Littérature : disparition de Vassilis Alexakis, le plus français des écrivains grecs

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Vassilis Alexakis est mort ce 11 janvier à Athènes, des suites d’une longue maladie. Ecrivain grec d’expression française, passeur de cultures ne cessant de questionner le mystère des identités, il avait aussi soutenu Syriza et Alexis Tsipras.

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Par Marina Rafenberg

Vassilis Alexakis
© efsyn.gr

Vassilis Alexakis, le plus français des écrivains grecs, est décédé ce lundi à Athènes, à l’âge de 77 ans, des suites d’une longue maladie. Arrivé en France à 17 ans après avoir obtenu une bourse pour étudier le journalisme à l’Ecole supérieure de journalisme (ESJ) de Lille, Vassilis Alexakis avait fait de la France son pays d’adoption. Après ses études, il rentra en Grèce pour faire son service militaire mais le coup d’Etat des colonels venait de se produire, en avril 1967, et il décida de rebrousser chemin pour Paris. Il collabora comme journaliste à divers titres comme Le Monde, La Croix, France Culture, s’essayant même au dessin humoristique de presse. Il a travaillé pendant quinze ans au Monde des livres. Enfin, à l’âge de 40 ans, il décida de se consacrer entièrement à son métier d’écrivain.

Parmi ses oeuvres les plus marquantes, on peut citer Contrôle d’identité (1985), Paris-Athènes (1989), La Langue maternelle, qui lui valut le prix Médicis en 1995, Ap.J-C, récompensé par le Grand Prix de l’Académie française en 2007.

S’il a écrit dans un premier temps uniquement en français, il a ensuite repris sa langue maternelle pour écrire quelques ouvrages en grec. Dans ses oeuvres, Vassilis Alexakis interroge la double appartenance, l’identité, les origines des langues, l’importance de la traduction juste, mais aussi raconte le monde contemporain. Dans son dernier roman (La Clarinette, Le Seuil, 2015), il a donné son analyse de la crise grecque. « La Grèce, berceau de la démocratie, est restée à l’écart du processus de formation des Etats européens, elle est passée à côté de la Renaissance et a ignoré le siècle des Lumières. C’est son vrai drame et son paradoxe. Puis elle est sortie de l’occupation ottomane comme si rien n’avait changé. L’Etat est resté l’ennemi, tout le monde cherche à tricher, seule compte l’organisation familiale », expliquait-il à L’Express en 2015.

Vassilis Alexakis avait soutenu la cause des exilés en Grèce et pris position contre la politique anti-réfugiés de la France. Dans une interview au Monde, il déclarait : « l’attachement que j’ai pu avoir pour ce pays (la France) quand j’étais adolescent était dû en partie à des étrangers, ou tout au moins à des Français d’origine étrangère, à Van Gogh et à Salvador Dali, à Kopa et à Piantoni, à Beckett et à Ionesco. (...) Dans un pays où le tiers de la population est issu de l’immigration, faire obstacle à l’arrivée de nouveaux étrangers est une façon de mettre en péril plutôt que de sauvegarder l’identité française. »

En 2009, Il fut candidat aux élections européennes en Grèce sur la liste de la Coalition de la gauche radicale Syriza. En 2014, Vassilis Alexakis avait soutenu Alexis Tsipras avant qu’il ne soit élu Premier ministre, signant un texte intitulé « Le temps est venu d’une gauche européenne ».

Amoureux de son île d’adoption de Tinos, il était récemment revenu vivre en Grèce, déclarant en 2016 au Journal des Rédacteurs : « quand tu vis à Paris en 1969, la Grèce devient un pays mythique. En rentrant dans la Grèce de la crise, j’ai débarqué dans une autre réalité. J’ai compris que mon pays n’était pas celui que je pensais, celui des étés à Tinos ».