On en sait désormais un peu plus sur les deux bâtiments qui remplaceront, dans une douzaine d'années, les frégates antiaériennes Cassard et Jean Bart. Par souci d'économie, les futures FRégates de Défense Aérienne (FREDA) partageront l'essentiel de l'architecture des 9 Frégates Européennes Multi-Missions (FREMM), conçues par DCNS. Une longueur de 142 mètres pour une largeur de 20 mètres et un déplacement de 6000 tonnes... Extérieurement, il sera difficile de faire la différence, à quelques petits détails près. Il ne serait, par exemple, pas prévu d'installer des lance-leurres anti-torpilles, disposés sur le toit du hangar hélicoptère des FREMM, mais de se contenter d'un système d'alerte torpille (antenne). En matière de guerre électronique, les futures frégates antiaériennes conserveront deux brouilleurs de nouvelle génération, identiques ou directement dérivés du produit franco-italien développé par Sigen (Thales/Elettronica), retenu pour Horizon et FREMM. Idem pour le capteur infrarouge (IRST) Artemis, de Thales, déjà prévu pour FREMM. Quant aux lance-leurres, pas de changement : Les FREDA embarqueront deux systèmes NGDS (Sagem).
Tir d'un Aster 30 depuis un Sylver A50 du Forbin (© : MBDA - MICHEL HANS)
Un radar plus puissant et des lanceurs Sylver A50
La première différence, non visible, sera l'embarquement d'un radar multifonctions Herakles plus puissant que celui des FREMM. Cet équipement, produit par Thales et assurant la veille 3D, la veille surface et la conduite de tir pour les missiles Aster, aura sans doute une portée supérieure à 250 kilomètres. Ses performances devront satisfaire aux besoins de la défense aérienne et à la mise en oeuvre de missiles Aster 30, dont la portée peut atteindre une centaine de kilomètres. L'armement principal des FREDA sera, à ce titre, composé de 32 missiles Aster 30 et Aster 15. La Marine nationale pourra panacher à sa convenance la dotation en missiles, les lanceurs verticaux prévus pour les FREDA étant des Sylver A50. Conçus par DCNS, ces lanceurs peuvent tirer indifféremment des missiles à courte portée (4 mètres de long) et à moyenne portée (4.8 mètres de long). Les quatre Sylver A50 se substitueront aux deux lanceurs Sylver A43 (uniquement pour Aster 15) et deux Sylver A70 (pour missiles de croisière Scalp Naval) des FREMM. La dotation sera donc nettement plus faible que sur les frégates Horizon (32 Aster 30 et 16 Aster 15 pour six lanceurs A50).
Sylver A35 et Mica VL sur le projet grec (© : DCNS)
On notera que le nombre plus réduit de lanceurs par rapport aux FDA (Frégates de Défense Aérienne) du programme Horizon aurait pu être compensé par l'embarquement de missiles à courte portée VL Mica. Ainsi, le projet de FREMM antiaériennes étudié pour la Grèce prévoir l'embarquement, sur le côté bâbord du hangar hélicoptère, de six lanceurs quadruples Sylver A35 pouvant lancer 24 VL Mica. Mais cette solution, apparemment jugée trop onéreuse, ne serait pas d'actualité.
CO d'une FREMM (© : DCNS)
Une console de plus au CO
Le reste de l'armement des FREDA sera identique à celui des FREMM. Il comprendra 8 missiles antinavire Exocet MM40 Block3 (MBDA), une tourelle de 76 mm (OTO-Melara) associé à une conduite de tir optronique Najir (Sagem), quatre tubes pour torpilles légères MU90 (Eurotorp) et, côté artillerie légère, deux affûts de 12.7 mm (ou, s'il y a de l'argent, des canons télé-opérés). La plateforme et le hangar abriteront un hélicoptère NH90 en version transport, ou un Panther.
N'étant pas, contrairement aux FREMM, destinées à faire de la lutte anti-sous-marine (ASM), les FREDA ne disposeront pas de sonar remorqué. En revanche, pour les besoins de la défense aérienne, le Central Opération (CO), qui compte 17 consoles multifonctions reconfigurables sur les frégates ASM, pourrait comporter une console supplémentaire. Quant au système de combat des FREDA, il sera adapté aux missions dévolues aux bâtiments.
Voilà donc ce qui est envisagé pour les futures frégates de défenses aériennes. Les différences sont, somme toute, assez marginales par rapport aux FREMM et il faut bien reconnaître que les FREDA n'offriront sans doute pas les mêmes capacités que les Forbin et Chevalier Paul du programme Horizon, livrées par DCNS en 2007 et 2008. Cette alternative aux FDA, jugées trop onéreuses (2.7 milliards d'euros pour deux bateaux) a néanmoins été étudiée pour qu'un bâtiment précieux (type porte-avions) puisse être protégé efficacement avec une FREDA et une FREMM.
Le Cassard escortant le Charles de Gaulle (© : MER ET MARINE - ERIC HOURI)
Faire tenir les Cassard et Jean Bart jusqu'en 2022
Pour la Marine nationale, le remplacement de son parc de quatre frégates antiaériennes est donc assuré, malgré l'abandon pour moitié du programme Horizon. Mais la flotte française va encore devoir attendre pour ajouter à ses deux nouvelles FDA les deux futures FREDA. Ces bâtiments devraient, en effet, être construits après les 9 FREMM prévues pour remplacer les frégates ASM des types F67 et F70 ASM. Dernières du programme, elles ne seraient livrées, toutes deux, qu'en 2022. Cela signifie que les Cassard et Jean Bart devront être maintenues encore 12 ans, ce qui n'est pas sans poser problème. Les frégates du type F70 AA ne sont certes pas vieilles, puisque mises en service en 1988 et 1991. Elles auront donc, au moment de leur désarmement, entre 34 et 31 ans, un âge certes respectable, mais classique pour ce genre de bateaux. En revanche, leur système d'armes principal risque bien, d'ici là, d'être totalement dépassé. En effet, les Cassard mettent en oeuvre le vénérable système Tartar (rampe simple Mk13 et missiles SM-1 MR). Les équipements des deux frégates proviennent d'ailleurs des anciens escorteurs d'escadre Bouvet et Kersaint, désarmés en 1982 et 1983. Leurs systèmes avaient été débarqués et envoyés aux Etats-Unis pour rénovation et mise à niveau, avant d'être installés sur les Cassard et Jean Bart. Initialement, les deux frégates devaient être refondues à mi-vie pour être dotées de lanceurs Sylver et de missiles Aster. Mais cette modernisation a été abandonnée, tant pour des problèmes structurels que financiers. Jusqu'au bout, elles devront donc se contenter du Tartar. Le SM-1 MR est encore considéré comme un bon missile, bien qu'il pêche par sa portée (seulement de 40 kilomètres). Mais le principal problème concerne la maintenance. La production en série étant arrêtée depuis de nombreuses années, il devient de plus en plus difficile de se procurer des pièces de rechange.
Système Tartar sur le Cassard (© : MER ET MARINE - V. GROIZELEAU)