GODFLESH

 

Entrevue avec Justin Broadrick
par Sean Long


Justin Broadrick .
Le nom ne vous dit rien?
Probablement parce que l'influence motrice derri�re une grande partie de la musique moderne reste coi.

Conversation avec une dynamo contradictoire.

Vous n'avez peut-�tre pas entendu parler de Justin Broadrick, mais vous l'avez entendu. Entendu dans les productions de la myriade d'artistes qui se r�clament de la masse volumineuse de son travail hautement influent et vivifiant, ou entendu le fruit de ses incursions soniques d�pouill� � dessein par des gens peu scrupuleux. Tricky , Metallica , Faith No More , Danzig , Ministry , Helmet , Devin Townsend , The Beastie Boys et Fear Factory sont quelques-uns de ceux qui admettent avoir �t� influenc�s par son travail d'une mani�re ou d'une autre. Mieux connu pour ses cr�ations au sein de Godflesh , le multi-instrumentiste qu'est Broadrick (avec son partenaire de Godflesh , Ben Green ), est largement cr�dit� comme pr�curseur de la r�volution du rock industriel de la d�cennie pass�e. Godflesh , aux c�t�s de Killing Joke , cr�ait une musique bruyante, brutale et malgr� tout dansante (sans aucun doute) � base de guitare, alors que Marylin Manson �tait connu par ses amis sous le nom de Brian Warner et que Nine Inch Nails n'existait pas encore.
Les obscures mais n�anmoins influentes explorations de Broadrick dans d'autres genres ne sont pas aussi largement connues. Le dub, l'ambient, le grindcore, la drum and bass, la techno minimaliste, le noise rock, le jazz metal et le hip hop mutant des ann�es 90 ont tous �t� corrompus et fa�onn�s par Broadrick ou l'un des projets vari�s auxquels il a particip�. Ayant contribu� � bien plus de 60 singles et albums dans les 13 derni�res ann�es (en ne comptant pas ses apparitions sur compilations et son travail de remixage), Broadrick est au moment de l'interview en pleine promotion du 8�me album de Godflesh : Us and Them . "Cela fait autant que ��?" demande-t-il. "C'est assez dingue! Je n'ai en fait jamais pens� 'Putain de merde, j'ai fait autant de musique!' Ce qui est �trange, c'est que j'en ai peut �tre fait autant, mais que j'ai toujours l'impression que je viens juste de commencer. J'ai l'impression que je n'ai fait qu'effleurer la surface de ce que j'essaie de faire." Modeste, vraiment, pour quelqu'un qui a en permanence alt�r� le visage de la musique.
Le modus operandi de Broadrick est celui d'une constante et obsessive �volution. "Nous essayons juste de d�naturer les choses et de les muter. Nous sommes constamment � la recherche de musique. Quand quelque chose de frais et nouveau nous atteint, nous sommes l�. Nous sommes constamment en train de d�busquer de nouvelles excitations dans la musique. Nous prenons ce que nous pouvons de la musique, nous nous en inspirons et nous le d�naturons dans notre propre contexte." Au sein de Godflesh , ceci signifiait l'union de l'organique et du synth�tique�: des riffs ultra lourds m�lang�s avec des bo�tes � rythmes, des boucles et des paysages sonores froids. Les incorporations post�rieures ont vu les influences de l'acid house, du hip hop et du dub s'incorporer dans le noyau de fabrique du son Godflesh , m�me si les guitares omnipr�sentes et les voix tortur�es ont eu pour effet d'attirer un support aussi furieux que celui des fans d'industriel et d'exp�rimental, de la part de m�talleux pourtant connus pour leur conservatisme.
Us and Them est la premi�re sortie studio de Godflesh depuis le Songs of Love and Hate de 1996, et l'auditeur insouciant sera certainement une nouvelle fois d�rout� par les apparents changements de directions. "C'est l'album le plus vari� que nous ayons fait avec Godflesh . Beaucoup des choses que je fais � la p�riph�rie de Godflesh s'est infiltr� dans ce disque. La discipline est toujours l�, mais nous avons essay� de lui donner une forme plus d�li�e et d'y incorporer beaucoup de choses, mais en �tant toujours aussi direct et en maintenant la formule traditionnelle de Godflesh qui consiste � �tre foutument sombre et brutal." Il rit. Us and Them contient paradoxalement � la fois une abondance de drum and bass violente, de breakbeats aux commandes hip hop et de g�n�reuses doses de m�lodie rarement vues jusqu'ici. Les auditeurs exp�riment�s de Godflesh auraient pu pr�voir cette infusion croissante de breakbeats. A la fois le Pure de 1992 et Songs of Love and Hate �taient emplis de science proto-brekbeats, tout comme la contrepartie remix�e de Songs of Love and Hate , Love and Hate in Dub . Etant donn� l'app�tit de Broadrick pour les nouveaux sons, son engagement dans la bourgeonnante sc�ne drum and bass �tait peut �tre in�vitable, les nouveaux d�veloppements musicaux �tant habituellement incorpor�s dans les nombreuses facettes de son travail. Bien que les breakbeats aient