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Jean Baubérot-Vincent (ce double nom est le résultat d'ajouter le nom de mon épouse au mien, puisqu'elle a fortement contribué à faire de moi ce que je suis). Professeur émérite de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l’Ecole pratique des Hautes Etudes. Auteur, notamment, de deux "Que sais-je?" (Histoire de la laïcité en France, Les laïcités dans le monde), de Laïcités sans frontières (avec M. Milot, le Seuil), de Les 7 laïcités françaises et La Loi de 1905 n'aura pas lieu (FMSH)

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Billet de blog 12 avril 2024

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Jean Baubérot-Vincent (ce double nom est le résultat d'ajouter le nom de mon épouse au mien, puisqu'elle a fortement contribué à faire de moi ce que je suis). Professeur émérite de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l’Ecole pratique des Hautes Etudes. Auteur, notamment, de deux "Que sais-je?" (Histoire de la laïcité en France, Les laïcités dans le monde), de Laïcités sans frontières (avec M. Milot, le Seuil), de Les 7 laïcités françaises et La Loi de 1905 n'aura pas lieu (FMSH)

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Quand une blague sur France Inter nous questionne sur l’antisémitisme et la liberté d’expression

Revenant sur la blague de Guillaume Meurice, le sociologue Philippe Corcuff considère que ce n’est pas parce qu’il n’y a aucune « intention antisémite » chez son auteur,  qu’un propos serait dénué d’antisémitisme.  J'analyse ici les enjeux du dissensus entre ma vision des choses et celle du sociologue.

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Jean Baubérot-Vincent (ce double nom est le résultat d'ajouter le nom de mon épouse au mien, puisqu'elle a fortement contribué à faire de moi ce que je suis). Professeur émérite de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l’Ecole pratique des Hautes Etudes. Auteur, notamment, de deux "Que sais-je?" (Histoire de la laïcité en France, Les laïcités dans le monde), de Laïcités sans frontières (avec M. Milot, le Seuil), de Les 7 laïcités françaises et La Loi de 1905 n'aura pas lieu (FMSH)

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Jean Baubérot-Vincent*

En présentant, le 4 avril, mon ouvrage sur la loi de 1905, je citais Guillaume Meurice. Page 11 de  son livre Dans l’oreille du cyclone (Seuil), l’humoriste affirme que la réalité « ne fait pas que dépasser la fiction. Elle la sublime », et il insiste : « La réalité n’est pas crédible ». Selon moi, ce propos résumait fort bien l’application de cette loi, dont le déroulement serait paru totalement invraisemblable à n’importe quel scénariste. Je ponctuais ma citation de l’ouvrage d’un bref « à lire » et comptais m’en tenir là. Le blog du 5 avril de Philippe Corcuff, opérant une critique en règle de Meurice, m’amène à y consacrer une Note : cela vaut la peine de creuser les enjeux du dissensus entre ma vision des choses et celle d’un sociologue pour lequel j’éprouve une très grande estime et de l’amitié. Mais, comme il l’indique lui-même, le débat est une bonne chose « pour la liberté d’expression dans les sociétés pluralistes à idéaux démocratiques ».

Ce dissensus est d’autant plus intéressant que je partage avec Corcuff l’idée que l’humour politique est, comme toute chose, critiquable (j’y reviendrais) et qu’en la matière, comme dans le reste de la vie sociale, ce n’est pas seulement « l’intention » qui compte. Corfuff insiste, avec justesse, la notion « d’éthique de responsabilité » forgée par Max Weber : il ne s’agit pas, écrit-il, de se soucier « seulement des principes et des intentions » ; il faut également envisager les « conséquences » qui leurs « échappent souvent », considérer « les effets » de ses actes. Et, en réponse à un commentaire, le sociologue enfonce le clou : ce n’est pas parce qu’il n’y a aucune « intention antisémite » chez son auteur,  qu’un  propos serait dénué d’antisémitisme : les intentions se trouvent prises dans des « rapports sociaux » où les paroles tenues « ont des effets non conscients sur les individus » à travers des « stéréotypes » et, en outre, elles dépendent du « contexte » dans lequel elles sont énoncées.

