Rentrée littéraire - Avec Pierre Assouline, Sigmaringen, c'est la vie de château !

De septembre 1944 à avril 1945, le gouvernement de Vichy et quelques irréductibles collabos investissent Sigmaringen. Assouline fait revivre ce théâtre d'ombres.

Par

L'écrivain Pierre Assouline, ici en 2005.
L'écrivain Pierre Assouline, ici en 2005. © AFP

Temps de lecture : 5 min

Connaissez-vous Sigmaringen ? Cette ville du sud de l'Allemagne abrite l'un des plus majestueux et des plus grands châteaux européens, berceau et écrin des Hohenzollern, famille qui régna sur la Prusse, la Roumanie et, bien entendu, l'Allemagne ! Ses racines remontent à près d'un millénaire et elle figura longtemps parmi les grands électeurs du pays. Le 7 septembre 1944, leur demeure est réquisitionnée pour accueillir le gouvernement de Vichy en exil. Le maréchal Pétain, Pierre Laval et Fernand de Brinon - qui dirige la commission gouvernementale censée incarner la continuité du régime - débarquent suivis de leur aréopage de collaborateurs et de sympathisants. Parmi eux se détache le docteur Destouches, alias Louis-Ferdinand Céline. Celui-ci raconta ces semaines ubuesques dans son célèbre D'un château l'autre. En dehors de ce roman, forcément suspect aux yeux de quelques-uns, pas grand-chose n'avait été écrit sur ce huis clos. Pierre Assouline s'est jeté dans la bataille, réconciliant les deux facettes de son métier : journaliste pour l'enquête, écrivain pour la recension de cet étrange entre-deux historique.

Pétain, Laval, Brinon : la haine cordiale

Posons les jalons : partout, les troupes hitlériennes reculent. À l'automne 1944, la défaite du Reich est inévitable, sauf chez ces irréductibles qui dissertent encore sous les boiseries et les lustres des princes qui les hébergent d'un renversement de situation, d'armes secrètes miracles, d'un sursaut national, d'un effondrement américain... On est au théâtre et les vieux comédiens ressassent inlassablement leur texte. Dans Sigmaringen, le héros est le majordome en chef et homme de confiance de la famille. Il est chargé de veiller à l'intégrité des lieux afin de rendre en parfait état la forteresse à ses maîtres. Si Julius Stein est un taiseux, il a des yeux et des oreilles. Rien ne lui échappe ! Entre Pétain, Laval et Brinon, c'est la haine cordiale. Désoeuvrés, ils s'attachent à l'étiquette, à préserver leur minuscule avantage sur le voisin, à occuper leurs journées, à asticoter leurs adversaires, à galvaniser leurs maigres troupes, à égayer leur table... Au château, l'ambiance est crépusculaire, et la bêtise le dispute à la lâcheté. Plus bas, en ville, un millier de collaborateurs sont dans l'expectative. Ils tentent de reconstituer un confetti de France et construisent un château en Espagne. En plus du désoeuvrement, ils sont confrontés à un médiocre état sanitaire et à une "espionite aiguë".

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaire (1)

  • spando

    Il s'agit d'un petit morceau du défunt code pénal, punissant de mort le crime d'intelligence avec l'ennemi en temps de guerre... Les pensionnaires de Sigmaringen devaient penser à ce qui pouvait les attendre, à terme...
    D'autres n'avaient pas forcément le temps de cogiter, puisqu'ils baroudaient à Berlin ou ailleurs, et payaient par le sang des alliances forcément coupables. Mais au bout du compte, on a coupé quelques têtes, et laissé les 2e couteaux se refaire une santé en toute discrétion : vive la Continuité Française !
    Et tant pis pour la dignité...