Dépistage du coronavirus : une complication rarissime lors de l’écouvillonnage nasal

Prélèvement nasopharyngé avant réalisation d’un test diagnostique PCR à la recherche du matériel génétique du coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la maladie Covid-19. Marty FM, et al. N Engl J Med. 2020;382(22):e76.

C’est l’histoire d’une quadragénaire américaine présentant un écoulement nasal unilatéral, un goût métallique dans la bouche, des maux de tête, une raideur de la nuque et une photophobie (grande sensibilité à la lumière). Cette patiente a récemment subi un test PCR de dépistage du coronavirus par écouvillonnage nasal. Elle devait en effet se faire opérer d’une hernie abdominale. Aux États-Unis, un test diagnostique PCR de détection du SARS-CoV-2 est pratiqué en routine dans de nombreux hôpitaux avant de réaliser une intervention chirurgicale.

Peu de temps après l’introduction de l’écouvillon, qui mesure une quinzaine de centimètres, cette femme a eu le nez qui coule, mal à la tête et a vomi. Dans les antécédents médicaux, on note que cette patiente a présenté une hypertension intracrânienne idiopathique (d’origine inconnue) et qu’elle a été opérée il y a plus de vingt ans pour des polypes nasaux.

L’examen clinique révèle un écoulement d’un liquide clair par le nez, du côté droit (rhinorrhée unilatérale). Les oto-rhino-laryngologistes réalisent alors une nasopharyngoscopie : ils utilisent un endoscope (fin instrument flexible muni d’une source lumineuse) pour examiner le nez. Cet examen visualise au niveau de la face latérale de la cavité nasale une masse dans le méat moyen, situé entre le cornet inférieur et le cornet moyen. Le méat moyen est une petite cavité correspondant au lieu de drainage de tous les sinus antérieurs de la face. Les ORL ne parviennent cependant pas à identifier la source de l’écoulement nasal.

La flèche jaune indique la localisation de l’encéphalocèle. Sullivan CB, et al. JAMA Otolaryngol Head Neck Surg. October 1, 2020.

Un scanner et une IRM sont réalisés. Ces examens d’imagerie permettent de révéler la présence du côté droit d’une encéphalocèle*, sorte de petite hernie du cerveau et des méninges à travers un orifice crânien. Cette malformation sur la ligne médiane peut être de petite taille et entraîner peu de symptômes, et est donc de diagnostic difficile. L’hypertension intracranienne idiopathique est par ailleurs un facteur de risque de survenue de ce type de lésion**.

L’encéphalocèle, qui mesure 1,8 cm, s’étend de l’ethmoïde, os médian situé à la partie antérieure et médiane de la base du crâne, jusqu’au méat moyen. Il s’avère que cette patiente présentait sur des clichés radiologiques réalisés en 2017 une image anormale dans cette même région. À l’époque, les ORL pensaient que la patiente présentait une pathologie des sinus paranasaux (cavités remplies d’air et contenues dans les os crâniens). Ils n’avaient donc pas porté le diagnostic d’encéphalocèle.

La patiente a été transférée à l’hôpital pour y subir une intervention chirurgicale par voie endoscopique. Un colorant fluorescent est injecté via un drain placé dans la région lombaire. En remontant dans le liquide céphalo-rachidien en direction du cerveau, celui-ci a permis d’identifier l’encéphalocèle dans la cavité antérieure de l’os ethmoïde droit.

Une intervention chirurgicale est décidée. Après ablation de l’encéphalocèle, la brèche osseuse au niveau de l’ethmoïde est réparée en utilisant des matériaux inertes. Il s’agit en effet de combler la brèche à travers laquelle s’écoule du liquide céphalo-rachidien (LCR), responsable de l’écoulement de liquide clair par la narine droite. La patiente a ensuite été suivie sur le plan neurologique.

Fuite de liquide céphalo-rachidien

« C’est la première fois que l’on rapporte une fuite de liquide céphalo-rachidien d’origine iatrogène après un écouvillonnage nasal réalisé en vue de dépister la Covid-19 », déclarent dans un article publié en ligne le 2 octobre 2020 dans la revue JAMA Otolaryngology-Head & Neck Surgery le Dr Christopher Blake Sullivan et ses collègues ORL des hôpitaux universitaire de l’Iowa (Iowa City). Et d’ajouter qu’il arrive que des chirurgiens ORL  en intervenant au niveau de l’ethmoïde, dans une petite région à l’anatomie particulièrement complexe, créent par inadvertance une brèche, responsable d’une fuite de LCR, ce qu’on appelle une brèche cérébro-spinale.

Les auteurs estiment donc que l’écouvillonnage nasal n’a pas perforé la base du crâne de cette patiente mais plutôt percé l’encéphalocèle dont cette femme était porteuse et qui n’avait pas été diagnostiquée trois ans plus tôt. Autrement dit, l’écouvillon nasal n’a évidemment pas touché le cerveau.

Selon les auteurs, cette fuite de LCR d’origine iatrogène, en l’occurrence imputable à un écouvillonnage nasal, illustre le fait qu’une intervention chirurgicale antérieure, ou une pathologie déformant l’anatomie nasale normale, peut augmenter le risque d’événements indésirables associés à des prélèvements nasaux pour détecter des agents pathogènes respiratoires, notamment dans le cadre du dépistage du coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la Covid-19. Et d’ajouter : « Il convient d’envisager des méthodes alternatives au dépistage nasal chez les patients présentant des brèches de la base du crâne, des antécédents de chirurgie à ce niveau ou sur les sinus, ou des pathologies prédisposant à l’érosion de la base du crâne ».

« Les professionnels de santé doivent également être correctement formés pour réaliser ces tests de manière efficace mais sûre », me confie le Dr Christopher Blake Sullivan.

Marc Gozlan (Suivez-moi sur Twitter, sur Facebook

* Plus précisément, l’encéphalocèle s’étendait du toit ethmoïdal (ou fovea ethmoïdalis) au méat moyen. L’ethmoïde est un os est situé à la partie antérieure et médiane de la base du crâne. Le liquide de drainage nasal était positif pour la bêta-2-transferrine, protéine normalement retrouvée en faible proportion dans le liquide céphalo-rachidien.

** Habituellement, l’encéphalocèle est une malformation congénitale secondaire à un défaut de fermeture du tube neural lors de l’embryogenèse, du tissu cérébral (avec méninges et LCR) s’insinuant à travers une brèche du crâne (encore appelé défect osseux).

** Chez cette patiente, le comblement de la brèche a été réalisé en utilisant une matrice dermique acellulaire et un polymère biodégradable (acide polylactique).

Pour en savoir plus :

Sullivan CB, Schwalje AT, Jensen M, et al. Cerebrospinal Fluid Leak After Nasal Swab Testing for Coronavirus Disease 2019. JAMA Otolaryngol Head Neck Surg. Published online October 1, 2020. doi:10.1001/jamaoto.2020.3579

Sharma SD, Kumar G, Bal J, Eweiss A. Endoscopic repair of cerebrospinal fluid rhinorrhoea. Eur Ann Otorhinolaryngol Head Neck Dis. 2016 Jun;133(3):187-90. doi: 10.1016/j.anorl.2015.05.010

Daele JJ, Goffart Y, Machiels S. Traumatic, iatrogenic, and spontaneous cerebrospinal fluid (CSF) leak: endoscopic repair. B-ENT. 2011;7 Suppl 17:47-60. PMID: 22338375.

Sur le web :

Interim Guidelines for Collecting, Handling, and Testing Clinical Specimens for COVID-19. (CDC, 2020)