Le candidat d'extrême droite à la présidentielle Eric Zemmour, le 14 janvier 2022 à Honnecourt-sur-Escaut, dans le Nord

Le candidat d'extrême droite à la présidentielle Eric Zemmour, le 14 janvier 2022 à Honnecourt-sur-Escaut, dans le Nord

afp.com/Bertrand GUAY

Incapable de se renier. C'est la posture que décrivent les concurrents d'Éric Zemmour, lorsqu'ils évoquent sa stratégie dans la course à la présidentielle. Adepte de la provocation, le candidat nationaliste a commis plusieurs impairs dans sa campagne, du doigt d'honneur à une passante aux propos polémiques sur le traitement des enfants handicapés. Avec toujours beaucoup de mal à reconnaître son erreur. Ces derniers jours, c'est sur le sujet ukrainien qu'Éric Zemmour a persévéré. Il y a quelques semaines, il affirmait encore qu'il ne croyait pas en l'intention de Vladimir Poutine d'envahir l'Ukraine. Six jours après le début de la guerre, le président de Reconquête a déjà publié deux communiqués, convoqué une conférence de presse, participé à plusieurs médias, pour faire taire les accusations concernant sa proximité avec le dirigeant russe.

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Sur RTL, ce lundi, Éric Zemmour a d'abord reconnu qu'il s'était trompé, en affirmant que Poutine ne souhaitait pas déclarer la guerre à l'Ukraine. Avant de persévérer dans son couloir. S'il "condamne" l'agression de la Russie sur l'Ukraine, il considère toutefois que les principaux responsables de la situation sont l'Otan et ses pays membres, de par la politique internationale qu'ils ont menée ces dernières années. Eric Zemmour, qui rêvait encore il y a quelques années d'un "Poutine français", a fait son choix, celui de la troisième voie, et joue les équilibristes, en se revendiquant défenseur de la "paix". "Poutine est un démocrate autoritaire", a-t-il soutenu, interrogé sur les dérives du dirigeant russe. Il est d'ailleurs en désaccord avec la décision de l'Union européenne de fournir des armes à la population ukrainienne. "Une montée aux extrêmes est néfaste, nous ne devons pas ajouter la guerre à la guerre et devons faire oeuvre de pacificateur", a-t-il justifié sur RTL.

Politique du "zéro accueil" pour les réfugiés Ukrainiens

S'agissant des réfugiés ukrainiens en France, le candidat défend la politique du "zéro accueil", prenant même le contrepied de Marine Le Pen. "Les politiques compassionnelles, c'est formidable, mais ça nous fait surtout du bien à nous, soutient un conseiller de l'ancien journaliste du Figaro. Les Ukrainiens ont envie de rentrer chez eux." La ligne zemmouriste est donc, là aussi, claire : aider la Pologne à accueillir les Ukrainiens par des moyens financiers, et permettre aux réfugiés de rester "le plus près possible de leur pays pour faciliter leur retour à l'issue du conflit". Marine Le Pen, pour sa part, a indiqué qu'elle était favorable à l'accueil des réfugiés de guerre, en accord avec la Convention de Genève. "C'est sûr qu'il est plus facile de hurler avec les loups et de se mettre, comme tout le monde, en position martiale face à la Russie, poursuit ce même conseiller. Mais nous souhaitons pouvoir dialoguer, et trouver une solution concrète pour éviter la guerre au coeur de l'Europe." "Il affirme qu'il se positionne en faveur de la paix, mais de qui se moque-t-il ?, siffle un observateur de droite. Personne n'est dupe !" En vérité, le conflit ukrainien met surtout le candidat d'extrême-droite face à ses contradictions, et lui impose une clarification de ses convictions en matière de relations internationales.

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"Eric Zemmour estime en fait que l'Ukraine sous sa forme actuelle a vocation historiquement à disparaître, et que la série des crises en cours depuis 15 ans est avant tout la responsabilité des Etats-Unis, Vladimir Poutine étant perçu comme le protecteur de la grandeur de sa nation", décrypte l'historien et spécialiste de l'extrême droite Nicolas Lebourg. Un positionnement qui s'explique par la place à part que tient le président russe dans l'imaginaire d'une certaine droite dure. Pour plusieurs représentants de cette dernière, il incarnerait la figure tutélaire du défenseur de l'Occident, face aux "menaces de l'impérialisme américain et de l'islamisme radical". L'espoir, en somme, d'un monde moins unipolaire, moins multiculturel contre un souverainisme des nations plus fort.

L'objectif n'est donc pas de combattre la Russie à tout prix

Lors de la réunion stratégique organisée lundi matin, les équipes d'Eric Zemmour sont donc convenues de leur stratégie : ils ne bougeront pas de cette ligne. "Si Poutine est coupable, l'Union européenne et les Etats-Unis sont clairement les responsables, assure un membre des équipes. L'objectif n'est donc pas de combattre la Russie à tout prix, mais de trouver par tous les moyens un cessez-le-feu et de mettre tout le monde autour de la table pour parvenir à un nouvel accord." Une position défendue lors de la rencontre avec Jean Castex, qui s'est déroulée ce lundi, avec les autres prétendants à la présidentielle. "Les conflits, c'est toujours tragique et terrifiant, assure une conseillère du candidat nationaliste. On prend des positions de sensibilités, de compassion, qui brouillent le regard et souvent n'aident pas à trouver des solutions pragmatiques et rapides. Même si c'est l'intérêt de l'Otan, de l'Amérique, ou de la France, ça n'a pas d'importance, ce qui compte c'est l'intérêt des populations."

Au RN, le sourcil se hausse devant une telle justification. "Eric Zemmour serait donc tellement assujetti à la Russie qu'il serait prêt à faire passer les intérêts nationaux derrière ceux de Poutine ?", ose un membre de l'équipe de campagne.

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