Tchat terminé

Avion détourné par la Biélorussie, sanctions de l’Union européenne : nos réponses à vos questions

Après le détournement d’un vol par le régime d’Alexandre Loukachenko pour arrêter le journaliste Roman Protassevitch, la Biélorussie se retrouve de plus en plus isolée. Isabelle Mandraud, journaliste au « Monde », a répondu à vos questions.

Le 28/05 à 16:40

Ce tchat consacré à la Biélorussie avec notre journaliste Isabelle Mandraud est terminé. Merci pour vos questions ! Merci de l’avoir suivi. Bonne journée.

Le 28/05 à 16:30

Bonjour, quelles genres de sanctions risque la Biélorussie ?
GJM

Isabelle Mandraud. Il risque d’y avoir plusieurs salves. Un premier train de sanctions sectorielles pourrait être décidé sous peu.

Et surtout, plusieurs enquêtes sont en cours. L’association Reporters sans frontières a déposé une plainte contre Alexandre Loukachenko pour « terrorisme », caractérisé par le détournement d’un avion ; le parquet de Vilnius a ouvert une enquête pénale, tout comme la Pologne, qui devrait se muer en enquête internationale ; l’Organisation de l’aviation civile internationale, enfin, en ouvre une autre de son côté. De leurs conclusions, découleront aussi des conséquences.

Le 28/05 à 16:26
Quels sont les pays européens sur la ligne la plus dure contre la Biélorussie et ceux les plus conciliants ?
Baptiste

Isabelle Mandraud. Cette question recouvre celle des relations avec la Russie. Pour faire simple, les pays Baltes, la Pologne, et dans une certaine mesure les pays Scandinaves, sont les moins disposés à passer des compromis avec Moscou. Mais encore une fois, pour imposer des sanctions, l’unanimité est requise et elle s’est clairement faite entendre sur le fait qu’Alexandre Loukachenko avait dépassé toutes les bornes en détournant un avion commercial et en envoyant un Mig-29 pour capturer un journaliste de 26 ans !

D’autant que l’argumentation de Minsk, au sujet d’un prétendu mail reçu annonçant la présence d’une bombe à bord revendiquée par le Hamas, apparaît pitoyable. La société de couriels, Proton Technologies, a révélé que le mail en question qui a transité via ses services, était parti… après le début du détournement du vol Ryanair.

Le 28/05 à 16:13
Est-il exact que Roman Protassevitch ("journaliste critique" selon votre expression) aurait des liens avérés avec les nazis ukrainiens du Bataillon Azov comme l'a écrit le 24 mai dernier le Times de Londres?
Jean Paul B.

Isabelle Mandraud. Le terme « nazi » désignant aux yeux des autorités russes toute personne contrevenant à leurs vues, repris ad nauseum par la propagande, je crois que cela suffit à clore cette question.

Le 28/05 à 16:12
Vous parlez de divisions dans les rangs de l'opposition. Quelles sont les différentes mouvances qui se distinguent au sein de celle-ci ?
Baby-wade

Isabelle Mandraud. Sans rentrer dans les détails, il est difficile de se mettre autour d’une table pour discuter quand on a des responsables en prison ou en exil. Le mari de Svetlana Tsikahnovskaïa, qui aurait dû être candidat à l’élection présidentielle, a été jeté en prison avant même le scrutin. Il a donc été remplacé par sa femme. Depuis 1994, la vie politique est étouffée.

Le 28/05 à 16:11

"Contre les autocraties, les démocraties paraissent faibles. Je pense que c’est le contraire." Pourriez-vous développer cette idée ? Sous-entendez-vous que les démocraties encouragent se faisant les oppositions ?
tau

Isabelle Mandraud. Pour survivre, le modèle autocratique doit constamment faire preuve de toujours plus de coercition, à la différence des démocraties, qui attirent. Ces dernières ne sont sans doute pas parfaites mais elles permettent l’alternance et le respect des droits fondamentaux. Rendez-vous compte que Roman Protassevitch, né en 1995, n’a connu que Loukachenko comme dirigeant, de la même manière que les jeunes Russe de 20 ans n’ont connu que Poutine.

Le rôle des démocraties n’est pas d’encourager telle ou telle opposition mais de défendre des valeurs communes, comme la liberté d’expression, le droit de manifester, la défense de l’Etat de droit ou l’organisation d’élections libres. C’est-à-dire tout ce que redoute Loukachenko !

