste évolutif. Il faut le savoir.

 

Il est souhaitable qu’il continue à constituer une source de réflexion internationale… pour tous les citoyens et gouvernants de bonne volonté en quête de pacification ou tout simplement de mieux-être.

 



[1] Ronald L. WATTS, Comparing federal systems, 2d edition, Insitute of Intergovernemental Relations, Queen’s University Kingston, Ontario, Canada, 1999

[2] Cf. Philippe SUINEN, Wallonie-Bruxelles et son expression internationale, notes du cours donné à l’Universite libre de Bruxelles (U.L.B.), février 2004, 179 p.

[3] M. MOUSKHELY, Structures fédérales, Presses d’Europe, Paris, 1964, p. 25

[4] A l’exception de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie et du Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays ayant le français en partage.

[5] On peut citer, comme exemples récents de traités mixtes, le Protocole additionnel à la Convention des Nations-Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le Traité d’Athènes sur l’adhésion des 10 pays candidats à l’Union européenne, la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique ou encore le Protocole de Göteborg à la Convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance, relatif à la réduction de l’acidification, de l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique.

[6] Une loi spéciale du 13 juillet 2001 prévoit néanmoins le principe de transfert, aux entités fédérées, de matières relatives à la coopération au développement, dans la mesure où elles se rapportent aux compétences internes. Ce texte n’a toutefois pas encore connu de mesures d’application.

[7] C.E. LAGASSE, La représentation de la Belgique dans les organisation internationales, Revue belge de Droit international, vol XXVII, 1994-1, p. 157.

[8] Ph. SUINEN, La diversité autorégulée, Politique étrangère en Belgique anno 2002, Studia diplomatica, Vol LIV 2001, N° 5-6, pp. 149-162.

[9] C’est le cas pour la pêche, seule la Région flamande disposant d’une côte maritime.

[10] Ils représentent environ 87 % de la population de la Région bilingue de Bruxelles-Capitale.

[11] Un seul rapport fusionné est un fait établi depuis 2002. Il concerne à la fois les compétences communautaires et régionales.


 
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