Tribunes

E-learning 2022 : 10 tendances à surveiller. Par Stéphane Diebold

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Comme chaque année, les premiers jours sont l’occasion de présenter ses bonnes résolutions pour l’année à venir. Nous ne faillirons pas à la tradition pour vous donner matière à réfléchir sur dix tendances, organisées de façon non-hiérarchique. Il s’agit de signaux plus ou moins faibles qui permettent de penser l’avenir du e-learning.

Quelles sont les tendances en matière de e-learning pour 2022 ?

1/Le nugget learning

Le nugget learning a une double acception : il signifie tout à la fois "pépites" d’or et "croquette" de poulet. La formation devient un fast-food, les pépites facilement digérables... Du point de vue de l’offre, il s’agit d’émietter les grains de formation en micro-learning ou snack content. L’ordonnancement nécessite de réécrire ces contenus avec une nouvelle grammaire, ciseler les mots et les idées pour aller à l’essentiel et éviter ainsi l’infobésité et/ou le burn out attentionnel. Cette ergonomie pédagogique va permettre de construire des objectifs ambitieux. Il ne s’agit pas d’une dévalorisation des contenus : le nugget learning est un outil qui voit petit pour voir grand.

2/Les classes virtuelles

La classe virtuelle est née massivement avec le confinement du 17 mars 2020. Bientôt deux ans, et le changement s'installe, devient durable, surtout si l’on tient compte des interrogations sur d’éventuelles nouvelles vagues. C’est la massification du "One to few" (la classe virtuelle) et de son corollaire le "One to many" (les enseignements en visioconférence) qui complète le "One to one" existant. Qu’est-ce qui change en 2022 ? La montée en puissance des outils d’animation. Une fois la classe virtuelle adoptée, encore faut-il l’animer. C’est le travail d'applications comme Klaxoon, Beekast ou Wooclap qui permettent d’étoffer les classes virtuelles en créant de nouvelles expériences apprenantes à distance. Plus classiquement, des sites comme Miro.com permettent l’usage d’outils de collaboration intéressants... Tout est bon, pourvu que l’on capte l’engagement de l’apprenant.

3/Les podcasts apprenants

Le podcast est la grande redécouverte de 2021 avec l’émergence de Club House (avril 2020), qui a révolutionné les usages et a contraint les acteurs majeurs à se lancer dans l’aventure en développant un écosystème audio. Le podcast est un outil particulièrement bien adapté à la connaissance et à l’enseignement car l’audio favorise la réflexion, plus que la vidéo. Les podcasts apprenants sont créatifs et font émerger de nouveaux usages. On peut citer les "rooms audio', qui favorisent l’interaction synchrone, ce que ne permettent pas les podcasts traditionnels. Une start-up française, Tumult, vient de se lancer sur ce créneau, alors même que la formation audio vient étoffer la liste des supports pédagogiques.

4/Les communautés apprenantes

Les communautés apprenantes sont la clé de voûte de "l’apprendre ensemble asynchrone", permettant à chacun de respecter son rythme d’apprentissage. Reste à les animer, et donc à développer les compétences des animateurs autour du snack content, de l’infographie, de la vidéoïfication et, plus globalement, des pédagogies qui favorisent l’engagement. A minima, les communautés apprenantes sont le SAV des formations... mais cela peut aller beaucoup plus loin. Les communautés utilisent de plus en plus des supports qui favorisent les usages de mobile learning tels Signal, Telegram ou WhatsApps pour l’international. La pédagogie mobile ouvre des usages qui restent à construire et nécessitent des interactivités plus fortes, à condition d’avoir construit une scénarisation ad hoc.

5/Les Master Class

C’est le petit nouveau qui a connu son essor avec le confinement. Il s’agit d’un "mini-MOOC" d'une durée de 1 à 2 heures sauf que, contrairement au MOOC, il n’y a pas de date de départ et de fin : c’est une ressource mise à disposition de l’apprenant, et qui peut être mobilisée à tout moment. Les "Master Class" doivent sélectionner des "maîtres de l’expertise" pour mettre à disposition cette notoriété au service de la relation apprenante. On peut noter que cette personnalisation de l’expertise est un phénomène nouveau dans le monde de la formation professionnelle avec, à la clé, des opportunités intéressantes.

6/Le Learner Generated Content (LGC)

C’est le Graal de l’interaction qui permet de "redonner la main aux apprenants" en inversant la pyramide de transmission des savoirs : cette fois, c’est l’apprenant qui produit le contenu et l’animateur qui réalise la pédagogie pour atteindre les objectifs de la formation. Il s’agit, par exemple, de demander aux collaborateurs de filmer leurs pratiques ou leurs questionnements pour construire une pédagogie remontante (bottom up) puis de réorganiser toutes ces ressources pour en faire des produits de formation.
L’avantage de cette pédagogie est qu’elle est plus proche des préoccupations du terrain et qu’elle permet  une acceptabilité plus forte ainsi qu’une meilleure efficacité. C’est le vieux rêve numérique du knowledge management et/ou de l’intelligence collective : piloter les connaissances et les compétences à partir de situations issues du terrain.