Le 28/05 à 16:01
J'ai beaucoup entendu parler de sanctions de l'Europe contre la Biélorussie, mais en dehors de quelques condamnations verbales, je n'ai pas vu grand-chose venir d'Etats isolés. Est-ce parce qu'ils craignent un manque d'impact ? Ou est-ce au nom de l'unité de l'Union européenne ? Et d'ailleurs, ont-ils vraiment la possibilité ou le droit d'engager des sanctions en dehors du cadre de l'UE ?
Rayyan

Isabelle Mandraud. Chaque Etat est souverain mais le principe de l’UE est de prendre des mesures communes à l’unanimité. En dehors des nouvelles sanctions attendues, plus de 80 dignitaires biélorusses sont déjà ciblés (gel des avoirs, interdiction de visa…).

Le 28/05 à 15:59
Quelles seraient les conséquences d'un rapprochement de la Biélorussie avec la Russie pour l'Union européenne ?
Flamber

Isabelle Mandraud. Un sentiment de déjà vu peut-être ? Plus sérieusement, dans l’état actuel des choses, cela ne changerait pas grand-chose pour l’UE avec la Biélorussie.

En revanche, avec la Russie, les rapports continueront à se dégrader. Après l’Ossétie du Sud, l’Abkhazie, la Crimée, le Donbass, sans oublier la Transnistrie puis la Biélorussie, le Kremlin essaie de créer, petit à petit, une zone tampon entre l’Europe et la Russie.

Le 28/05 à 15:55

Bonjour, Vous évoquez les discussions autour des sanctions européennes mais peu les positions unilatérales des États. Quelles ont été les réactions de l’Ukraine et des États-Unis suite à l’arrestation du journaliste ?
...

Isabelle Mandraud. Vous parlez de pays hors UE. L’Ukraine a décidé aujourd’hui de fermer son espace aérien à la Biélorussie, ce qui n’est guère étonnant vu la position dominante de la Russie dans ce dossier. Kiev accueille aussi des Biélorusses qui n’ont pas besoin de visas pour venir, à la différence des pays de l’UE.

S’agissant des Etats-Unis, Washington considère manifestement que c’est aux Européens de gérer cette nouvelle crise. Mais cela fera sans doute partie, aussi, des discussions que devraient avoir Joe Biden et Vladimir Poutine lors de leur première rencontre bilatérale, prévue le 16 juin, à Genève.

Le 28/05 à 15:52
A quel point l'approvisionnement en gaz passant par la Biélorussie influe-t-il sur cette crise diplomatique et politique ?
Magn

C’est un outil éventuel de sanctions. Si l’UE décide de cesser de s’alimenter en gaz via le gazoduc biélorusse, et de recourir à un autre, cela aurait un impact économique important sur Minsk. Mais la décision est encore loin d’être prise.

Le 28/05 à 15:50
Cet événement a-t-il renforcé le soutien à l’opposition à l’intérieur du pays ou bien a-t-il participé à un sentiment d’impuissance et de découragement ?
Camlacanaille

Isabelle Mandraud. Il a provoqué une très vive inquiétude, c’est certain. Beaucoup de Biélorusses ont compris qu’Alexandre Loukachenko était capable d’aller très loin pour éradiquer l’opposition. Passés l’effroi et la surprise, la colère, elle, ne se dissipe pas. Parmi les Biélorusses exilés en Lituanie que j’ai rencontrés, certains me disaient que cela prendrait peut-être du temps mais qu’ils verraient une « nouvelle Biélorussie ».

Le 28/05 à 15:48
Bonjour, certains réseaux, plutôt à tendance complotistes, tendent à relativiser cet acte, le comparant notamment à l'atterrissage forcé de l'avion du président bolivien Morales. Pouvez-vous dégonfler le sujet ?
Coupy

Isabelle Mandraud. Sans problème ! Cet argument avancé par le ministère russe des affaires étrangères n’est pas justifié. L’avion du président colombien était un avion gouvernemental, un Falcon 900, qui doit, dans ce cas, obtenir l’autorisation de chaque pays survolé – ce qu’il n’a pas obtenu ou du moins pas tout de suite puisqu’il a été forcé de patienter à Vienne, alors qu’il se rendait de Russie vers la Colombie.