infiltr� depuis longtemps ces projets annexes Ice et Techno Animal , cette obsession a r�cemment culmin� dans Us and Them , et dans la sortie de plusieurs 12'' sur des labels respect�s de drum n bass sous son pseudo Youpho . L'amour de Broadrick pour le genre va bien au-del� de l'embarassante prise en marche de groupes comme Skunk Anansie ou Pitch Shifter . "La drum n bass a eu un impact tellement �norme sur moi parce que c'est la seule forme de musique en tant que genre � laquelle je peux me relier, depuis ces deux derni�res ann�es environ. C'est tellement frais, c'est toujours en pleine mutation. Je la place au-dessus de la plupart des autres musiques parce qu'elle a beaucoup de qualit�s que je n'entends plus dans les autres musiques. Elle poss�de les titres les plus violents et les plus noirs que l'on puisse actuellement entendre en musique. Elle poss�de de l'abstraction, des breakbeats, de l'agression, �a me parle en terme de volume. Elle m'a touch� vraiment fortement depuis 92 ou 93, mais c'est devenu une tr�s grande part de ma vie depuis ces deux derni�res ann�es parce que j'y ai r�ellement particip�."
Moins pr�visible a �t� son utilisation expansive de la m�lodie. La beaut� euphonique a �t� un des �l�ments de base de son projet ambient arythmique Final , et une inhabituelle m�lodie a pu �tre observ�e par intermittence dans des titres de Godflesh tels que 'Frail' , 'Mantra' , 'Empyreal' et 'Slateman' . Us and Them , pourtant, contient autant d'utilisation non retenue de la m�lodie que l'ensemble r�uni de la discographie de Godflesh . "J'ai toujours vu beaucoup de majest� et de beaut� dans Godflesh mais le contexte est beaucoup plus noir [que dans Final .]" Broadrick , obs�d� par L�onard Cohen et les Beach Boys , s'explique�: "La ligne de fond de n'importe quelle musique, quelque soit le contexte dans lequel j'op�re, est qu'elle doit avoir un contenu �motionnel extr�me. Je pense que la beaut� dans son extr�me est extr�me; autant que quelque chose qui est r�ellement noir ou sombre, ou quelque chose de brutal, ou triste, ou minimal. Du moment qu'il y a un contenu �motionnel extr�me, je suis l�."
Le membre fondateur de Napalm Death a unifi� les extr�mes depuis longtemps. Napalm a depuis implos� en une parodie d'eux-m�mes digne de Spinal Tap, ne contenant plus un seul membre originel. Broadrick a form� le groupe au milieu des ann�es 80 avec le prodigieux, mais emprisonn� depuis et retrait� musicalement, Nick Bullen , bient�t rejoints par Mick Harris . Cette formation particuli�re n'a dur�e qu'une br�ve p�riode de temps, mais fut � l'origine du son du groupe, et enregistra la premi�re face du premier album Scum (1987) qui s'est vendu � un demi-million de copies. Combinant un punk et un m�tal extr�mes, ce fut le premier enregistrement significatif pour chacun des membres, et aussi la naissance presque isol�e du genre grindcore. Pas mal pour une bande de gamins de 16 ans. "Ce fut le d�part de tout ce que j'ai fait. J'en suis toujours content jusqu'� ce jour. Pour un disque que nous avons fait avec d�sinvolture, c'est si �trange!" Broadrick , bien que fier de son accomplissement, rie de ses racines anarcho-punks avec joie. "J'�tais plut�t militant, nous pr�tendions �tre des activistes. Nous pensions que nous allions changer la soci�t�." C'est ce que fait la plupart des gens, non�? "Ouais! Tu te mets dans ce genre de conneries, et deux ans plus tard tu en ris. C'est devenu �vident pour moi que tout �a est un dogme. Et je hais les dogmes."
En ce qui concerne les textes, Us and Them est beaucoup plus concentr�, plus direct et pour �tre honn�te, 'moins pr�tentieux' que beaucoup des sorties pr�c�dentes. Dans 'Bittersweet' , par exemple (Je suis invisible� /Suis ce que je veux �tre /Tu ne m'entendras pas /Mais tu me sentiras) , Broadrick semble donner une gifle � l'absurdit� de sa position: �tre un artiste qui influence des formations qui vendent des milliers, voir des millions, de fois plus disques qu'il ne pourra jamais en vendre. Les exp�riences pass�es dans tous les domaines artistiques nous r�v�lent que ceci n'est pas une ironie hors du commun, mais � laquelle Broadrick consent. "C'est une lutte pour la survie. Le probl�me est que nous ne faisons pas de compromis, tout ce que nous faisons est une situation sans-compromis. Nous nous sommes r�sign�s au fait que nous ne vendrons pas des wagons de disques, mais nous pouvons faire bien. Je ne sais pas ce que c'est que de se pr�ter aux exigences de quelque chose de commercialement acceptable. Si un de nos trucs devenait vraiment, vraiment populaire, ce serait purement par accident. Tout le jeu de l'industrie musicale est quelque chose que nous fuyons r�ellement." De nouveau, il l�che son rire infectieux. "Notre seul talent est de faire de la musique, nous sommes merdiques � quoi que