Si la langue française a perdu du terrain dans son fief naturel, elle se porte bien dans beaucoup d’anciennes colonies françaises notamment en Afrique noire où elle reste dans la plupart de ces pays la langue officielle de travail. En Mauritanie, la constitution a fait de l’Arabe la langue officielle de l’administration. Les autres langues du pays bien que consacrées comme langues nationales ne sont pas enseignées à l’école. Elles demeurent marginalisées dans les médias officiels. Dans la presse indépendante il existe un seul journal en langue peulh « Fooyre » (foyer) paraissant chaque mois et d’une grande qualité stylistique. Le français est encore enseigné dans les écoles : au fondamental au secondaire et à l’université. Elle occupe une place importante dans les institutions publiques et privées. Mais au file des années, la langue de Molière a perdu son statut à cause des reformes que le système éducatif a connues mais surtout de la montée du nationalisme arabe. Cela n’a pas empêché le français d’être parlée par une grande partie de l’élite intellectuelle. Il est rare de voir un cadre mauritanien ne parlant pas ou ne comprenant pas le français. Seuls les anciens disciples des « Mahadras » sont totalement coupés de cette langue. Dans les affiches publiques, comme les épiceries, les boulangeries, les pharmacies, les hôtels etc le français figure en bonne position. Les milieux intellectuels de la haute administration utilisent le français à l’écrit et à l’oral. D’ailleurs les correspondances officielles sont encore faites dans la langue française qui n’a perdu totalement son statut que dans les milieux conservateurs ou dans les coins reculés du pays. Même dans certaines de ces localités lointaines il y a des traces du français sur une enseigne d’un garage d’un Michelin ou d’un coiffeur avec des entorses à cette langue au grand dam de Du Bellay. Les enfants de la grande bourgeoisie et même des classes moyennes préfèrent inscrire leurs enfants dans les écoles françaises pour les envoyer ensuite dans les universités prestigieuses occidentales. Mêmes certains érudits pratiquant l’islam tolérant ont opté pour l’enseignement moderne de leurs enfants après une formation acquise au sein des écoles traditionnelles. Le français est assimilé comme une langue des « N’ssara » (qui connote avec mécréance) par les puristes et autres défenseurs inconditionnels de l’Arabe et de l’Arabité de la Mauritanie. La montée de l’islamisme radical a accentuée cette vision islamo-centriste et augmenté la charge idéologique de l’Arabe en tant que support de la religion musulmane. Cet attachement viscéral à ce médium a avivé le sentiment de fierté qui conduit à un repli identitaire. Les rapports que les mauritaniens entretiennent avec le français ne sont pas forcément des rapports antagonistes ou de mépris. Tout dépend de l’interprétation que l’on veut faire. Il y a certes des adversaires de cette langue mais aussi ses défenseurs non pas au sens d’une vision assimilationniste mais progressiste. Aucun peuple ne peut se suffire à une seule langue.
Le rénovateur quotidien