Cancers colorectaux, le portable dans l’équation ?

Source : MicrowaveNews.com – 03/06/2019 – Colorectal Cancer Soaring in Young Adults; Are Smartphones in the Mix?

NDLR : Correlation n’est pas causalité mais sait-on jamais, éviter de mettre votre portable à même le corps

DE-Kun Li voudrait que l’on change de prisme concernant la question du téléphone portable et du cancer. Le professeur Li est un épidémiologiste et un chercheur chevronné dans le domaine des champs électromagnétiques, il pense que les tumeurs cérébrales ont été un sujet qui concentrait beaucoup trop l’attention aux dépens des autres cancers, dont notamment celui du cancer colorectal.

Les efforts afin de réduire les cancers rectal et du côlon ont eu un certain succès pour ceux qui sont âgés de plus de 50 ans. L’incidence chez les Américains les plus vieux a diminué de 32% entre 2000 et 2013, lié à un bien meilleur dépistage. Mais l’histoire est un peu différente chez les jeunes adultes. Pour ceux qui sont nés dans les années 1990, le risque de développer un cancer rectal est quatre fois plus grand, et deux fois plus grand en ce qui concerne le risque de cancer du côlon dans leur vingtième année comparé à ceux qui sont nés dans les années 50 selon la Société Américaine du Cancer. (Les taux chez les jeunes adultes sont néanmoins relativement bas, voir le graphique ci-dessous.)

U.S. Trends in Age-Specific Colon and Rectal Cancer Incidence Rates
Source: R.L. Siegel, et al., JNCI, Vol.109, 2017Supplementary Figure 4

Selon le dernier rapport de l’institut national du cancer qui vient d’être publié la semaine dernière, les cancers colorectaux sont le plus courant des cancers chez les hommes âgés de 20 à 49 ans.

« Personne ne peut expliquer cette apparente contradiction » indiqua Li à Microwave News. Les facteurs de risque connus pour ces types de cancer sont l’obésité, un mauvais régime alimentaire et un manque d’activité physique, mais cet épidémiologiste ne peut résoudre un des paradoxes. selon lui, les nouvelles générations auraient une meilleure conscience de leur bien-être et auraient une meilleure alimentation.

Le professeur Li avance une hypothèse alternative : Les jeunes auraient l’habitude de porter leurs portables dans les poches avant et arrière de leurs jeans. « Quand ils sont placés à ces endroits, ils sont positionnés au niveau du rectum et à l’extrémité du côlon, et c’est là où se trouvent les zones où il y a la plus grosse augmentation de cancer ».

L’exposition des portables en veille

Cette hypothèse présume que les portables continuent à émettre des radiofréquences quand ils sont placés dans les poches. Et ils le font, plus particulièrement les smartphones, mais l’exposition est difficile à estimer.

Quand ils ne sont pas utilisés, les portables se mettent en mode veille assez rapidement, et les émissions d’ondes sont largement réduites. Le téléphone reste actif car il doit connaître sa location dans le réseau afin de pouvoir recevoir les appels directs ou des SMS de la plus proche antenne-relais.

Une étude Suédo-Danoise, publiée en 2012, a constaté que les portables en veilles sont en relation avec la plus proche station de base une fois toutes les 2 à 5 heures pour une communication de quelques secondes. « l’exposition en veille peut être assez négligeable » conclut Kjell Hansson Mild de l’université d’Umeå, l’auteur principal de l’étude en question. Jørgen Bach Andersen de l’université d’Aalborg était le coauteur.

Aujourd’hui, le professeur Mild a une vision différente car les smartphones, qui était relativement nouveau lors des travaux de son étude, contacte le réseau beaucoup plus fréquemment, ne serait-ce que pour mettre à jour son positionnement. Le professeur Mild voudrait plus de recherche. « Nous avons besoin de faire des mesures et des dosimétries sur l’exposition engendrée par le téléphone placé dans une poche, » en ajoutant dans une interview « qu’il laissait son téléphone dans son sac et allumé, il utilisait toujours un kit main libres ».

Quand un portable est dans la poche, la distance de séparation du corps est plus faible que celle recommandée par le professeur Om Gandhi d’après Kjell Hansson Mild. Om Ghandi est professeur émérite de l’université de l’Utah, il a publié un certain nombre d’études scientifiques sur l’exposition des téléphones portables, estimé par des mesures et des calculs. (Voici l’une d’entre elles de 2002)

Dans un mail, le professeur Gandhi précisa que dans les tests de conformité, les portables sont placés à 10 mm du corps (NDRL : 5 mm dans la norme européenne). Sans cet espace, comme quand un portable est dans une poche, l’exposition (DAS) est à peu près doublée par rapport aux spécifications indiquées. Dans son plus récent article scientifique publié en avril par l’IEEE, la société de l’ingénierie électrique, explique le problème : « les émissions d’ondes des téléphones portables dépassent les seuils limites de sécurité en Europe et aux États-Unis quand ils touchent le corps ».

Dans son étude, ce professeur démontra que les expositions augmentent quand le portable en veille se déplace :

« Quand une personne porte son téléphone dans sa poche et se déplace dans une ville, le téléphone va se mettre à jour à chaque nouvelle station de base qu’il va croiser dans la zone, et cela peut aller jusqu’à plusieurs fois à quelques minutes d’intervalle, suivant que l’on est dans un centre-ville ou dans la banlieue. Durant ces connexions périodiques, le portable opère à plein puissance.