ce soit d'autre." Etonnamment, les majors signent sporadiquement le travail de Broadrick . Virgin a sorti des albums de The Sidewinder , Techno Animal et God , tous �tant de hideux repoussages de limites non commerciaux par les conspirations entre Broadrick et son fr�quent collaborateur Kevin Martin . Godflesh a notoirement sign� un contrat respectable avec Columbia , livrant ainsi l'abrasif Selfless et produisant une vid�o ensuite interdite sur MTV avec le sculpteur/photographe Andres Serrano et l'artiste de performance Bob Flannagan . Ils se sont fait vite virer. Broadrick a du exp�rimenter un d�j�-vu lorsque ses amis, et g�nies � la cr�ation lente, des My Bloody Valentine ont directement fait atterrir Broadrick , Martin et compagnie sur un contrat Warner Brothers / Reprise pour l'insanit� dark hop Bad Blood sortie l'ann�e derni�re par Ice . "De toute �vidence c'�tait totalement non commercial, nous avons difficilement vendu quelques disques et ils nous ont l�ch�s. Mais nous avons pris un peu plus d'argent aux corporations, ce qui fut un plaisir. Nous devenons assez bons maintenant pour des contrats � sortie unique avec des labels majors. Nous prenons autant d'argent que nous pouvons et nous faisons larguer. C'est plut�t une mentalit� de pirate." La vision d'un Broadrick brandissant son sabre avec son bandeau sur l'oeil nous fait tous les deux rire.
C'est peut �tre l� que r�side le plus fondamental des paradoxes de Broadrick . Associ� � beaucoup de musique noire, col�rique, claustrophobe, mena�ante, exp�rimentale et magnifiquement d�rang�e, on pourrait attendre de lui qu'il soit un introverti misanthropique. Le fait que les dossiers de presse de sa compagnie de disque fassent r�f�rence � lui comme � un ermite et qu'il ait �t� associ� au terme 'ambient isoliationniste' n'aide pas. Heureusement l'oppos� s'impose d�s son salut jovial. Il est rare qu'une interview t�l�phonique livre une telle perception d'un caract�re, mais apr�s 80 minutes, j'ai l'impression que j'ai fait la connaissance de Broadrick . Il se r�v�le �tre espi�gle et affable, passionn�, coh�rent et intelligent; aussi bien � l'aise sur les r�alisateurs de films surr�alistes que sur la th�orie musicale. "Je suis un animal totalement sociable!" r�torque-t-il, apparemment intrigu� par de telles accusations non-fond�es. "A la base, je suis une personne de bonne nature et de bon caract�re." Apr�s une pause, il conc�de, "Mais je fais de la musique parmi les plus glauques et horribles."
Us and Them marque un autre �cart aux traditions de Godflesh , ayant �t� enregistr� et mix� sur deux ans, par opposition avec leur habituel processus de studio'aussit�t entr� / aussit�t sorti'. En cr�ant un disque 'visionnaire', le proc�d� �tait "beaucoup plus b�n�fique que pour aucun autre disque que nous ayons fait. Cela nous a donn� le temps de grandir avec le disque, de continuellement r�gurgiter les chansons. Il [Us and Them] change tellement, pas seulement en terme de chansons ou de contenu, mais aussi de production. Tu obtiens beaucoup d'angles diff�rents, tu peux entendre combien de temps a �t� pass� a donner forme et � styliser chaque chanson. C'est le p�le oppos� d'un album comme Selfless qui a �t� compos� autour d'un m�me moment et enregistr� de fa�on si uni-dimensionnelle, d'un seul bloc." Cette derni�re sortie est comme toujours auto-produite. "Nous sommes absolument obs�d�s par nous-m�mes. Nous savons exactement ce que nous voulons. Quand nous construisons un album nous savons comment nous voulons qu'il sonne. En fait, je ne pourrais pas tol�rer l'id�e que quelqu'un d'autre nous dise o� nous pourrions aller. C'est une vision tr�s centr�e." Quand la vision de Broadrick vacille occasionnellement, c'est du � sa nature souvent exp�rimentale. La musique exp�rimentale, par d�finition, ne marche pas toujours. Quoiqu'il en soit, la satisfaction d'un tel travail pour l'auditeur et la culture musicale est incommensurablement plus grande que celle d'un travail plus mainstream, un fait que Broadrick est heureux d'accepter. "Il y a tellement de trucs de Godflesh que je pourrais r�utiliser dans un 12'' de Solaris BC [son projet de techno minimale] , par exemple. Je me plains � propos de tout ce que je fais, vraiment. Je ne suis jamais compl�tement satisfait avec quoi que ce soit, mais je pense qu'il est tr�s important de garder les pieds sur terre de cette mani�re. Je pense que si jamais je faisais un disque et pensais 'C'est le meilleur!' et qu'il sonne toujours brillant apr�s un an, j'abandonnerais probablement. C'est comme si ton travail �tait fini, vraiment. Mais je ne peux pas m'imaginer faisant quelque chose dont je suis content � 110%. Je me vois toujours en train de continuer � 60 ou 70 ans, tu sais. Je n'arr�terai jamais la musique. C'est une obsession. Et c'est ma vie."

