«World’s Most Wanted», la série documentaire française qui cartonne sur Netflix

Lancée le 5 août, la série conçue par deux sociétés de production tricolores raconte la traque de grands criminels recherchés dans le monde.

 Chaque épisode de « World’d Most Wanted » s’intéresse à un criminel en cavale, à l’exception de celui sur Félicien Kabuga, qui a été récemment arrêté.
Chaque épisode de « World’d Most Wanted » s’intéresse à un criminel en cavale, à l’exception de celui sur Félicien Kabuga, qui a été récemment arrêté. Capture d’écran YouTube/Netflix

    L'idée a germé il y a deux ans et demi dans le modeste bureau parisien de Nova Production. Ses cinq journalistes ont eu l'idée d'un documentaire sur Matteo Messina Denaro, le dernier parrain de la Cosa Nostra, la mafia sicilienne. Le résultat a déboulé sur Netflix le 5 août et s'accompagne de quatre autres volets. « World's Most Wanted » figure dans le top 10 des séries les plus regardées aux Etats-Unis et au Canada. Elle s'est même hissée dans le top 5 pendant une dizaine de jours.

    Cette série française aux épisodes indépendants raconte la traque de cinq criminels toujours recherchés dans le monde. Semion Mogilevich, un boss des mafias russes, d'origine ukrainienne, Samantha Lewthwaite, Anglaise convertie recherchée pour des attentats islamistes en Afrique, Matteo Messina Denaro, dernier grand parrain sicilien, Ismaël Zambada, à la tête du cartel de Sinaloa au Mexique et Félicien Kabuga, considéré comme le financier du génocide rwandais. Cet épisode se referme sur l'arrestation (la seule de la série) de ce dernier en banlieue parisienne, en mai.

    Le succès du programme varie selon les continents. En Amérique latine, le volet consacré au cartel de la drogue mexicaine est naturellement plébiscité. « World's Most Wanted » affiche d'excellents résultats en Afrique, avec les épisodes sur le génocide rwandais et Samantha Lewthwaite, la veuve blanche, soupçonnée d'actes terroristes au Kenya.

    Deux heures ont suffi pour convaincre Netflix

    « On voulait enquêter sur les plus grands criminels recherchés à travers le monde, on a visé le grand niveau, sur différents continents, en excluant les tueurs en série », raconte Thomas Zribi, de Nova. Ce journaliste, à l'origine de la série et auteur d'un épisode, est « impressionné » par cette sortie mondiale. Nova a l'habitude de travailler pour des chaînes françaises. Aucune n'a été séduite par la thématique des « grands criminels ». La société de production a donc envoyé le projet à Diego Bunuel, alors patron des documentaires Netflix en Grande-Bretagne (devenu directeur des programmes de France Télévisions en juin). « Deux heures plus tard, il me rappelait pour me donner son accord, c'est incroyable », se souvient encore Thomas Zribi.

    Netflix a demandé à Nova de s'associer à une boîte de production aux épaules plus larges. Nova a choisi comme partenaire Premières lignes (« Cash Investigation » sur France 2, Vert de rage sur France 5…), dont l'un des patrons, le journaliste Paul Moreira, a d'ailleurs réalisé le premier épisode consacré à « Ismael Zambada Garcia, le fantôme ».

    Une fois associées, les deux sociétés françaises ont obtenu de la plate-forme américaine un financement confortable. « Cinq fois ce que débloquent habituellement les chaînes françaises pour un docu d'investigation, compare Thomas Zribi. Le budget nous a permis d'aller dans plusieurs pays en Afrique pour remonter le parcours de la Veuve blanche, de payer de nombreuses archives. Comme les droits pour Netflix sont internationaux et à vie, ils peuvent coûter jusqu'à dix fois plus cher. »

    Une deuxième saison déjà à l'étude

    Le géant ne lâche pas des lingots sans retour. Il exige de la qualité sur tous les plans : bande-son, montage, graphisme. Et le résultat impressionne. Outre la qualité des investigations et des témoignages recueillis, la narration de la série est digne d'un polar. La traque est racontée à l'américaine, sans commentaire, en livrant les infos au goutte-à-goutte pour entretenir le suspense. Ainsi dans le dernier épisode « Matteo Messina Denaro, le dernier parrain », un repenti raconte l'enlèvement de son fils de 12 ans, en 1993, par la mafia qui veut lui imposer le silence. On écoute le calvaire du garçon, ses sévices, ses « 779 jours en enfer », comme le raconte Santino Di Matteo, bien déterminé à coopérer avec la police. Et l'issue, fatale. On est bluffé par ce père qui ne verse pas une larme, attendant juste que Messina Denaro termine « en prison et qu'on jette la clé ».

    Les documentaires font parler les traqueurs (les policiers), les victimes, les auteurs. Dans le génocide rwandais (épisode 2), Thomas Zribi interroge en prison une animatrice de la radio des Mille Collines qui encourageait le massacre des Tutsis dès l'été 1993. « Cette folie absolue incompréhensible et animale, m'a fait faire des cauchemars », confie le réalisateur.

    Portée par ce succès, Nova Production réfléchit déjà à une deuxième saison, toujours axée sur des criminels en fuite à travers le monde. La petite société n'a pas pris le melon pour autant. Elle reste à cinq salariés et continue principalement à travailler pour les chaînes françaises.

    LA NOTE DE LA RÉDACTION : 4/5

    « World's Most Wanted », série documentaire en cinq épisodes écrite par Thomas Zribi et dirigée par Jérôme Fritel. Sur Netflix.