Analyse fort pertinente. Néanmoins, en conclure qu’un humoriste n’aurait pas le droit de faire une blague  où il conseille (dans l’émission Le grand dimanche soir,  respiration hebdomadaire d’un humour de gauche sur France Inter), pour Halloween, « le déguisement Netanyahu qui marche pas mal. Vous voyez qui c’est, une sorte de nazi mais sans prépuce » me semble abusif et contreproductif. Je vais tenter d’expliquer pourquoi.

Antisémitisme et conception sacrale du « Juif »

Certes, on assiste à une montée de l’antisémitisme et, dans des Notes précédentes, j’ai souligné la responsabilité de l’Occident dans son développement et insisté sur le nécessaire, l’indispensable combat contre toutes ses  formes ; j’ai indiqué la manière dont le moindre geste, la moindre parole antisémite ravive, chez beaucoup de juifs, l’immense douleur de la Shoah. J’éprouve une très grande empathie pour celles et ceux [1] qui, depuis l’effroyable tuerie du Hamas, vivent dans la souffrance et le chagrin. « Depuis le 7 octobre, écrit Delphine Horvilleur (Comment ça va pas ?, Grasset, 2024), s’est renforcé en moi un étrange phénomène hallucinatoire, à la fois visuel et auditif. […] Je vois le mot [juif] écrit partout, et je l’entends aussi très souvent dans des conversations où il n’est pas du tout utilisé. »

Cette « acuité de [la] douleur », cette affliction n’empêche pas beaucoup de juifs de n’être ni sourds ni aveugles aux massacres horribles commis depuis six mois à Gaza et ils s’opposent à la politique criminelle du gouvernement israélien. D’ailleurs, et je m’étonne que Corcuff oublie de le signaler, Meurice a donné, dans l’émission du dimanche suivant, la parole à l’association juive Tsedek (Justice en hébreu) « qui se bat contre la politique de Benjamin Netanyahu. » En effet, il n’effectuait pas une comparaison ignominieuse entre juifs et nazis. Sa blague, de bon ou de mauvais goût (chacun appréciera : de façon générale, les blagues à France Inter sont assez souvent zizi-cucul), était politique, il s’agissait d’une « réaction face à l’horreur des bombardements israéliens ».

Je le redis : bien des juifs français font preuve d’une courageuse lucidité. Mais, dans leur diversité, les juifs (quelle étrange situation de devoir rappeler ce truisme !) sont des êtres humains comme les autres. Les mécanismes idéologiques à l’œuvre chez tous les individus et les groupes humains ne les épargnent pas. Leur ADN est identique à celui du reste de l’humanité. Or, Max Weber a aussi attiré l’attention sur l’indispensable nécessité d’affronter les « faits dérangeants », « désagréables ». Et n’est-il pas on ne peut plus « dérangeant » de constater que la terre que vous aviez cru pouvoir constituer un refuge face à d’éventuelles tempêtes, est devenue une société que son chef d’extrême-droite entraine dans d’effroyables tueries ? Alors, face à cette réalité insupportable, certains se donnent toutes les justifications possibles et imaginables pour minimiser ce drame, pour l’éloigner de soi, pour ne pas subir l’épreuve de l’affronter. Doit-on abonder dans leur sens parce qu’on comprend trop bien cette réaction ? Je ne le pense pas.

En effet, prétendre qu’une blague visant un criminel de guerre serait antisémite, parce que ce criminel est juif, risque de ratifier une figure du « Juif », personnage sacré. Malheureusement cette figure existe historiquement, à cause de l’antisémitisme, et c’est elle qui a donné, entre autres, l’affaire Dreyfus. Attention de ne pas risquer d’être dans le pendant inversé de l’antisémitisme ou, simplement, du sacré néfaste on est passé dans le sacré faste. Car il s’agit, en fait, de la même essentialisation, la même structure symbolique. Les humains sont riches d’identités multiples ; n’englobons pas certains d’entre eux dans une identité de juif sacralisée. Ne courons pas le risque d’ inverser des jugements de valeur sans quitter cette structure mentale.

