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Inception par Christopher Nolan : Interview, références, indices...

Par Romain LE VERN - 15 juillet 2010 - 0 commentaire(s)

Inception est une date. Dans cet été de cinéma, il ressemble à un géant ultra-puissant dans un village de nains vaincus d'avance, faute d'envergure et de démesure. C'est aussi un aboutissement extraordinaire de cohérence dans la filmographie de Christopher Nolan. Une conjonction de toutes ses obsessions (le tour de magie, l'illusion, la manipulation), de ses expériences (les scènes d'action dans les deux volets de Batman) et de ses références (la mythologie, Orphée, les conventions du film noir). Le projet Inception, initié il y a dix ans après le succès critique de Memento, ressemble à une version blockbuster de ce dernier ou encore à un épisode de James Bond réalisé par David Lynch (sans la bizarrerie ostentatoire que certains pourront reprocher au réalisateur de Mulholland Drive, mais avec une fluidité désarmante). Surtout, tous les secrets ont précieusement été conservés. S'il est préférable de ne pas trop en savoir avant de le découvrir (l'identité de chaque personnage - même si leurs prénoms servent d'indices - et surtout le coup de théâtre final), nous avons demandé à Christopher Nolan de donner quelques clés pour vous donner envie de patienter avant le visionnage de ce chef-d'œuvre absolu.

 

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"Inception est sans doute mon plus gros film"

CHRISTOPHER NOLAN

 

Comment faut-il considérer Inception dans votre filmographie?
Comme le film que j'ai toujours rêvé de réaliser. Autrement, il faut le considérer comme un film d'action situé dans le subconscient qui contient autant de surprises que de dangers. Au premier degré, Inception fonctionne comme un thriller mais, au fur et à mesure que le film progresse, on évolue de plus en plus profondément dans le monde du rêve. L'avantage, c'est qu'il fonctionne sur différents points : on peut le prendre comme un simple divertissement, avec suffisamment d'action et de rebondissements pour maintenir l'intérêt. Mais les zones d'ombre donnent à penser qu'il se joue quelque chose de plus obscur et de plus métaphysique. J'espère sincèrement contenter les attentes de différentes catégories de spectateur : les cartésiens et ceux qui aiment l'état de perte au cinéma.
 
Peut-on le voir comme une version blockbuster de Memento?
Certainement. Avec Memento, je me suis intéressé aux thèmes de la mémoire et du ressouvenir. J'avais essayé de dérouler mon intrigue à la manière d'un film noir en bouleversant les conventions narratives avec le montage et en jouant sur le suspense. A l'époque, je m'étais inspiré de Nicolas Roeg et je me souviens avoir été marqué par les flash-forward dans Ne vous retournez pas (1973). Inception s'intéresse également à ce qui se passe dans notre esprit, à la manière dont parfois on arrange la réalité, mais dans le cadre d'un film d'action au budget confortable. A chaque fois que je travaille sur un scénario, que ce soit Following, Le prestige ou Insomnia, j'essaye toujours de créer un univers onirique sans limite. Je veux toujours voir grand, comme si je réalisais un blockbuster, et en fonction de mon budget, je m'accommode. Dans Inception, je voulais créer le sentiment que ça pouvait aller partout et nulle part avant la fin, que je souhaitais marquante, pour montrer que rien n'est ce qu'il semble être.
 
C'était déjà le cas dans Memento et Le prestige : la fin tend à donner une nouvelle interprétation de tout ce qui s'est passé. Vous aimez la manipulation au cinéma?
Lorsque l'on traite du mental, il paraît difficile de ne pas évoquer la perception, la subjectivité, la réalité déformée. La manipulation est toujours liée à la nature même des projets que j'explore : ici, l'infiltration d'un esprit pour le corrompre. Dans Memento, c'est la nature même du film noir qui autorise ça. Dans Le prestige, le suspens repose sur la rivalité entre deux personnages et je souhaitais que le film soit aussi acrobatique qu'un tour de magie avec une surprise inattendue à la fin.   
 
Avez-vous des exemples de films qui ressemblent à de longs rêves éveillés?
Pour être totalement honnête, je ne pense pas avoir déjà vu un film qui ressemble intégralement à un rêve éveillé. Il y a bien le cinéma de David Lynch mais, selon moi, il ne peut se résumer à cette simple fonction. En revanche, il existe quelques brillantes représentations de ce qui se passe dans un esprit humain, en particulier chez Hitchcock qui reste mon modèle absolu. Je pense notamment à La maison du docteur Edwardes (1945), Sueurs Froides (1958) et Pas de printemps pour Marnie (1964). Même si j'adore ces films, ils restent loin de mes rêves. Pour moi, le rêve doit paraître réel et je voulais que le spectateur soit capable d'expérimenter ce monde du rêve comme s'il était réel, même si des choses bizarres se passent, comme Paris qui se retourne sur lui-même. Il fallait rester réaliste et ne pas surligner ce qui était potentiellement étrange.
 
