Un office à l'église Saint-Sulpice à Paris, le 29 novembre 2020

Les fidèles, de moins en moins nombreux, rechignent à payer pour les dérives des clercs (Ici, un office à l'église Saint-Sulpice à Paris, en novembre 2020).

afp.com/ALAIN JOCARD

Il faudra attendre encore un peu avant de savoir quel dispositif l'Eglise catholique entend mettre en oeuvre pour offrir une réparation aux victimes d'abus sexuels commis par des prêtres pendant des décennies. Réunie en assemblée générale extraordinaire du 22 au 24 février, la Conférence des évêques de France (CEF) a esquivé la question et renvoyé l'annonce de ses décisions à la fin du mois de mars. Le sujet empoisonne les débats en son sein depuis presque un an et demi. Le thème des réparations, financières, morales ou mémorielles, pose la problématique de la responsabilité. Or demander pardon ou offrir un dédommagement signifie reconnaître celle de l'Institution, et pas seulement celle des abuseurs. Une partie des évêques n'y est pas disposée.

Publicité
LIRE AUSSI : Pédocriminalité dans l'Eglise :

Pourtant, en novembre 2019, en pleine affaire Barbarin, la CEF avait détaillé un mécanisme en faveur des victimes : celles-ci seraient indemnisées de manière forfaitaire à partir d'un fonds alimenté, notamment par les dons des fidèles. Mais le moins que l'on puisse dire, c'est que la mesure n'a pas été bien accueillie, ni par ces derniers ni par les victimes. "Pour que la personne abusée aille mieux, il faut que l'abuseur et l'abuseur moral - l'Eglise - reconnaissent les faits et accordent réparation. L'idée d'une somme forfaitaire ne nous satisfait pas, car les vies ont été gâchées de différentes façons. Il faut une commission indépendante qui évalue individuellement le préjudice", rétorque Jean-Pierre Sautreau, fondateur d'un collectif de victimes en Vendée, auteur de Criez pour nous (Ed. Nouvelles sources).

Les dons à l'Eglise en baisse de 17%

Quant aux croyants, un certain nombre avait fait savoir qu'ils ne se sentaient pas comptables des abus commis par des clercs. "Faire appel aux fidèles pour payer la réparation est une erreur de stratégie de l'Eglise à mon sens, analyse François Devaux, fondateur de l'association La Parole libérée, à l'origine de l'affaire Preynat, dans le diocèse lyonnais. Les évêques feraient mieux de dire : c'est notre erreur, on va l'assumer, on va vendre ce qu'il faudra pour y arriver. C'est la seule manière de se réconcilier avec les fidèles, qui partent en masse."

LIRE AUSSI : Jean-Marc Sauvé, un éclaireur dans l'Eglise

Obligée de revoir sa copie dans l'urgence, la CEF s'efforce de trouver un dispositif qui convaincra les catholiques de mettre la main à la poche. Le tout dans un contexte où les dons à l'Eglise ont diminué de 90 millions d'euros entre 2019 et 2020 (soit une baisse de 17%) et où, en raison d'une perte de la foi ou de risques sanitaires, tous les croyants n'ont pas retrouvé le chemin de leur paroisse.

L'idée est de ne plus parler de "responsabilité", mais de "solidarité avec ceux qui souffrent" afin de justifier un appel aux dons. Pas sûr que cela suffise. En prenant des décisions dès mars, la CEF espère aussi prendre de vitesse le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise, attendu pour octobre, qui s'annonce dévastateur envers cette dernière, au regard du point d'étape effectué le mardi 2 mars par Jean-Marc Sauvé, son président.

Publicité