«Le vieux dictateur aurait-il, comme dans la chanson, «la mémoire qui flanche»? A moins qu'on ne lui ait caché des choses, peut-être. C'est ce qu'Augusto Pinochet suggère, sans vergogne. «Si des violations des droits de l'homme ont été commises, déclarait-il en juillet au Sunday Telegraph, elles l'ont été sans que j'en sois informé.» Lui dont la demande d'extradition vers l'Espagne formulée contre lui est examinée par un tribunal londonien depuis le 27 septembre, aurait-il oublié qu'il déclarait, en 1975, que «pas une feuille d'arbre ne bouge sans que j'en sois informé»? N'aurait-il rien su des méthodes des siens, qui ont provoqué la mort ou la disparition de quelque 3 000 personnes au Chili? Aurait-il tout oublié de l'opération Condor, cette association des dictatures latino-américaines dont il fut le maître d'?uvre et qui lui permit de pourchasser, au-delà des frontières de son propre pays, ses opposants exilés?

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Peut-être les milliers de pages que vient de déclassifier, fin juin, le gouvernement américain lui rafraîchiront-elles la mémoire. Dix jours après le coup d'Etat de Pinochet, le 11 septembre 1973, un câble de la CIA - qui n'avait pas de sympathie particulière pour le président élu Salvador Allende, renversé par la junte - déclare: «L'état d'esprit prévalent parmi les militaires chiliens est d'éradiquer une fois pour toutes tous les vestiges du communisme au Chili (... stamp out all vestiges of communism in Chile for good). [...] Et les massacres continuent... (... and the bloodshed goes on...).»

Des secrets subsistent

Ces documents américains, parfois largement expurgés, s'ils font une description sans fard de la répression, n'ont, pour l'instant, rien révélé d'inédit sur l'histoire de la dictature ou le soutien que lui ont apporté les Etats-Unis. Ceux qui restent secrets sont sans doute plus intéressants, par ce qu'ils pourraient révéler, peut-être, mais surtout par ce que suggère le seul fait qu'ils n'aient pas encore été publiés, à savoir que le vieux dictateur chilien pourrait bien intéresser, un jour ou l'autre, non pas seulement les justices espagnole, britannique, suisse ou française, notamment, mais aussi la justice américaine. Sans doute ne faut-il pas trop rêver. On imagine mal Pinochet sur le banc des accusés d'un tribunal américain alors qu'il faudrait appeler à la barre d'aussi prestigieux témoins que Henry Kissinger, ancien secrétaire d'Etat de Richard Nixon, George Bush, ex-président des Etats-Unis et, à l'époque, patron de la CIA, ou encore Vernon Walters, général et diplomate, n° 2 de la CIA au moment des faits. Néanmoins, un porte-parole du Département d'Etat, James Foley, a indiqué en juin, à l'occasion de la déclassification de ces documents, que tous ceux concernant l'assassinat à Washington, le 21 septembre 1976, d'un ancien ministre d'Allende, Orlando Letelier, n'avaient pas été rendus publics en raison de la «poursuite d'une enquête par le département américain de la Justice». On apprend ainsi, presque incidemment, que le dossier Letelier n'est pas clos à Washington, ce qui est nouveau. Une première enquête américaine sur cet assassinat, perpétré par des agents chiliens à moins de deux kilomètres de la Maison-Blanche, avait en effet incriminé huit personnes. Parmi elles, le chef de la Dina, la police secrète de Pinochet, le général Manuel Contreras, qui purge actuellement une peine de sept ans de prison au Chili pour son rôle dans ce meurtre, des anticastristes cubains et un Américain agent de la Dina, Michael Townley, marié à une Chilienne. Ce dernier a été arrêté, a plaidé coupable et bénéficie désormais du programme de protection des témoins de la justice fédérale américaine. Jusqu'à présent, le chef suprême de la junte chilienne, Augusto Pinochet, n'a pas été impliqué. Or Contreras a toujours affirmé avec insistance, au cours de ses témoignages devant la justice chilienne, qu'il n'avait agi que sur ordre de Pinochet, que la Dina n'était pas un organisme autonome, qu'il dépendait directement du chef de l'Etat, lequel était tenu quotidiennement informé par Contreras lui-même des activités de sa police secrète. «Pinochet, a précisé Contreras, était celui dont je recevais les ordres et les dispositions que je devais exécuter.»