The Prestige ressemblait à un petit film entre deux Batman (Batman Begins et The Dark Knight) alors...
Alors que Inception est sans doute mon plus gros film, oui... Plus encore que The Dark Knight. Il faut dire que c'est un projet que je traîne depuis 10 ans et que le premier acteur à m'avoir suivi dans cette aventure, c'est Léonardo DiCaprio. Il m'a soutenu depuis le début. Nous avons tourné dans six pays différents, sur quatre continents, au sommet des montagnes et sous la mer. Nous avons essayé de relever tous les défis pour réellement explorer toutes les possibilités au monde. J'ai toujours aimé les blockbusters Hollywoodiens. J'ai grandi en les regardant et pour moi, ils marchent réellement lorsqu'ils créent un univers unique permettant d'être dépaysé. C'est exactement ce que j'ai essayé de faire.
 
Propos recueillis par Romain Le Vern

 

Léonardo DiCaprio dans Inception, de Christopher Nolan : le blockbuster le plus impressionnant de ces dix dernières années

 

A VOIR AVANT INCEPTION : LES FILMS COMME DES SONGES

Quelques clefs de Inception sont dissimulées dans ces films. A vous de (les) voir.

 

paprikaint02PAPRIKA (Satoshi Kon)
Histoire : La DC Mini, un appareil révolutionnaire qui permet de visualiser les rêves des patients a été volé! Les professeurs Tokita et Chiba, inventeurs de la machine, partent à sa recherche. L'enquête vire à l'absurde lorsque les différents protagonistes commencent à tous vivre le même rêve éveillé... Atsuko Chiba et son alter égo onirique Paprika mènent l'enquête.

 

Dans le film d'animation Paprika, Satoshi Kon creuse les obsessions paranoïaques et schizophrènes de Perfect Blue, dont la substance teintée de giallo était comparable à celle des premiers De Palma. Les rêves y sont représentés de manière littérale afin que le spectateur se fonde dans les nombreux degrés de lecture sans les particularités culturelles qui peuvent rendre un film difficile à comprendre en dehors de leur pays d'origine. A un moment donné, on voit Paprika en groom d'ascenseur offrant la possibilité au même personnage de s'arrêter à différents étages, chacun représentant un genre de cinéma. La présence de l'art, comme élément indispensable pour rendre le réel supportable, est amplifiée par des effets surprenants comme lorsque Paprika se fond dans un tableau et revisite des mythes imaginaires : elle devient le sphinx d'Oedipe pour finir en sirène.


Les liens avec Inception : Christopher Nolan le cite comme l'une des principales influences et s'est inspiré du personnage principal pour peaufiner le personnage joué par Ellen Page, une architecte de l'esprit qui se prénomme Arianne (en théorie, la référence saute aux yeux).


lelocatairepic07LE LOCATAIRE (Roman Polanski)
Histoire : Trelkovsky, un employé de bureau timide, emménage dans un appartement ayant appartenu à une certaine Simone Choule. Étranger, il n'arrive pas à s'adapter au mode de vie parisien : il a peur de déranger les voisins (les collègues de bureau qui débarquent chez lui), d'être agressé (le mec éméché dans le bar), d'être manipulé (les marchands de tabac), d'être surveillé (la momie dans l'immeuble d'en face). Incapable de faire corps avec une ville aussi anonyme que monstrueuse, Trelkovsky devient impuissant à force de frustration et ne peut répondre aux avances de Stella (Isabelle Adjani), une parisienne branchée qu'il rend ambiguë. A force de retarder le passage à l'acte, le personnage perd sa virilité, son identité et voit son corps possédé par le fantôme de l'ancienne locataire. Plus le film avance, plus Trelkovski reste figé dans son appartement Icarien pour échapper au monde extérieur. Le spectateur entre dans sa tête au point de ne plus pouvoir supporter ses hallucinations (la cour de la résidence transformée en théâtre de l'absurde où l'on retrouve tous ceux qu'il a tentés de séduire). Avant de revenir au début d'un cercle infernal.


Oscillant entre la trivialité bouffonne et l'angoisse intérieure, l'architecture de ce film est inconfortable, même s'il n'est pas interdit de rire jaune. Avec trois fois rien (une musique lancinante, des regards bizarres, la manière dont les acteurs se tiennent dans le cadre, Polanski qui imite Anthony Perkins dans Le procès et Psychose), Le Locataire peut traumatiser ceux et celles qui ont connu les mêmes doutes que Trelkovski : la difficulté de trouver du chaud dans une mégalopole glacée, l'angoisse du matin blafard après une nuit arrosée, le rapport maladroit aux autres qui attendent toujours plus que ce qu'on leur donne et vous oublient une fois que vous ne leur appartenez plus.