En effet, l’indication que les conséquences sont déconnectées des intentions, l’appel à une éthique de la responsabilité ne vaut pas seulement pour les humoristes. Elle nous concerne tous. Le très difficile mais nécessaire et fraternel message qui faut adresser à celles et ceux des juifs qui n’arrivent pas à se libérer d’un enfermement victimaire (ce dont je souffre avec eux, car ils ont dix mille raisons de le faire) consiste à opérer la nécessaire déconstruction de cette figure sacrale.

Le 7 octobre et Gaza changent l’histoire du XXIe siècle

Je n’ai nullement hésité à dire que le Hamas était un mouvement terroriste, et ma Note à ce sujet m’a valu des critiques acerbes (dont certaines me faisaient dire toute autre chose que ce j’avais écrit ; je ne doute pas, d’ailleurs, qu’il en sera de même pour cette Note !).  Mais des soldats israéliens ont tué des « otages », citoyens de leur propre pays (confondus avec des « terroristes », donc quand il s’agit de Palestiniens…), des humanitaires ont été  assassinés (ce que veut masquer l’euphémisme d’ « erreur »), des milliers de victimes civiles sont actuellement massacrées sous un déluge de bombes. Et un humoriste n’aurait pas le droit de dénoncer cela à sa manière ?

Or, c’est loin d’être fini. Plus de trente mille morts déjà : combien dans trois ou six mois ?  La famine rode, frappe, assassine elle-aussi. Et il serait impossible, parce qu’« antisémite », de caricaturer le responsable en chef de cette horreur, celui qui, depuis des années, fait tout pour rester au pouvoir ! Non seulement il commet des carnages mais il mène une politique totalement suicidaire pour son propre peuple en attisant la haine. Netanyahu est, à la fois, l’ennemi du peuple palestinien et l’ennemi du peuple israélien.

Quand on est historien, quand on constate à quel point l’histoire de l’esclavage et de la colonisation devient, un ou plusieurs siècles après, un boomerang, on sait que les effets de ce qui se passe depuis six mois vont s’amplifier à un niveau mondial pendant très très longtemps. Dans l’histoire du XXIe siècle, il y aura un avant et un après  le massacre du 7 octobre et les massacres de Gaza. Et, en fait, se sont les décennies d’occupation avec tout ce que cela engendre forcément (là encore, ce serait avoir une conception essentialiste, sacrale du « Juif » que de croire que l’occupation israélienne serait différente des autres occupations) qui vont faire retour durant tout le XXIe siècle.

Deux antisionismes comme deux anticléricalismes

Selon moi, Meurice ne devait donc pas s’excuser d’une faute qu’il n’avait pas commise. Sans doute Corcuff sera d’accord avec moi pour ne pas cautionner les glissements de sens opérés par la société mainstream. Ainsi, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, tout antisionisme n’est pas antisémitisme. Je viens d’écrire, « tout antisionisme » : il existe des antisémites qui se disent antisionistes pour masquer leur lèpre morale. Il ne faut surtout pas être dupe de leur entreprise délétère. Mais il existe également un antisionisme qui refuse un expansionnisme dont (encore une fois) les méfaits se développent depuis des décennies et, celui-là, il a sa raison d’être, il n’est en rien antisémite.

Il en était de même, au XIXe et au début du XXe siècle, de l’anticléricalisme : un certain anticléricalisme masquait une volonté de détruire la religion par la contrainte. Un autre anticléricalisme combattait les tentatives d’un certain catholicisme de surplomber la société civile. Cet anticléricalisme-là est toujours nécessaire. La manière dont des religieux (y compris, fait nouveau, des autorités protestantes) prétendent qu’on « ne les écoute pas », sous prétexte qu’on ne leur obéit pas au doigt et à l’œil, quand ils refusent l’inscription de l’IVG dans la Constitution ou une loi sur « l’aide à mourir », le montre. Ce qu’ils appellent les « écouter » serait renoncer à à séparer la loi civile des normes religieuses, à renoncer à la laïcité, qui n’est certes pas un catalogue d’interdits mais  qui impose aux religions la liberté égale de tous et toutes. S’ils veulent souffrir pires que des bêtes (car les animaux domestiques, eux, on les euthanasie quand leur souffrance devient insupportable), grand bien leur fasse. Mais de quel droit  ces cléricaux veulent-ils que nous devenions leur souffre-douleur ?