On sait aujourd'hui que l'assassinat de Letelier est l'un des résultats les plus spectaculaires de la mise en ?uvre, par Pinochet lui-même, d'une entreprise véritablement extraordinaire, l'opération Condor. Il s'agit d'une association de «dictateurs sans frontières», un «Mercosur de la terreur», pour reprendre l'expression d'un journaliste brésilien, Nilson Cezar Mariano, qui a écrit un livre sur ce sujet (Operacion Condor, Terrorismo de Estado en el Cono Sur, publié par les éditions Lohle-Lumen, à Buenos Aires, en 1998). Augusto Pinochet, en effet, ne s'est pas contenté de bafouer les droits de l'homme dans son propre pays. Il a également sévi hors de son territoire. L'opération Condor a été l'un des axes des investigations du juge espagnol Manuel Garcia Castellon et constitue l'un des motifs de la demande d'extradition du général chilien par un autre juge espagnol, Baltasar Garzon, auprès des autorités britanniques. Dans son acte d'accusation, Garzon écrivait qu'avec l'opération Condor Pinochet «apparaît comme l'un des principaux responsables et le leader d'une organisation internationale créée, en coordination avec des responsables militaires ou civils d'autres pays, principalement l'Argentine, pour concevoir, développer et exécuter la planification systématique des détentions illégales (enlèvements), tortures, déplacements forcés, assassinats et/ou disparitions de nombreuses personnes, y compris des Argentins, des Espagnols, des Britanniques, des Américains, des Chiliens et d'autres nationalités». De fait, l'opération Condor est à l'origine de l'arrestation, de la torture et de la mort de centaines d'opposants aux régimes militaires réfugiés à l'étranger. Ils ont été arrêtés ou tués au mépris des droits humains, mais aussi du droit international, faisant fi des souverainetés nationales. De cette association de la barbarie, de cet attentat clandestin contre le droit, de cette volonté d'ignorer le sanctuaire et le refuge de l'exil, de faire de la terre entière le terrain de chasse de ses sbires et le théâtre de ses règlements de comptes intérieurs, Pinochet fut le grand ordonnateur.

En 1976, Orlando Letelier, ancien ambassadeur et ministre d'Etat du gouvernement d'Unité populaire de Salvador Allende, personnage clef de l'opposition chilienne à la dictature, vit, réfugié, à Washington, où il travaille dans un institut de recherche politique. Le général Pinochet vient de lui retirer sa nationalité chilienne, pour avoir «mené à l'étranger une campagne tendant à l'isolement politique, économique et culturel du Chili», et pour avoir tenté d' «influencer la politique extérieure nord-américaine en demandant l'arrêt total de l'aide militaire des Etats-Unis au Chili». Le 21 septembre de cette même année, à 9 heures du matin, il est tué dans sa Chevrolet, à l'aide d'une bombe commandée à distance, sur Massachusetts Avenue. Son assistante américaine, Ronnie Moffitt, trouve également la mort dans cet attentat. Washington, soudain, devient l'un des terrains d'action de l'opération Condor.

Un agent bien informé

Il n'est pas formellement établi que les autorités américaines connaissaient alors l'existence de cette association. Une semaine plus tard, ils ne pouvaient plus l'ignorer, grâce à un certain Robert Scherrer. Scherrer est un agent du FBI en poste à Buenos Aires, la capitale argentine, au moment de l'assassinat de Letelier. Il travaille vite et bien. Le 28 septembre 1976, il envoie au siège de la police fédérale américaine un câble secret qui est le premier signal officiel donné à l'Ouest, du moins connu à ce jour, de l'existence de l'opération Condor, qui réunit l'Argentine, le Brésil, la Bolivie, le Paraguay et l'Uruguay, et dont «le Chili, écrit-il, est le centre» (voir le fac-similé page 40). «L'opération Condor, annonce Scherrer, est le nom de code pour la collecte, l'échange et l'archivage d'informations concernant les prétendus "gauchistes", communistes et marxistes, qui a été récemment l'objet d'une coopération des services secrets en Amérique du Sud afin d'éliminer les activités terroristes marxistes dans la région. Elle prévoit des opérations conjointes contre des cibles terroristes dans les pays membres de l'opération Condor. [...] Une troisième phase, la plus secrète, concerne la formation d'équipes spéciales des pays membres habilitées à voyager n'importe où dans le monde pour des opérations punitives, allant jusqu'à l'assassinat, contre des terroristes ou des sympathisants d'organisations terroristes.»

