Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

POUR DJAMILA BOUPACHA

Simone de Beauvoir lance un appel en faveur de Djamila Boupacha, militante du FLN défendue par l’avocate Gisèle Halimi, à la veille de son procès.

Le Monde

Publié le 02 juin 1960 à 00h00, modifié le 16 mars 2023 à 17h48

Temps de Lecture 5 min.

Article réservé aux abonnés

CE qu'il y a de plus scandaleux dans le scandale c'est qu'on s'y habitue. Il semble pourtant impossible que l'opinion demeure indifférente à la tragédie qu'est en train de vivre une jeune fille de vingt-deux ans, Djamila Boupacha.

En septembre 1959 une bombe - qu'on désamorça avant qu'elle eût explosé - fut placée à la Brasserie des Facultés d'Alger. Cinq mois plus tard Djamila Boupacha fut arrêtée. Son procès va s'ouvrir le 17 juin ; aucun témoin ne l'a identifiée, il n'existe pas contre elle l'ombre d'une preuve. Pour établir sa culpabilité il fallait des aveux : on les a obtenus. Dans la plainte en séquestration et tortures qu'elle vient de déposer, Djamila les rétracte et elle décrit les conditions dans lesquelles elle les a passés. Un grand nombre de témoins dont elle cite les noms et les adresses sont prêts à confirmer les faits qu'elle rapporte. L'accusée et son avocat, Me Gisèle Halimi, réclament qu'une enquête les établisse officiellement avant l'ouverture du procès. Les voici tels qu'elles les rapportent :

La nuit du 10 au 11 février, une cinquantaine de gardes mobiles, de harkis, d'inspecteurs de police, firent irruption dans le domicile où Djamila vivait avec ses parents. Ils la battirent ainsi que son père et son beau-frère, et ils emmenèrent les trois suspects à El-Biar. Là, les militaires, dont un capitaine parachutiste, piétinèrent Djamila et lui défoncèrent une côte (1). Cinq jours plus tard elle fut transférée à Hussein-Dey, où trois harkis, deux militaires et trois inspecteurs en civil lui administrèrent " le second degré ". On lui fixa des électrodes au bout des seins avec du papier collant Scotch, puis on les appliqua aux jambes, à l'aine, au sexe, sur le visage. Des coups de poing et des brûlures de cigarettes alternaient avec la torture électrique. Ensuite on suspendit Djamila par un bâton au-dessus d'une baignoire et on l'immergea à plusieurs reprises. " On ne va pas te violer, ça risquerait de te faire plaisir ", lui dirent, quelques jours plus tard, les hommes qui la questionnaient. Et Djamila précise :

" On m'administra le supplice de la bouteille ; c'est la plus atroce des souffrances ; après m'avoir attachée dans une position spéciale, on m'enfonça dans le ventre le goulot d'une bouteille. Je hurlai et perdis connaissance pendant, je crois, deux jours. "

Un témoin dont on connaît le nom et l'adresse l'a vue à Hussein-Dey évanouie, sanglante, traînée par ses geôliers. (Djamila était vierge.)

On la montra encore pantelante à son père, un homme de soixante-dix ans, qui à la suite de plusieurs séances de tortures dut être admis d'urgence à l'hôpital Maillot. Il se trouve aujourd'hui au camp de Béni-Messous, bien qu'aucune charge n'ait été relevée contre lui. A El-Biar, Djamila fut mise en présence de son beau-frère Abdelli Ahmed, qui, dit-elle, portait lui aussi de terribles traces de coups et de sévices, et qui est détenu à la prison d'Alger. Arrêtés ensemble, accusés de la même participation à la même association de malfaiteurs, leurs cas ont été cependant dissociés : chacun a été témoin des traitements infligés à l'autre et l'on craint s'ils étaient déférés à la même audience publique qu'ils ne fassent état de leur expérience commune.

Il vous reste 55.82% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.