Avec un �talage de mat�riel souvent obscur, par o� commencer pour obtenir un reflet de la carri�re multi-genre de Justin Broadrick? Broadrick et Sean Long explorent 10 de ses meilleurs moments.

NAPALM DEATH - SCUM (Earache 1987).
Sonnant remarquablement comme Crass dans leurs premi�res incarnations, Broadrick (guitare) et Bullen (Basse et 'Chant') commenc�rent leurs incursions dans l'extr�misme � peu pr�s au m�me moment o� Harris (Batterie) rejoint la formation. Dans les deux ans qui ont suivi l'arriv�e de Harris , Broadrick et Bullen avaient quitt� le groupe, mais pas avant avoir combin� deux genres, invent� le 'blast beat', enregistr� la moiti� d'un album et d'avoir d�frich� le grindcore. Bien que Broadrick n'ait �crit que les douze premiers titres de Scum qui sortit plus tard, sa contibution est si monumentale, et l�gendaire, qu'elle m�rite l'attention. Ridiculement extr�mes, la plupart des titres n'exc�dent pas les deux minutes, et l'un d'entre-eux, le 'You Suffer' de 0,75 secondes, obtint ue large notori�t� en tant que titre le plus court au monde. Simplement l'un des albums les plus heavy qui ait jamais exist�, cet album r�v�le l'innovation pleine de jeunesse et inspir�e du punk de Broadrick , �tablissant le sh�ma directeur de tout le metal ext�me futur. "Nous avions �t� expos� aux d�buts du death metal et aux d�buts du hardcore rapide am�ricain. Nous pensions juste 'Nous pouvons jouer plus vite que �a�!' . Et c'est ce que nous faisions. Nous avons purement obtenu notre notori�t� sur le fait que nous �tions le groupe le plus rapide au monde." Pure atonalit� grin�ante � l'oreille, les paroles anarcho de Bullen sont difficilement d�chiffrables, m�me avec une transcription. Brillant.

