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CQFD

Sept questions sur Viginum, nouvelle agence contre les cyberattaques étrangères

Le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, Viginum, sera notamment chargé de surveiller les tentatives de déstabilisation pendant la campagne présidentielle. Il commence ses travaux ce vendredi. Qui le dirige ? Et le surveille ? Les explications de CQFD.

Le référendum d'autodétermination du 12 décembre prochain dans l'archipel français de Nouvelle-Calédonie constituera un point de vigilance pour Viginum.
Le référendum d'autodétermination du 12 décembre prochain dans l'archipel français de Nouvelle-Calédonie constituera un point de vigilance pour Viginum. (iStock)

Par Tifenn Clinkemaillié

Publié le 15 oct. 2021 à 11:10Mis à jour le 15 oct. 2021 à 15:56

Jour J pour la nouvelle agence de lutte contre les ingérences numériques étrangères. Les travaux de Viginum, dont la création avait été annoncée début juin, débutent ce vendredi. Ils consisteront notamment à surveiller les tentatives de déstabilisation de la campagne présidentielle.

Comment s'organisera-t-elle ? Quels sont ses moyens d'action ? Quelles autres stratégies sont mises en place à l'approche de la présidentielle ? Les explications de CQFD, le format pédagogique des « Echos ».

1. Quel sera le rôle de Viginum ?

Ingérences numériques, tentatives de manipulation des opinions sur les réseaux sociaux ou actions de piratage se sont multipliées dans les campagnes électorales occidentales ces dernières années. C'est pour les surveiller, que le gouvernement a fait le choix de créer Viginum.

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Le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères aura donc pour mission de surveiller les tentatives de déstabilisations de la campagne présidentielle. Avec cette agence, « il ne s'agit pas de corriger ou rétablir la vérité », avait prévenu d'emblée Stéphane Bouillon, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), début juin. L'idée est plutôt « d'arriver à détecter les attaques quand elles viennent de l'étranger, pouvoir les caractériser et d'une certaine manière les attribuer ».

Ce dispositif permettra par exemple de distinguer les débats alimentés notamment par des fermes à bots. « Ce qui nous intéresse c'est ce qui est en train de devenir pandémique sur le plan informationnel », avait précisé Stéphane Bouillon, lors de l'annonce de sa création.

Ces pratiques ont déjà été observées par le passé. Parmi les cas les plus emblématiques : les ingérences en provenance de Russie pendant la présidentielle américaine de 2016, qui ont fait l'objet d'une enquête approfondie des autorités américaines. Mais aussi, début septembre en Allemagne : à quelques semaines des élections législatives, la justice a ouvert une enquête pour cyberespionnage de députés, derrière lequel Berlin soupçonnait encore la main du Kremlin.

2. Qui la dirige ?

Gabriel Ferriol, conseiller référendaire à la Cour des comptes, a été choisi par le Premier ministre Jean Castex pour piloter Viginum, « à compter du 15 octobre », selon l'arrêté publié au Journal officiel. Il prendra ses fonctions quatre mois après l'annonce de la création de l'agence par Stéphane Bouillon, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), dont elle dépendra.

Le lieutenant-colonel Marc-Antoine Brillant, saint-cyrien breveté de l'Ecole de Guerre, sera chargé de seconder Gabriel Ferriol. Il est notamment passé par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) avant de rejoindre le SGDSN.

Il a en outre dirigé la Task Force « Honfleur », une cellule mandatée par l'exécutif pour enquêter sur une campagne de désinformation anti-française apparue sur les réseaux sociaux après l'assassinat en octobre 2020 de l'enseignant Samuel Paty par un islamiste . Ce bruit de fond s'avérera d'origine turque. Cette expérimentation est à l'origine de la création de Viginum.

3. Quels sont ses moyens ?

L'agence est dotée d'un budget de 12 millions d'euros. Dans le détail, dès décembre 2021, Viginum réunira près de 30 experts dont l'activité sera essentiellement opérationnelle. Les effectifs seront doublés d'ici mi-2022.

Ces experts seront sélectionnés sur différents critères. Certains sont reconnus pour leur expertise en recherche, en analyse numérique, en sciences de la donnée ou encore en sciences humaines et sociales.

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4. Comment seront encadrés les travaux de Viginum ?

Les autorités ont fait le choix d'installer un « comité éthique et scientifique », chargé d'encadrer les travaux de la nouvelle agence. Il sera composé de huit « personnalités qualifiées dans les domaines de compétences du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères », selon un arrêté du Journal Officiel.

L'ancien ambassadeur de France en Chine et en Russie Jean-Maurice Ripert ou la magistrate Marie-Christine Tarrare en font notamment partie. Tout comme, Pauline Talagrand, journaliste à l'AFP, responsable du service d'investigation numérique.

5. Que se passe-t-il une fois une menace identifiée ?

Outre la campagne présidentielle française de 2022, le référendum d'autodétermination du 12 décembre prochain dans l'archipel français de Nouvelle-Calédonie constituera un point de vigilance, dans une région sous influence chinoise.

Mais Viginum n'a pas un rôle décisionnel. Une fois une campagne hostile repérée, c'est l'Etat qui décidera ou non, de r�épondre à celle-ci, et selon quelles modalités. Il pourrait ainsi décider de révéler les ingérences au grand public, geler des accords commerciaux mais aussi s'engager dans des opérations plus discrètes.

6. Quelles étapes restent à franchir ?

Aujourd'hui, Viginum attend toujours le feu vert de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Cette dernière avait été saisie en juillet pour encadrer la capacité de Viginum à collecter des données publiques sur les réseaux sociaux.

Un projet de décret, en cours d'examen, doit préciser le cadre opérationnel légal du service. « Lorsque nous aurons le cadre légal » fourni par le décret, « nous pourrons ajuster nos outils » et ainsi lancer des appels d'offres pour trouver des prestataires, a précisé Marc-Antoine Brillant, le numéro deux de l'agence.

7. Quelles autres instances veillent sur la présidentielle ?

Les services de l'Etat se préparent à une présidentielle à haut risque cyber et ont multiplié les dispositifs pour contrer les attaques informatiques et tentatives de déstabilisation de la campagne. En 2018, le Parlement a ainsi adopté une loi relative à la manipulation de l'information en période électorale. Elle attribue de nouvelles compétences au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Il pourra ainsi empêcher, suspendre ou interrompre la diffusion de services de télévision contrôlés par un Etat étranger ou sous l'influence de cet Etat. Par ailleurs, le CSA fusionnera, en janvier, avec l'autorité publique indépendante Hadopi, pour devenir l'Arcom. Cette nouvelle instance aura notamment pour mission de lutter contre la désinformation en ligne.

Fin septembre, Emmanuel Macron a également lancé une commission intitulée « Les lumières à l'ère numérique ». Cette dernière est chargée d'éclairer le public sur les mécaniques qui conduisent à la désinformation. Elle devra livrer, d'ici la fin de l'année, « une série de propositions concrètes dans les champs de l'éducation, de la régulation, de la lutte contre les diffuseurs de haine et de la désinformation », rapporte la présidence de la République.

Elle est présidée par le sociologue Gérald Bronner, spécialiste des thèses complotistes. La commission a toutefois déjà fait l'objet de critiques. Guy Vallancien, un médecin controversé, membre de la commission, a été accusé d'avoir minimisé le « drame humain » de l'affaire du Mediator. Il a finalement annoncé son départ de la toute jeune instance.

Tifenn Clinkemaillie

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