Bon, je m’égare un peu. Tout cela pour indiquer qu’il existe deux types divergents d’antisionisme, tout comme il existe deux types d’anticléricalisme. Et beaucoup de gens, juifs ou non, font d’instinct le distinguo. Mais la société médiatiquement et institutionnellement dominante cherche à gommer cette distinction et c’est précisément ce qui s’est passé avec la blague de Meurice. C’est pourquoi, j’ai lu autrement son ouvrage que Corcuff, qui le trouve « largement vide de contenu » et « très peu drôle ».

De la « mauvaise foi » des humoristes, … et des autres

Divergence intéressante : moi, j’y ai trouvé une description sociologiquement suggestive de l’hypocrisie structurelle de la société globale, un propos, plein de réparties (à mon avis, meilleures que sa blague),  et à plusieurs moments, lors de ma lecture, j’étais ‘mort de rire’. Quoi de plus drôle, en effet, que ces dirigeants  de France-Inter, courageux mais pas téméraires, tout droit sortis d’une scène de Labiche, se prétendant les héraults de la transgression, mais la voulant inoffensive, s’affirmant les champions de la liberté d’expression, mais la considérant à sens unique ? Quoi de plus drôle que ces policiers, exécuteurs embarrassés d’ordres de supérieurs, qui demandent à Meurice s’il est lui-même juif et  lui posent cette question surréaliste : « C’est qui, pour vous, le nazi absolu ? » . Dépêchons-nous d’en rire car nous risquons d’en pleurer.

Alors, certes, Corcuff soulève de ‘vrais’ problèmes quand il insiste sur  la différence entre « le sens que donne un individu à ses paroles » et celui compris par ceux qui  les entendent : ces sens « ne sont pas fréquemment identiques ». Mais cette question est globale elle touche l’ensemble des vannes qui se débitent toute la journée sur les ondes, elle atteint tous les humoristes qui revendiquent tous  un droit à la « mauvaise foi », alors que celle-ci souvent heurte, offusque, blesse. Aujourd’hui, l’humour se fabrique à la chaine. On est loin du génie d’un Raymond Devos où il était poésie, douceur et art de vivre . Sauf exception, ce qui caractérise maintenant les humoristes, c’est leur absence d’empathie pour tous ceux dont les idées diffèrent un chouia des leurs. Tourner en ridicule, OK, mais on aimerait parfois autre chose.

Bien sûr Meurice peut être inclut dans le lot, au même titre que ses confrères, mais pour l’ensemble de ses micros-trottoirs, pas spécialement pour cette blague. Et, au moins là chacun sait qu’il s’agit de persiflage, voire de défoulement. Me semble donc alors bien plus graves la « mauvaise foi » des micros-trottoirs soi-disant sérieux : ils prétendent rendre compte de l’opinion des gens alors qu’ils sont le résultat d’un montage où les propos enregistrés se trouvent « manipulés », au double sens technique et commun du terme.

Il en est de même d’émissions dites sérieuses. Quand on est interviewé par un journaliste, ce qui est publié, (excepté les cas -minoritaires- où on ne vous a montré le produit transformé et permis de le rectifier) a vraiment peu à voir avec ce que vous avez exprimé. Itou pour les articles : je me souviens d’un de mes textes qu’un quotidien avait titré : « Gare aux laïcards extrémistes » ; or je n’emploie jamais ce terme de « laïcard »  et je me suis senti trahi. C’est donc l’ensemble du système médiatique, voulant tout rendre « sexy », critère suprême du « monstre doux » (décrypté par Raffaele Simone), qui doit être mis en cause. Focaliser la critique sur Meurice c’est se tromper de combat, car la « mauvaise foi » de ceux qui ont voulu le faire taire apparait mille fois pire que la sienne.

