La note de la congrégation pour la doctrine de la foi datée du 22 février 2021 est claire : l’Église ne dispose pas du pouvoir de bénir les unions de personnes du même sexe, car « Dieu ne bénit pas et ne peut pas bénir le péché. »

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Voilà c’est dit. Fin de non-recevoir. Fermez la porte ! Comment ne pas ressentir colère, consternation et révolte devant cette nouvelle violence faite aux personnes homosexuelles et à leurs familles ?

Un acte politique

Alors que s’ouvre l’année Amoris Lætitia, une année pour les familles, je ne peux m’empêcher de percevoir ici un geste politique de résistance ouverte au pape François. Les propos qu'il a tenus récemment, estimant que les personnes homosexuelles ont le droit d'être en famille et qu'elles ont droit à une couverture civile légale, ont en effet provoqué une vive polémique. Le Vatican (mais qui est le ‘Vatican’ ?) avait précisé en hâte que le pape François ne voulait pas remettre en cause le dogme du mariage entre un homme et une femme. Le véritable accusé dans cette histoire, c’est peut-être lui.

Un air de déjà-vu : dans l’Évangile de Jean, la femme accusée d’adultère est cernée par des pharisiens, la Loi de Moïse au poing. « Toi, qu’en penses-tu ? » En réalité, cette femme, objet de leur mépris, n’est qu’un prétexte car, souligne le rédacteur, c’est bien le procès de Jésus que fomentent les gardiens de la Loi. « Ils parlaient ainsi dans l’intention de lui tendre un piège, pour avoir de quoi l’accuser » (Jn 8, 6).

Un camouflet à l’Exhortation Amoris Lætitia et… à l’Evangile

Osons affirmer que cette note est un démenti glacial à la démarche de l’Exhortation Amoris Lætitia, un contre-exemple de la conversion pastorale prônée par ce grand texte qui, justement, exhorte à renoncer aux jugements intempestifs, aux questions - réponses lapidaires, toutes faites, à portée universelle, jetées « comme des pierres lancées à la vie des personnes ». (A.L. 305) Amoris Lætitia, c’est une éthique du discernement, de l’accompagnement pas à pas, de l’intégration au ‘cas par cas’qui implique un regard de fraternité, dans la durée, à la lumière de l’Évangile de la miséricorde. Tout voir dans le regard du Christ est la démarche clé de l’Exhortation.

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Tout, dans la note autoréférencée de la congrégation pour la doctrine de la foi, fait repenser à la controverse autour de l’accès aux sacrements des personnes divorcées remariées, avec une sévérité accrue : aucun sacrement pour les couples homosexuels, pas même une bénédiction. Bénir les personnes, oui, mais pas leur relation. La pierre jetée est soigneusement enrobée de velours, dissimulant mal une homophobie cléricale criante. L’appel à accueillir « avec respect et délicatesse les personnes à tendance homosexuelle » n'y change rien. Peu importe le revêtement de charité si, au bout du propos, la sanction est l’exclusion.

Que reste-t-il alors comme espérance aux couples concernés pour trouver Dieu et vivre de sa grâce ? Dieu soit loué, dans toutes les paroisses du monde, le peuple de Dieu reçoit chaque dimanche, sans condition, la bénédiction du Seigneur. Elle descend sur tous, généreuse, surabondante, sans sélection. Comme une pluie de bonté, d'encouragement, de réconfort.

Une théologie de la création discutable

Il est écrit dans le livre de la Genèse que Dieu créa l'homme et la femme son image en les appelant à se multiplier. Personne ne remet en cause ce fondement de l’anthropologie humaine : « mâle et femelle il les créa ». Mais, qu'on le veuille ou non, si Dieu est le Créateur de toute chose, c'est donc bien Lui aussi qui a créé des hommes qui aiment des hommes et des femmes qui aiment des femmes : cette réalité résiste.

Il est inimaginable que quelqu’un puisse dire, au nom de Dieu et à la place de Dieu, que le Créateur s'est trompé en créant dès l’origine, et jusqu’à aujourd'hui, des hommes et des femmes naturellement homosexuels de naissance. Et de penser que, pour se venger de sa propre erreur, Dieu condamnerait ceux-là mêmes qu'il a lui-même ainsi créés, jusqu’à leur refuser sa bénédiction ? La Genèse conclut le contraire : « Dieu vit tout ce qu’il avait créé : cela était très bon. » Gn 1, 31.

Qu’est-ce que le péché ?

En théologie, le péché est un acte posé délibérément avec l'intention de faire le mal et de rompre avec Dieu. Comment une identité sexuelle reçue de naissance peut-elle être, en elle-même, un péché, ou un état de péché ? N'est-ce pas plutôt ce que chacun fait de sa sexualité, hétéro ou homo, qui fait d'une relation une relation de péché ou une relation de grâce ?

Déclarer l'homosexualité « péché » , même le Catéchisme catholique ne le fait pas, qui parle pourtant de « déprédations graves » et « d'actes intrinsèquement désordonnés ». Ce vocabulaire blessant et injuste doit être révisé : irrecevable du point de vue humain, il est erroné du point de vue moral et scandaleux du point de vue théologique. Un désastre.

Pardon

Surmontant leur peur de l’Église, et malgré elle, des couples homosexuels continuent de vouloir inviter Dieu à la célébration de leur amour. Nous nous en réjouissons. Missionnés dans nos diocèses pour les accompagner, nous aimons leur offrir un temps d’écoute de la Parole de Dieu et de prière : prière d'action de grâces, de pardon, de supplication, prière universelle. Dieu se donne à eux, nous en sommes témoins. Tous ont besoin de son amour et de sa force pour tenir debout dans les difficultés de leur vie.

Je rejoins aujourd’hui tous ceux qui, dans l'Église, souffrent et demandent pardon pour ce texte régressif qui ne fera aucun bien et beaucoup de mal. J'ai honte. Mais la foi en Jésus unique Sauveur nous habite plus que jamais. Elle est sûre cette parole : « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde mais pour que, par Lui, le monde soit sauvé » (Jn 3, 17). Sans exception. Dès lors, que sa bénédiction repose sur nous TOUS.