L'agent Scherrer était bien informé. Ce qu'il annonce en 1976 sera confirmé en 1992, de manière quasi fortuite, par la découverte au Paraguay de ce qu'il est désormais convenu d'appeler les «archives de l'horreur». Celles-ci sont aujourd'hui réunies à Asuncion, capitale du Paraguay, et l'on peut les consulter après autorisation de la justice locale. C'est un juge de ce pays, José Augustin Fernandez, qui les a trouvées, le 22 décembre 1992, au siège du Departamento de investigaciones de la police, dans la ville de Lambaré, située à une vingtaine de kilomètres d'Asuncion. Le juge, qui agissait sur la foi d'un renseignement confidentiel, découvrit une montagne de vieux papiers et de dossiers en désordre, une masse inestimable de documents relatant l'histoire de la répression - 760 livres, 115 dossiers, 181 carnets, 204 caisses de documents, 574 feuillets épars, 8 369 fiches de détention, 1 800 cartes d'identité, 10 000 photographies. Dans une interview au journal de Santiago La Epoca, publiée en 1993, il expliquait qu'il n'avait pas voulu laisser ces documents aux mains de la police, après les avoir découverts, de peur qu'elle ne les détruise. «Alors, avec l'aide d'un camion du journal d'Asuncion Diario de noticias, nous avons emporté tous ces papiers dans mon bureau, et je les ai plus tard déposés au palais de justice.» Ce sont, en tout, quatre tonnes de documents qui constituent ces «archives de l'horreur». On y découvre les détails de l'opération Condor, la confirmation de l'arrestation et de la mort de militants disparus et les preuves d'échanges de prisonniers entre différents pays, notamment l'Argentine, le Chili et l'Uruguay. On peut s'interroger sur les raisons qui ont poussé les policiers paraguayens à conserver ces documents si compromettants. L'une des hypothèses, avancée par Esteban Cuya, chercheur au Centre des droits de l'homme, à Nuremberg, est que les forces répressives du pays «espéraient encore la restauration de la dictature d'Alfredo Stroessner», qui avait été renversé en 1989 et vit en exil au Brésil. Pour Cuya, les militaires pensaient que ces documents pourraient toujours servir, et il en veut pour preuve que les fichiers concernant le Paraguay ont été actualisés jusqu'en 1991. Pour ce terrorisme d'Etat, «il n'existait pas de frontières géographiques, seulement des frontières idéologiques», écrira Jair Krischke, responsable brésilien du Mouvement pour la justice et les droits humains. Et son propos fait écho à cette déclaration terrifiante du lieutenant-colonel argentin Hugo Ildebrando Pacarelli, qui déclarait dans un journal de Buenos Aires, La Razon, le 12 juillet 1976: «La lutte que nous menons ne connaît aucune limite morale ou naturelle, elle va bien au-delà du bien et du mal.»

«Un Interpol contre la subversion»

Grâce aux «archives de l'horreur», on sait que l'opération Condor fut décidée le 29 octobre 1975, quand fut convoquée par Contreras à Santiago une «réunion de travail» des responsables des services secrets des pays du cône Sud. Elle s'est tenue entre le 25 novembre et le 1er décembre de la même année. Considérant que «la subversion ne reconnaît ni frontières ni pays», les responsables présents décident d'établir une «banque de données», comprenant les noms des personnes, organisations et activités liées «directement ou indirectement» aux mouvements d'opposition. «D'une façon générale, quelque chose qui ressemble à ce qu'a Interpol, à Paris, mais consacré à la subversion.» Il est également prévu de mettre sur pied un «centre de communication moderne et alerte» (moderna y agil), doté de téléphones déformant les voix et d'un code alphabétique permettant de crypter les communications par courrier ou par télex. Il fut décidé de maintenir un échange constant d'informations, d'intensifier la surveillance des frontières, de permettre les interrogatoires communs des prisonniers. Les questions bassement matérielles ne furent pas non plus négligées, puisqu'il était même demandé de facturer au pays intéressé le coût des transferts de prisonniers.