7/L’iconographie

L’iconographie a connu un regain d'intérêt avec la notion de "stories apprenantes". Il s'agit de collections de contenus photos et/ou vidéos qui mettent en avant les moments forts pour l’apprenant avec des punchlines, des stickers, des liens… C’est ce qu’on appelle le "motion design" ou "motion graphic design" : donner vie aux images pour capter l’attention et favoriser l’engagement ainsi que la mémorisation de l’apprenant. Reste au pédagogue à construire une ligne éditoriale et iconographique qui construit un univers formatif cohérent avec la charte graphique de l’entreprise, et l'ensemble des outils d’animation.

8/ Le Learner Satisfaction (LSAT)

Le Learner Satisfaction est un indicateur traditionnel de la formation. L’obligation légale (article L6362-5 du Code du travail) contraint les organismes de formation à fournir une fiche d’évaluation aux apprenants afin de mesurer leur niveau de satisfaction (premier niveau de la pyramide de Donald Kirkpatrick). La nouveauté tient à l'usage de cet indicateur, en temps réel, ce qui permet d'évaluer la satisfaction de l'apprenant à plusieurs moments clés (et non plus seulement à la fin). Mais l’usage peut aussi évoluer du "LSAT one to one" au social scoring, générer des indicateurs que chacun peut voir et annoter :  c’est ce que la littérature appelle le "TripAdvisor de la formation". Le LSAT nouvelle génération opère un changement culturel. Il s’agit de centrer l’évaluation sur l’apprenant et d’accepter qu’il soit suffisamment adulte pour que sa satisfaction repose sur une acquisition bien comprise des connaissances et des compétences.

9/L’immersif apprenant

L’innovation majeure de l’immersif fut annoncé le 28 octobre 2021 au Facebook Connect : "Le métavers sera le successeur de l’internet mobile" a déclaré Mark Zuckerberg, qui a investi 10 milliards de dollars en 2021 et se donne 5 ans pour réussir son pari. Si, aujourd’hui, cela se traduit surtout par un monde de SIM’S en réalité virtuelle, le groupe a lancé un gant haptique qui, couplé à Oculus (Méta Quest), promet de belles innovations. Si l’on projette l’ambition de Méta, ce serait de construire le "store" de la réalité virtuelle et/ou augmentée, laissant aux développeurs la créativité des usages. Si l’on reste sur la formation, Méta se propose de réinventer l’environnement de travail et formatif. Selon une étude PwC, l’apprenant immersif est jusqu’à 4 fois plus concentré que son homologue en e-learning (1,5 fois plus que celui qui suit une formation classique) avec, à la clé, un meilleur engagement et surtout une meilleure mémorisation. A terme, il sera toutefois important de penser des indicateurs de "qualité de vie en formation" (risque de burn out, construction de standards sociaux....).

10/L’Internet of Things (IoT)

L’IoT ("internet des objets"), c'est l’ensemble des objets connectés à internet (hors smartphones et tablettes). Fin 2020, il y avait 12 milliards d’objets connectés dans le monde pour moins de 8 milliards d’habitants. En France, l’IoT a connu en 2020 une croissance de 59 % en un an, selon une étude GfK. La domotique représente la moitié du chiffre d'affaires, et les "wearables" (montres, bracelets, lunettes) un tiers. Grâce au développement de la 5G et les tests de la 6G, l’avenir est assuré... reste à construire les usages. En formation, cette démocratisation des outils permet de placer l’apprenant au centre. Grâce aux wearables, il devient possible d’obtenir une somme d’informations en continu, ce qui ouvre à une nouvelle gouvernance des datas avec une politique de big data/IA et une montée en puissance du "quantify-self" : les apprenants s’évaluent et pilotent directement leurs apprentissages.

Le bonus "Coup de cœur"

Les prises de notes collectives sont un usage pédagogique qui permet aux apprenants de partager leur prise de note sous la supervision ou non d'un formateur. Des outils comme Collabpad, NoteBuddy, Supernotes, Framapad et tant d’autres - gratuits - confèrent une dimension particulièrement intéressante au pair à pair.

A propos de l'auteur

Stéphane Diebold a mis son expérience au service de l'innovation pédagogique et de la performance en entreprise, au sein de TEMNA dont il est le fondateur depuis 2003. Associatif, il a assumé des responsabilités dans une dizaine d'association, essentiellement formatives, aujourd'hui Président fondateur de l'AFFEN (Association Française pour la Formation en Entreprise et les usages Numériques).