GODFLESH - STREETCLEANER (Earache, 1989)
Un choix �vident. Longtemps consid�r� comme la sortie d�finitive de Godflesh , Steetcleaner repr�sente la distillation compl�te et la r�alisation des id�es pr�sent�es sur le premier album �ponyme de 1988. Broadrick (guitare, chant) et Green (basse) s'uniss�rent aux 'machines' et � leur collaborateur occasionnel Paul Neville pour cr�er le premier album dipl�m� en rock industriel. Des riffs brutaux de guitare � couper le souffle se fondent avec une basse distordue et des rythmes synth�tiques dansants, tandis que des couches de bruits et larsens de guitare se battent avec des voix trait�es, des boucles et des samples sinistres pour gagner un espace. Le respect� Alternative Press a r�cemment proclam� Streetcleaner comme �tant un des albums les plus importants des ann�es 90. Pas mal pour un album qui n'est pas sorti cette d�cennie! "Il a chang� ma vie�!" s'exclame Broadrick . "C'�tait un album n� de la rancune. C'est un album sale, vicieux. Il nous a d'une certaine mani�re amen� un auditoire plus important, nous n'avions jamais esp�r� en vendre plus de quelques milliers dans le monde entier." Broadrick s'�tait d'abord associ� � Green et Neville en tant que batteur, alors qu'il �tait encore dans Napalm Death , pour former l'�ph�m�re projet proto- Godflesh� : Fall of Because . Beaucoup des chansons de Fall of Because ont fini dans Streetcleaner , quoique radicalement retravaill�es. Un sch�ma directeur pour les productions futures de Godflesh qui a �t� beaucoup photocopi� depuis. Malgr� les paroles glauques, l'implacable r�p�tivit�, et la production violente, il est coh�rent et entra�nant sur certains passages. Les 14 titres sont tous des classiques superlatifs de la musique industrielle moderne.

SCORN - VAE SOLIS (Earache, 1992)
Ennuy� par leur direction sans but, Mick Harris quitte l'enti�rement organique Napalm Death en 1991 pour explorer les possibilit�s des compositions technologiques. Harris reprend rapidement contact avec Bullen , la paire se met � travailler sur leur premier album sous la banni�re de Scorn . Bien que ce ne soit pas exactement une collaboration puisque Broadrick n'a fait que travailler sur les cr�ations de Harris et Bullen en tant que guitariste invit�, Vae Solis contient une de ses performances les plus simples mais brillantes. "C'est tellement mon jeu de guitare, mais simplifi�. J'ai abr�g� tout ce que je fais normalement. Je pense que les parties de guitares �taient tr�s efficaces pour cette raison. C'est un tr�s bon album sur certains passages." Vae Solis est le document enregistr� d'un groupe qui trouve ses marques, s'ouvrant avec des titres pas si �loign� du Napalm Death des d�buts et explorant de mani�re plus importante l'ambient dub et l'ambient sans rythme plus tard dans l'album. De nombreux samples de films obscures et les myst�rieux vocaux minimalistes de Bullen parfument l'album. Le dub post industriel de 'On Ice' et 'Heavy blood' b�n�ficient �norm�ment des fant�matiques et fascinantes abstractions guitaristiques de Broadrick . Harris travaille maintenant en solo, mais lui et Bullen ont plus tard cr�� une pi�ce ma�tresse du dub des ann�es 90 avec Evanescence (1994), lui aussi tax� par Alternative Press comme un des albums les plus importants de la d�cennie pass�e.