Dans le cas du vol de Ryanair, il s’agit d’une compagnie commerciale qui, comme toutes autres, est régie par des accords internationaux. Ce n’est donc pas comparable. La manœuvre d’Alexandre Loukachenko est sans précédent.

Le 28/05 à 15:40
Pourquoi est-ce que la Russie cible particulièrement la France en interdisant à Air France de se poser chez elle alors que le reste de l'Europe semble autorisé à le faire ?
Kawamarad

Isabelle Mandraud. La France n’est pas la seule concernée, d’autres compagnies aériennes le sont, comme Air Austrian. Moscou affirme que cette situation est due à des « ajustements techniques ». Nous verrons bien.

Le 28/05 à 15:38
Quel intérêt pour le pouvoir biélorusse de procéder à cette arrestation qui allait nécessairement entraîner le courroux de l'Union européenne et réattirer l'attention internationale sur le mouvement de protestation ?
Baby-wade

Isabelle Mandraud. Ce détournement, aussi spectaculaire soit-il, n’est qu’un aspect de la répression féroce entreprise par Alexandre Loukachenko contre ses opposants.

Les médias indépendants disparaissent, les journalistes et les blogueurs sont arrêtés et emprisonnés. Puis cela a été le tour des administrateurs Telegram, des youtubeurs. La dernière youtubeuse a été arrêtée la semaine dernière. C’est le sort désormais promis à quiconque sortirait dans la rue manifester. Loukanchenko veut éradiquer toute forme de résistance, car il sait qu’elle pourrait reprendre, malgré les divisions dans les rangs de l’opposition.

Le 28/05 à 15:36

Le soutien de Moscou à Loukachenko ne peut-il pas se retourner contre lui ? Le Kremlin ne pourrait-il pas en effet profiter justement de cet aveu de faiblesse de la part du dirigeant biélorusse pour avancer son agenda et renforcer son influence sur le pays ?
A

Isabelle Mandraud. Bien sûr. Alexandre Loukachenko dépend totalement, aujourd’hui, de son allié Vladimir Poutine. Mais l’influence du chef du Kremlin sur la population biélorusse, qui a manifesté son désir de sortir d’un système post-soviétique, perpétué depuis 1994 par son dirigeant actuel, est fort différente.

Le 28/05 à 15:34
Bonjour et merci pour ce tchat. On entend parler régulièrement d'un projet de rapprochement entre la Biélorussie et la Russie, pouvez nous expliquer ? Ou en est ce projet ? Par ailleurs, Loukachenko prépare-t-il déjà sa succession ? Et enfin, est-il possible d'estimer le pourcentage de la population qui le soutient encore ?
Gaétanp

Isabelle Mandraud. Ce projet d’intégration existe, en effet, depuis plusieurs années. Il reposait sur l’idée de créer un Parlement commun, une monnaie commune, etc. Il a été brusquement ranimé par le Kremlin depuis deux ans. Et la pression de Moscou sur Minsk s’accentue. Cela signifierait, de fait, l’absorption de la Biélorussie, même si elle ne sera jamais formulée comme cela.

Pour preuve, les médias russes ont diffusé, peu après le début du mouvement de contestation en Biélorussie, les images de l’ambassadeur russe montrant à Alexandre Loukacheno, dans son bureau, un vieil atlas de l’Empire tsariste avec une Biélorussie totalement intégrée… Ces images, et plus encore les commentaires qui les accompagnaient, étaient particulièrement cyniques.

Le 28/05 à 15:25
J'ai l'impression que l'UE ou la communauté internationale n'a aucun "pouvoir" contre ce genre de choses. Les sanctions n'affectent pas les dirigeants ou le pays et les dirigeants ne changent pas, peut-être grâce à la protection de la Russie. Sommes-nous aussi impuissants face à ce genre de choses ?
Pierre

Isabelle Mandraud. Contre les autocraties, les démocraties paraissent faibles. Je pense que c’est le contraire.

Le 28/05 à 15:23
Bonjour. L'UE a déjà pris par le passé des mesures contraignantes vis-à-vis de la Russie par exemple (gel des avoirs…) sans pour autant parvenir à un changement d'attitude perceptible. N'en sera-t-il pas de même avec la Biélorussie ? N'est-ce pas (encore une fois) la crédibilité de l'UE qui est en jeu ?
tau

Isabelle Mandraud. Dans les deux cas, l’UE est confrontée au même dilemme. Les sanctions, qui nécessitent l’unanimité des Vingt-Sept, sont avant tout destinées à marquer la condamnation de l’UE. Elles ont un impact limité, mais elles en ont un quand même. Contre des régimes autoritaires, qui piétinent sans vergogne l’Etat de droit, l’UE n’a guère d’autres solutions communes.