Un peu plus tard, une évaluation effectuée par Damiano Urbinello et Martin Röösli de l’université de Basel, a démontré que les expositions étaient plus significatives quand le portable est dans un véhicule en mouvement, que ça soit dans une voiture, un train ou un bus. Ils ont prédit que les smartphones allaient probablement augmenter ces expositions à cause de leur besoin de se « localiser dans le maillage plus régulièrement ».

Il y a encore des choses à apprendre sur le sujet. Les professeurs Urbillo et Röösli ont ajouté :

« Il y a un grand besoin d’évaluer plus précisément comment les expositions individuelles aux radiofréquences sont affectées par un portable en veille« .

C’était il y a 6 ans. depuis lors, peu de choses en ont découlé. D’après le professeur Röösli, « il n’y a pas à sa connaissance de recherche sur ce sujet ».

Les expositions sont « assez variables et la quantité de données envoyées dépend du type de portable, du réseau, du fournisseur d’accès et des applications installées ». « En particulier, les fonctionnalités liées au mode ‘push’, qui vont certainement augmenter le volume des données montantes en mode veille ».

Les portables dans les poches sous la ceinture

Est-ce que les jeunes adultes mettent leurs téléphones dans leurs poches ? Le professeur Li s’appuie sur une étude australienne de 2017 chez la femme, âgée de 15 à 40 ans, faites par Mary Redmayne, et qui a constaté que la majorité d’entre elles met régulièrement leurs portables dans les poches situées au niveau de la ceinture. Plus important encore, c’est que les plus jeunes le font le plus. Elle a aussi rapporté que 96% de ces femmes gardent leurs téléphones durant la journée, et 83% durant la nuit.

Dans un échange, Mary Redmayne indiqua qu’elle n’avait aucune information sur cette même question mais concernant les hommes, ni même si d’autres personnes se sont intéressés à cette problématique.

Les taux de cancers colorectaux augmentent chez les jeunes dans plusieurs pays

L’augmentation des cancers colorectaux chez les jeunes a été constatée à travers le monde, et non seulement aux U.S., ce qui inclut plusieurs pays européens, tout comme en Australie et en New Zealand. Quelques semaines plus tôt, le CIRC a publié l’information comme quoi, entre 2008 et 2015, l’incidence des cancers du côlon entre l’âge de 20 à 29 ans, a augmenté de 18% au Danemark, 8% en Australie et 4% en Irlande. Alors que ce risque décline au Canada et en Norvège, le taux de cancer du rectum augmente respectivement dans ces pays de 3.5% et 10,6% par an.

Dans le Lancet, dans la section Gastro-entérologie et Hépatologie, l’équipe du CIRC préconise :

« Bien que l’incidence de ces cancers chez les jeunes adultes soit plus faible que ceux appartenant aux groupes âgés de plus de 50 ans, nos constations sont préoccupantes, et montre la nécessité d’agir pour contrer l’augmentation de ces maladies lourdes chez les plus jeunes« .

De plus en mai, un second groupe de recherche a rapporté une tendance similaire dans 20 pays européens dans le GUT, un journal scientifique de la BMJ. En moyenne, les cancers colorectaux augmentent de 7,9% par an chez les 20/29 ans durant la période de 2004 à 2016. L’effet est moins flagrant quand l’âge augmente : L’augmentation chez les 30/39 ans était de 4,9%, et 1,6% chez les 40/49 ans.

En 1990, le taux était de 0,8 cas pour 100 000 européens dans leur 20ème année. En 2016, c’était 2,3 pour 100 000. Cette augmentation franche est assez récente : Entre 1990 et 2004, l’incidence a augmenté de 1,7% par an, mais a augmenté de 7,9% chaque année entre 2004 et 2016.

Li : Une plausible explication

« Mon hypothèse peut être fausse » confesse le professeur Li, « mais cette explication est aussi plausible que n’importe quelle autre ». Les gens devraient être conscients de ce risque possible, afin que les jeunes adultes puissent choisir de prendre des précautions ou non, et que les chercheurs sur le cancer colorectal puissent sous peser la validité de cette piste.

À travers ces 20 dernières années, le professeur Li, avec l’organisation de santé Kaiser Permanente d’Oakland, a fait un nombre d’études fracassantes sur les effets des ondes électromagnétiques issues du courant électrique. En 2001, il avait rapporté que les femmes avec 6 plus de chance de faire une fausse couche quand elles étaient exposées à des champs électromagnétiques autour des 16 milligauss (voir ici, M/J01 and J/F02). Ses travaux ont été confortés par plusieurs autres et à l’heure actuelle, pas moins de 7 études renforcent ce risque reprotoxique liés aux champs électromagnétiques.

Dans d’autres projets, Li a démontré que les champs électromagnétiques peuvent affecter la qualité du sperme chez l’homme et qu’une exposition prénatale peut conduire à de l’asthme et de l’obésité durant l’enfance.

@+ Jay

Maj 31/07/2019 :

Li : Une tendance similaire au Canada

De nouvelles données, venant d’être publiées aujourd’hui, démontrent la même tendance chez les hommes et les femmes au Canada. Le taux des cancers colorectaux est en diminution chez les plus de 50 ans et au contraire augmente dans le groupe en-dessous de cette âge. Voir le graphique ci-dessous.

Vous pouvez retrouver les résultats dans la revue médicale JAMA Open Network. L’étude est en libre accès.

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