GOD - POSSESSION (Venture / Virgin, 1992)
Possession s'ouvre dans une veine similaire � celle du Betty de Helmet avec une phrase de guitare solitaire, pleine de grain et r�p�t�e. Possession , quoiqu'il en soit, explose ensuite en un maelstrom de pure terreur jazz avec une f�rocit� jamais approch�e par Page Hamilton et sa bande. Le groupe God , maintenant d�funt, du saxophoniste compositeur Kevin Martin produisait ce que l'on pourrat �ventuellement appeler du jazz metal exp�rimental. Le line up fluide de God contenait habituellement trois bassistes, des saxophonistes tenor, alto et baryton, deux batteurs, des clarinettes, des altos, des didgeridoos et dans ce cas, le compositeur cingl� John Zorn . Broadrick a contribu� � cet album et au The Anatomy Of Addiction de 1994 sous forme de guitares fr�n�tiques et abstruses heavy jazz. Comme pour Vae Solis , Broadrick n'a pas �t� impliqu� implicitement dans la construction de cet album, n'�crivant que ses parties de guitare, mais Possession est important parce qu'il r�v�le une autre facette rarement observ�e dans son travail .� "Kevin voulait juste ma guitare sur ces albums, alors vraiment, je n'ai fait que me pointer et jouer. Possession est un album incroyable, il est �norme dans ce qu'il fait � l'id�e du jazz, dans sa mutation du jazz. Mais pas dans un sens branleur et avant-garde." � Il n'est pas aussi inaccessible que vous pourriez le penser, une sorte de Miles Davis ressuscit� sous acide peut-�tre.

ICE - UNDER THE SKIN (Pathological, 1993)
"Cet album nous a permis � Kevin Martin et moi de nous ressaisir. Il nous a permis de rassembler nos esprits sur les choses que nous voulions accomplir dans la musique. M�me si c'est un album qui n'est pas tr�s connu, c'est un disque tr�s important." Probablement la sortie la plus obscure qu'il faudrait inclure dans la liste r�cemment publi�e dans Alternative Press , Under The Skin est un psych�d�lique pastiche dubby, lourd en basse, conduit par la guitare et les samples. Sorti sur le label ind�, d�funt depuis, de Kevin Martin , Pathological Records (et tr�s dur � trouver maintenant) ce disque est un prototype de post rock des ann�es 90. De fa�on surprenante, Tricky a 'ador�' cet album, l'a sampl� et a tent� sans succ�s de recruter Martin pour son premier album Maxinquaye . La guitare riche en tonalit�s de Broadrick hurle par dessus un miasme sonique complexe, o� des samples � moiti� enfouis entrent en comp�tition pour se faire entendre avec une mixture glorieuse et immense de percussions lives, de boucles, de saxophones et des voix grin�antes de Martin . Pas aussi sombre que la plupart des collaborations Broadrick / Martin , mais plus furieux que jamais. On remarquera le d�prav� et totalement surcharg� de guitare '.357 Magun Is A Monster' , le frissonnant et r�p�titif 'Stick Insect' , l'intensist� dansante copi�e-coll�e de 'Skyscraper' . Cet album d�montre le tour de main de Broadrick et Martin pour la cr�ation de paysages sonores hautement cr�atifs et au concept sans pr�c�dent.