Il semble que l'opération Condor ne fut que la reconnaissance formelle d'une relation déjà existante entre les services des pays du cône Sud, où les coups d'Etat successifs avaient jeté sur les routes de l'exil près de 4 millions de réfugiés. Au Paraguay, le général Alfredo Stroessner dirigeait son pays d'une main de fer depuis déjà une décennie quand, en 1964, un groupe de militaires mit un terme à la démocratie au Brésil. En 1971, le général Hugo Banzer, qui est actuellement le président - démocratiquement élu! - de Bolivie, menait un coup d'Etat dans son pays. En 1973, ce fut au tour du Chili de connaître un régime militaire, tandis qu'en Uruguay le président Juan Maria Bordaberry fermait le Parlement et ouvrait la voie à la dictature. En Argentine, enfin, le retour et la mort de Juan Peron et la présidence de sa femme Isabel avaient conduit au coup d'Etat militaire de 1976. On estime que près de 36 000 personnes ont été les victimes de ces années noires.

Dans une lettre au juge Garzon datée d'octobre 1998, l'association des Mères de la place de Mai affirme qu'environ 500 000 personnes s'étaient réfugiées en Argentine entre 1971 et 1976, fuyant les dictatures des pays voisins, alors que les militaires n'avaient pas encore pris le pouvoir à Buenos Aires. Les services argentins, cependant, collaboraient dès 1974 avec les Chiliens. L'assassinat, à Buenos Aires, le 30 septembre 1974, du vice-président du Chili et ministre d'Etat du gouvernement d'Allende, le général Carlos Prats, farouche opposant à Pinochet au sein de l'appareil militaire, et de son épouse, Sofia, le démontre. Le meurtre, commis à l'aide d'une bombe déclenchée à distance, fut perpétré par des agents chiliens de la Dina. Ils utilisèrent des voitures de l'armée argentine, portant des plaques de la direction fédérale de la police de Buenos Aires. L'association des Mères de la place de Mai a cité au juge plusieurs autres exemples de la coordination des forces de répression de la région: cinq réfugiés uruguayens furent ainsi arrêtés à Buenos Aires dans les premiers jours de septembre 1974; leurs corps furent retrouvés une semaine plus tard dans les environs de Montevideo, la capitale de l'Uruguay. En novembre de la même année, le Chilien William Beausire fut arrêté à l'aéroport d'Ezeiza, près de Buenos Aires, alors qu'il se trouvait en transit vers l'Europe.

Une liste interminable...

Un an plus tard, deux exilés paraguayens furent arrêtés à Buenos Aires par des policiers du Paraguay, qui les conduisirent à Asuncion. Les Mères de la place de Mai citent également le cas d'un Chilien, Jorge Isaac Fuentes Alarcon, qui fut arrêté par la police du Paraguay en 1975, alors que, venant d'Argentine, il traversait la frontière. Il fut conduit à Santiago, séquestré dans la tristement célèbre villa Grimaldi, pour ne jamais réapparaître. Le 11 juin 1976, des hommes armés pénétrèrent dans les hôtels Hilton et Pino, à Buenos Aires, où se trouvaient, sous la protection de l'ONU, 110 réfugiés politiques et leurs familles. 26 personnes furent séquestrées, parmi lesquelles 23 Chiliens, deux Paraguayens et un Uruguayen. En avril 1976, trois Uruguayens furent arrêtés à Buenos Aires. Le corps de l'une des victimes fut retrouvé criblé de balles dans une banlieue de la ville. Les corps des deux autres furent repêchés, avec trois autres cadavres, dans les eaux du Rio de la Plata. Toujours en avril 1976, sept militants chiliens sont arrêtés à Buenos Aires. En mai, on retrouvait en Argentine les corps de trois hommes politiques uruguayens: le sénateur Zelmar Michelini, l'ancien président de la Chambre des représentants Hector Gutierrez Ruiz et William Whitelaw, dirigeant du Frente amplio, dont l'épouse fut également assassinée. En mai 1976, c'est l'ancien président de Bolivie, le général Juan José Torres, qui est arrêté par un groupe d'hommes armés à Buenos Aires. Le ministre de l'Intérieur argentin parla alors d'un «auto-enlèvement» mené à des fins de propagande. Le corps de Torres fut retrouvé quelques jours plus tard à 90 kilomètres de Buenos Aires. En juin de la même année, 30 exilés uruguayens, dont la fille du sénateur Michelini, sont séquestrés dans la capitale argentine. Et la liste continue...