Liberté d’expression, religion, subtilité

J’en tire trois conclusions :

D’abord, je distingue dans les réactions rapportées dans le livre, entre les tentatives de mise au pas d’une part, les insultes des auditeurs de l’autre. Si ces dernières sont, comme souvent, affligeantes dans leur contenu, elles témoignent de la frustration ressentie à l’égard de l’extrême inégalité d’accès à la parole publique. Car c’est tromperie complète d’utiliser la formule de « liberté d’expression » : nous nous trouvons face à un système où certaines personnes (humoristes, journalistes et surtout éditorialistes hyper compétents sur tous les sujets imaginables : La 5, ou France-Inter, programmerait une émission sur l’élevage des limaces en Charentes-Maritimes, vous trouveriez sur le plateau Natacha Polony, traitant ce sujet avec son autorité coutumière !), ou certaines personnes donc ont un privilège, un quasi-monopole de l’expression publique, distribuant parfois chichement quelques secondes au « témoignage » d’auditeurs, à genoux de reconnaissance (« Merci pour la qualité de vos émissions »[2]) et les arrêtant très vite, parce qu’il y a un teaming à respecter.

D’autres personnes, moi par exemple, se situent dans un entre-deux, ayant des accès intermittents à la parole publique (avec, souvent, les déformations signalées, pour ne pas déroger à l’image que les médias se sont construits de moi). Et le plus grand nombre en est totalement privé. Il est logique, même si cela est déplorable, qu’il se venge, éructe, injurie et raconte n’importe quoi sur les réseaux sociaux.

Ensuite, j’ai été intéressé par la position de Meurice sur la religion. Il écrit n’avoir « aucun souci avec la foi. Il est compréhensible que l’on se questionne sur le sens de la vie, la place de notre existence dans cet immense chaos et que l’on tente d’y apporter des réponses. »  En revanche, les religions sont, pour lui, « les organisations politiques de la foi » et elles tentent d’imposer une vérité comme si celle-ci « avait besoin d’autre chose que de sa propre existence pour pouvoir subsister ».

Je comprends ce qu’il veut dire, mais, son propos ne pas exempt d’angélisme, voire d’un certain obscurantisme consistant à croire qu’une quelconque « vérité » puisse exister sans aucun support institutionnel. Pas de vérité sanitaire sans institution médicale ; pas de vérité du savoir sans institution universitaire ; pas d’humour public sans système médiatique (pas de Guillaume Meurice sans France-Inter), etc. Et, bien sûr, l’institution à toujours tendance à être dominatrice (« politique » en ce sens-là), trop sûre d’elle-même, refusant la contestation. Mais la vérité toute nue n’existe que sur les toiles des peintres et dans les rêves. Méconnaitre cette réalité est la « mauvaise foi » structurelle de beaucoup, dont les humoristes. Et, là, je retrouve Corcuff, mais pour effectuer une critique globale, différente de son propos.

Enfin, un paradoxe me frappe :  un brin de subtilité se niche dans la caricature de Meurice. Comme il le remarque lui-même, il n’a jamais qualifié Netanyahu de « nazi sans prépuce », il a parlé d’« une sorte de nazi mais sans prépuce » ; et « une sorte de » signifie, dans la langue de Molière : « ce qu’on ne peut qualifier exactement et que l’on rapproche de ». Or toute la charge qui a suivie a enlevé cette importante nuance, opéré un glissement de sens. La scène politique, médiatique, institutionnelle est absolument incapable de prendre en compte une quelconque subtilité, ce qui relève exactement de la manipulation déjà évoquée.

Après le pilonnage sur la télé Bolloré, les réactions de la direction de France-Inter et de radio-France, l ‘interrogatoire de la police judiciaire, la « mise en garde » de l’Arcom,… voilà que Meurice met à son tableau de chasse un débat entre deux zintellectuels. Tout cela pour une vanne qui « n’est pas la blague du siècle » !

[1] Une nouvelle fois, j’indique que, selon moi, l’écriture inclusive a raison sur le fond mais est imbitable quant à la forme. Du coup, je ne l’emploie pas systématiquement mais effectue quelques piqures de rappel

[2] Ce qui ne veut pas dire que ce soit forcément faux : ainsi Fabienne Sintes m’apparait comme l’antithèse de Natacha Polony : elle est au moins aussi cultivée que cette dernière, mais elle se sert de son savoir, non pour livrer un point de vue péremptoire sur tout et le reste,  mais pour interroger des spécialistes en montrant très bien qu’elle ne sait pas tout.   

*Baubérot-Vincent : ce double nom est le résultat d'ajouter le nom de mon épouse au mien, puisqu'elle a fortement contribué à faire de moi ce que je suis.

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