TECHNO ANIMAL - RE-ENTRY (Virgin, 1995)
Re-Entry ferait une parfaite bande son pour un roman de J. G. Ballard . Ruisselant de malice, des titres comme 'Cape Canaveral' , 'Mastodon Amricanus' , et 'Demodex Invasion' ne s'�noncent pas seulement comme des titres de Ballard , mais peuvent aussi facilement imagin�e comme l'�quivalent sonique de paysages post-apocalyptiques. Broadrick et Martin ont cr�� un album visionnaire; avec les douzes titres d'un double album qui s'�talent sur des dur�es de 7 � 12 minutes, Re-Entry n'est pas destin� aux cardiaques. Divis� en deux moiti�s distinctes, les deux disques sont un m�lange de dub lourd et de rythmes hip hop fusionn�s avec des malveillances industrielles grognantes et paysagesques. Le (presque) rapide 'Flight Of The Hermaphrodite' et l'opression claustrophobe de 'Needle Park' b�n�ficient toutes deux de la contribution du renomm� trompettiste exp�rimental Jon Hassel . "Un autre album tr�s, tr�s important, un grand pas en avant. Il est tellement �pique. Il s'�tend (oserai-je dire) de morceaux ambient 'isolationnistes' � des morceaux obliques, surr�alistes de hip hop instrumental. Un sch�ma directeur pour l� o� nous allons actuellement avec Techno Animal actuellement; nous avons d�couvert un peu plus encore la beaut� du rythme." Re-Entry voit tous les �l�ments organiques �tres �limin�s, quand les guitares, harpes, violes, saxophones ou basses lives appara�ssent, ils sont d�velopp�s, trait�s, mut�s et tordus jusqu'� ce que tout vestige d'humanit� soit retir�. Cauchemardesque et d'un autre monde, mais compl�tement irr�sistible.

FINAL - TWO (Sentrax /Rawkus, 1996)
D�crire ce qui n'a pas de rythme ou l'ambient 'isolationniste' est une t�che difficile. Le terme 'isolationniste' fut invent� par le th�oricien musical occasionnel Martin en �crivant les notes de livret pour l'importante compilation Ambient 4�: Isolationism . Essentiellement minimaliste et ne contenant souvent que du bruit pur, le genre se pr�te aux interpr�tations personnelles polys�miques de l'auditeur. C'est une musique solitaire uniquement pour la t�te. Two est une des cr�ations les plus abordables du genre, et r�v�le l'utilisation par Broadrick de la simple beaut� de la r�flexion. Contenant un nombre �gal de morceaux divinement m�lodiques et de morceaux de bruit structur�, Two pourrait �tre vu comme la caract�risation de la 'face l�g�re' de Broadrick , contrastant avec la 'noirceur' de Godflesh . Essentiellemnt cr�� � partir manipulations de la guitare, Broadrick n'est pas contre l'id�e d'inclure 'tout' dans les cr�ations de semi-musique concr�te de Final , que ce soit le piano, le violon, ou des samples voil�s de 'soufflement dans des bouteilles'. La simplicit� du piano, de la basse et de la guitare sur le titre 4 (puisqu'il n'y a pas de titres corrects sur l'album) est l'hommage de Broadrick au compositeur Eric Satie . "J'adore ce titre." acqui�ce-t-il. Les drones m�lodieux du titre 3 et les couches de guitares non affect�es du titre de cl�ture sont aussi des travaux d'une beaut� stup�fiante. "C'est un album assez m�lancolique, une musique d'humeur profonde." Bizarrement sorti sur un label de hip hop, Green participe aussi � beaucoup des morceaux.

GODFLESH - SONGS OF LOVE AND HATE (Earache, 1996)
Empruntant son nom � un album de L�onard Cohen , le Songs Of Love And Hate aux textes introspectifs est l'album le plus coh�rant de Godflesh depuis Streetcleaner . L'incorporation de rythmes hip hop en filigrane dans Pure est ici pouss�e en avant, et le plus que jamais pr�sent groove de Godflesh 'swingue' v�ritablement. Naturellement, les guitares sont toujours aussi fortes, distordues et dans-ta-face. Le batteur Brian Mantia (maintenant dans Primus ) a rejoint Broadrick et Green pour Songs Of Love And Hate , l'int�raction entre les batteries lives et programm�es ajoutant une dimension suppl�mentaire � l'album. On remarquera 'Gift From Heaven' qui cr�e une ouverture qui donne le frisson avec des couches harmoniques de samples de la voix de Brian Wilson, la tendre m�lodie de 'Frail' , la rencontre du hip hop sensationnel avec l'oscillation de la guitare psych�d�lique de 'Almost Heaven' . Bizarrement, ce n'est pas un des albums pr�f�r�s de Broadrick . "C'est un album dont j'ai du mal � parler en ce moment, je pense que Us And Them enterre compl�tement Songs Of Love And Hate ." Songs Of Love And Hate , tout comme Us And Them est beaucoup plus bas� sur un format chanson que les sorties pr�c�dentes de Godflesh . "Je vois beaucoup Godflesh comme un travail de chanson, m�me s'il n'en n'a pas les apparences. Les titres ont des formules �tablies de chanson, ils ont des couplets et des refrains." Plus accessible et soniquement direct que les sorties pass�es, Broadrick conc�de le fait que cet album est d�pourvue de titres faibles.