Les liens avec Inception : Le film vécu comme un long cauchemar, l'étrangeté hétéroclite du casting, le système de boucle infernale.


laclepsydrehdLA CLEPSYDRE (Wojciech J. Has)

La Clepsydre, trip de dingue quelque part entre Svankmajer, Tarkovski et Jodorowsky qui tenait à la fois de la parabole sur la situation critique d'un pays (la Pologne) dans le début des années 70 et du voyage dans le temps (un homme revivait des souvenirs et se revoyait enfant, avec ses fantasmes, ses désirs, son ressouvenir et ses pulsions). Wojciech J. Has (Le manuscrit trouvé à Saragosse) mélange les soubresauts de l'histoire avec la chronique intimiste en changeant de lieux comme d'époque. On passe ainsi d'une séquence de guerre (le protagoniste réveille des personnages inanimés grâce à un sabir secret pour les emmener faire la guerre) à un mariage (on assiste à un banquet). Des séquences magiques comme celle, abstraite, du dîner ou, fantasmée, du livre qui s'arrache, de la tête coupée, des bulles qui pleuvent étaient dignes des plus grands moments du surréalisme et évoquent le cinéma de Serguei Paradjanov. La Clepsydre est une sorte de malédiction. Une malédiction fantastique à rendre complètement zozo qui nous enroule dans sa folie et vole au passage un bout de notre âme. C'est aussi l'une des rares fois au cinéma où l'on se dit qu'effectivement, avec une profusion de faux repères qui cherchent à faire comprendre que nous perdons progressivement le sens de la réalité, le mal tapi - qui ne dira jamais son nom - s'exprime si près de nous. Peut-être même à la périphérie du cadre.

 

Les liens avec Inception : Une linéarité et une limpidité d'une grande bizarrerie (paradoxe). Le rythme, similaire à celui d'un rêve, avec autant d'immobilité que d'accélérations.


bladerunnerdvd_16BLADE RUNNER (Ridley Scott)

Quelques années seulement après avoir réussi l'un des plus grands films de science-fiction de l'histoire (Alien), Ridley Scott a signé un autre phénomène: Blade Runner, adaptation du roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick, portée par une maestria visuelle hallucinante et deux acteurs: Harrison Ford et Rutger Hauer. Dans des décors somptueux dessinés par Lawrence G.Paull, dans un écrin apocalyptique (l'action se passe essentiellement de nuit, dans le brouillard ou sous la pluie), des personnages cherchent à comprendre leur véritable nature et tentent de résoudre tels des Sisyphe quelques grands mystères de leur existence. La dimension philosophique de ce récit d'anticipation est mise en valeur par des jeux sur les lumières (les néons bleus, les faisceaux lumineux ou des clignotements de panneaux publicitaires gigantesques) et les effets spéciaux de Douglas Trumbull (il faut souligner les véhicules perfectionnés par Syd Mead). Si les décors appartiennent au registre de la science-fiction, l'intrigue qui suinte la série noire s'apparente davantage aux canevas des films noirs des années 40 avec notamment dans le rôle principal un Harrison Ford aussi ténébreux qu'un Humphrey Bogart en flic désabusé et taciturne faussement dépassé par les événements et véritablement pourvu d'une ambiguïté morale. L'anecdote de la licorne (il rêve d'une licorne pendant ses nuits mouvementées) l'accentue, surtout avec la licorne métallique qu'il récupère à la fin. Dans le roman, le doute est levé sur son identité. L'atmosphère paranoïaque, la ville plongée dans l'obscurité et le thème de l'implantation des souvenirs dans le cerveau des gens ont sûrement inspiré Dark City, d'Alex Proyas, et la complexité thématique a servi de modèle à Ghost in the Shell de Mamoru Oshii, voire Innocence, sa suite, avec une poupée qui cligne de l'œil à la place de la licorne. 

 

Les liens avec Inception : Christopher Nolan ne s'en cache pas : Inception est son Blade Runner : travail sur la mégalopole, onirisme, ambiguïté de la fin... Si les androïdes rêvent de moutons électroniques, alors nous rêvons tous du même secret de la licorne.


element_of_crime_1L'ELEMENT DU CRIME (Lars Von Trier)

Premier long-métrage du réalisateur, The Element of Crime s'impose comme une sorte de puzzle mental aérien sépia dans lequel on suit la quête d'un tueur en série par un flic. Le premier plan, marquant, montre un étrange hypnotiseur au Caire qui prend sous traitement un individu et l'emmène dans ses contrées psy. Au fil du parcours intérieur, on découvre ce qui le turlupine et l'effraie intimement et dont lui-même n'est pas conscient. Le dernier plan de The Element of Crime est l'antithèse type du dénouement spectaculaire comme Lars Von Trier sera tenté d'en faire plus tard avec Dancer in the Dark ou même plus récemment Dogville.  Il s'agit d'un champ contre champ inattendu - aux antipodes des longs mouvements de caméra sophistiqués, des plongées et contre plongées auxquels nous avons eu droit avant - entre le héros et une bestiole. On tombe sur une impasse : c'est le retour à la vraie vie. Le voyage hypnotique n'était qu'une plongée dans les traumatismes inconscients.

 

Les liens avec Inception : La caméra qui bouge comme dans un rêve, le montage.

 

> Voir aussi l'interview exclusive de Leonardo DiCaprio
> Toutes les photos du film Inception

> Toutes les informations sur le film Inception


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