Le 28/05 à 15:21
Bonjour, ma question est la suivante : prennant en compte le fait que l'opposant biélorusse n'est pas le seul à avoir été arrêté, le second étant russe, la relation russo-biélorusse pourrait en souffrir. Loukachenko lui-même est considéré par certains médias russes comme un allié compliqué pour le Kremlin. Est-ce que les relations entre la Biélorussie et la Russie son conditionées uniquement pour faire opposition à l'Union européenne ou pouvons-nous considérer leurs relations comme opportunistes et dépendantes du contexte ?
Businka2021

Isabelle Mandraud. La compagne de Roman Protassevitch, Sofia Sapega, est effectivement russe, et elle a été interpellée en même temps que lui, dans les mêmes conditions, avant d’être placée pour deux mois en détention provisoire. Je n’ai pas vu les autorités russes s’en émouvoir outre mesure, en dehors du fait qu’elle obtiendrait l’assistance consulaire coutumière dans ce genre de situation.

La relation entre la Biélorussie et la Russie est certes complexe mais Alexandre Loukachenko n’a plus le choix. Son unique allié est Vladimir Poutine. Le risque pour la Biélorussie est de perdre son indépendance acquise en 1991, après l’effondrement de l’URSS.

Le 28/05 à 15:20
Peut-on imaginer qu'à terme l'épisode du détournement de l'avion de Ryanair aboutisse au renversement du régime Loukachenko ? Si un mouvement populaire devait prendre de l'ampleur, peut-on imaginer que la Russie envoie un soutien militaire ?
Christophe

Isabelle Mandraud. Difficile de dire si cela aura un impact sur le sort d’Alexandre Loukachenko. Ce nouvel épisode, et la répression qu’il exerce dans son pays contre toutes les voix dissidentes, montre qu’il n’a plus de limites. Le soutien de la Russie lui est acquis, il n’y a aucun doute là-dessus, mais cela a aussi un prix, « l’intégration » de la Biélorussie à la Russie, projet qui tient à cœur Vladimir Poutine depuis longtemps. Du côté de l’opposition, la chef de file que j’ai rencontrée à Vilnius, Svetlana Tsikhanovskaïa, me disait qu’elle pensait que la contestation reprendrait en Biélorussie. Mais elle est, depuis des semaines, littéralement étouffée. Les arrestations de journalistes et blogueurs se multiplient.

Le contexte

Image de couverture : AP

Depuis dimanche 23 mai, la Biélorussie du président Alexandre Loukachenko est accusée d’avoir détourné un avion de la compagnie Ryanair allant d’Athènes à Vilnius, prétextant une menace à la bombe, pour arrêter l’opposant Roman Protassevitch et sa compagne. Ce journaliste, exilé depuis deux ans, est désormais détenu à Minsk.

« Inacceptable », « abject », « sans précédent »… Dès la nouvelle du détournement de l’avion connue, les condamnations au sein de l’Union européenne ont été unanimes. Le lendemain, les Vingt-Sept, réunis en sommet à Bruxelles, ont adopté de premières sanctions contre la Biélorussie, fermant son espace aérien aux avions de ce pays et recommandant à toutes les compagnies aériennes d’éviter les cieux biélorusses. Ils ont annoncé également la préparation d’un nouveau volet de sanctions contre le régime. Une décision applaudie à Washington, où le président Joe Biden a décrit l’attitude du pouvoir biélorusse comme « une insulte aux règles internationales ».

De son côté, Alexandre Loukachenko, qui a reçu le soutien de Moscou, fait fi de toutes ces critiques et a assuré mercredi avoir agi « légalement » en déroutant l’avion sur Minsk. Au pouvoir depuis 1994, le président est visé depuis plusieurs mois par un mouvement de protestation inédit dans le pays.

Pourquoi le régime biélorusse a-t-il décidé d’arrêter l’opposant Roman Protassevitch ? Jusqu’où l’Union européenne peut-elle aller dans ses sanctions ? Où en est le mouvement de protestation dans le pays ? La journaliste du Monde Isabelle Mandraud a répondu à vos questions.

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