ICE - BAD BLOOD (Morpheus/Reprise/Warner, 1998)
Le second album de Ice n'a compl�tement rien � voir au niveau stylstique, si ce n'est sonique, avec le premier. Contenant un pl�thore de musiciens et de rappeurs invit�s, une m�thode similaire � celle d' Under The Skin est employ�e. Complexe et massif, on peut soutenir que Bad Blood poss�de une des productions les plus incroyablement soupesque et oppressive qui ait jamais �t� utilis�e. Les instruments 'naturels' abo
ndent (basse, guitare, percussion live, saxophones) mais, commun�ment aux r�cents projets de Broadrick / Martin , ils ont �t� �chantillonn�s et trait�s au point de devenir m�connaissables. Une r�action � la nature d�sormais conservative du genre, Bad Blood est "un pas suppl�mentaire dans la mutation du hip hop moderne. C'est devenu tellement auto marginalis�. Nous avons essay� de r�invoquer ce truc dingue du hip hop; coulant, d�glingu�, stratifi�, tordu, mut�, et tout ce que n'est pas le hip hop commercial." explique Broadrick . Il faut remarquer que Bad Blood est d'une nature hautement r�volutionnaire et non pas r�actionnaire. Un album ph�nom�nalement puissant et consistant o� la guitare de Broadrick cascade comme les partitions noires d'une pluie tombant sur un paysage d�sol�. L'informit� du dark hop vitriolique de 'When Two Worlds Collide' fairait la parfaite bande son des cris d'une terre mourante. Bestial et essentiel.

YOUPHO - ANTIBODY et ANXIETY (12" sur Hardleaders et Movement, 1998) Techniquement parlant, ces deux sorties sont s�par�es mais elles sont stylistiquement et temporellement suffisament proches pour permettre leur union dans la discussion. Ces titres uniquement sur vinyl sont des exemples consomm�s de la drum n bass de la fin des ann�es 90 et trouvent le juste milieu entre le corps et l'esprit. "C'est une des raisons pour lesquelles je respecte autant le genre, il marche sur la piste de danse et il marche chez soi, mais il faut avoir la production comme il faut. En ce moment, je pr�f�re voir un DJ qu'un groupe de rock. C'est tellement plus excitant, �a poss�de l'�nergie que je recherche dans la musique et qui manquait." Broadrick est rejoint par le DJ jungle Oliver Waters sur le 12 pouces marginalement sup�rieur Anxiety , mais on pourra d�battre de l'�galit� ou de la sup�riorit� en qualit� des deux sorties sur les r�centes livraison de PCM , Dom and Roland ou Ed Rush and Optical . Intelligent, propice au frisson, atmosph�rique, entra�nant, f�roce et �minemment dansant. "Il y a des ann�es, j'aurais �t� excit� par l'�coute d'un riff de guitare par Discharge ou Slayer , ou qui que ce soit. Maintenant, ce qui m'excite c'est d'entendre une ligne de basse super dure de drum n bass."

 

traduction de l'Anglais par lo�c
toute l'�quipe de P.O.G.O tient � remercier Sean 'Tintin' Long.

 

Liens:
Avalanche, le site officiel de tous les projets de Justin Broadrick.
Godflesh.com, le site le plus complet sur Godflesh et les projets annexes de ses membres actuels et pass�s.