Les porte-couteaux de l'opération Condor sont parfois sortis du cône Sud, leur zone traditionnelle d'action. On l'a vu avec Letelier. On l'a vu également avec la tentative de meurtre de Bernardo Leighton, à Rome. Leighton était un ancien vice-président de la République chilienne, dirigeant de la démocratie chrétienne, qui s'était déclaré prêt à ?uvrer avec la gauche pour le rétablissement de la démocratie dans son pays. Réfugié dans la capitale italienne, après avoir été accusé d' «activités antichiliennes», il fut grièvement blessé par deux tueurs alors qu'il rentrait chez lui, en compagnie de sa femme, Anita, le 6 octobre 1975. Leighton fut touché au front et la balle ressortit par son oreille gauche. Son épouse fut blessée à la poitrine. Tous deux survécurent à leurs blessures après de lourdes interventions chirurgicales. Il fut établi que le crime avait été organisé par l'agent américain de la Dina Townley, avec l'aide de deux néofascistes italiens.

Paradoxalement, celui qui fut sans doute la dernière victime de l'opération Condor fut aussi l'un de ses plus sinistres artisans, le chimiste Eugenio Berrios. Et sa mort prouve que l'opération Condor a survécu, pendant quelque temps encore, à la dictature. Berrios fut chargé par la Dina de fabriquer du gaz sarin, dont les effets pouvaient être confondus avec ceux d'une crise cardiaque. Il travailla notamment à l'élaboration d'une bouteille de parfum Chanel N° 5 contenant le gaz mortel, qu'un agent féminin de la Dina, supposée séduire Letelier, devait utiliser pour tuer l'opposant. Finalement, ce plan à la Mata Hari fut abandonné, mais Berrios continua à travailler pour la Dina. En septembre 1991, après le retour de la démocratie, il fut cité à comparaître par un juge chilien qui enquêtait sur l'assassinat de Letelier. Berrios, qui en savait trop et parlait beaucoup pour peu qu'on lui servît à boire, fut aussitôt soustrait à la curiosité du juge et escorté vers l'Argentine par un ancien officier de renseignement, le capitaine Carlos Herrera. Le vieux réseau de Condor se réactiva immédiatement, et Berrios se retrouva confiné dans un appartement de Montevideo (Uruguay), sous la garde d'agents chiliens. Persuadé que ses anciens patrons avaient décidé de l'éliminer, il s'enfuit et chercha refuge, le 15 novembre 1992, dans le commissariat de police de la station balnéaire uruguayenne de Parque del Plata. Une demi-heure plus tard, des soldats de l'armée uruguayenne faisaient irruption dans le poste de police et emmenaient Berrios, qu'on ne revit plus jamais vivant. En avril 1995, deux pêcheurs découvrirent le corps partiellement décomposé d'un homme, sur la plage d'El Pinar, à environ 25 kilomètres de Montevideo. Le cadavre avait les os brisés, les mains et les pieds coupés, et deux impacts de balles de pistolet dans la nuque. Début 1996, des experts en médecine légale affirmèrent qu'il s'agissait bien du corps de Berrios et estimèrent à la première quinzaine du mois de mars 1993 la date probable de sa mort.

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