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Sarah Maldoror, pionnière du cinéma panafricain, décède du coronavirus

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Sarah Maldoror
Sarah Maldoror ©Henrich Vickel
La réalisatrice Sarah Maldoror s’est éteinte lundi 13 avril 2020, à l'âge de 90 ans, des suites du Covid-19. Née d'un père guadeloupéen de Marie-Galante et d'une mère gersoise, elle avait choisi le nom d’artiste "Maldoror" en hommage au poète surréaliste Lautréamont.
Après des débuts au théâtre, Sarah Maldoror fonde, en 1956, "Les griots", première troupe composée d'acteurs africains et afro-caribéens "pour en finir avec les rôles de servante", disait-elle et "faire connaître les artistes et écrivains noirs". L’affiche de leur première mise en scène, Huis clos, est signée de l’artiste cubain Wifredo Lam. Suivent des pièces d'Aimé Césaire La Tragédie du Roi Christophe et de Jean Genet Les Nègres.
 

"Décoloniser la pensée"

En 1961, Sarah Maldoror se rend à Moscou pour étudier le cinéma, sous la direction de Mark Donskoï. Après ce séjour soviétique, elle rejoint les pionniers de la lutte des mouvements de libération africains en Guinée, en Algérie et en Guinée-Bissau aux côtés de son compagnon Mario de Andrade, poète et homme politique angolais, fondateur du Mouvement pour la libération de l’Angola (MPLA). De cette union naissent deux filles Annouchka à Moscou et Henda à Rabat.

Écoutez Annouchka de Andrade parler de ses parents :
La dimension politique occupe une place centrale dans l'œuvre de Sarah Maldoror : "Pour beaucoup de cinéastes africains, le cinéma est un outil de la révolution, une éducation politique pour transformer les consciences. Il s’inscrivait dans l’émergence d’un cinéma du tiers-monde cherchant à décoloniser la pensée pour favoriser des changements radicaux dans la société." 
 

Réhabiliter l’histoire noire au cinéma

Elle fit ses débuts cinématographiques à Alger, aux côtés de Gilo Pontecorvo sur La Bataille d’Alger (1965), puis de William Klein pour le Festival panafricain d’Alger (1969). Son premier film Monangambee (1969), adapté de la nouvelle de Luandino Vieira Le Complet de Mateus, traite de l’incompréhension entre le colonisateur et le colonisé. 

Plus tard, installée à Paris, elle privilégie le format du documentaire qui lui permet de définir au travers de portrait d’artistes, de poètes comme Aimé Césaire ou Léon-Gontran Damas et de précurseurs telle que Toto Bissainthe, l’horizon nécessaire à la réhabilitation de l’histoire noire et de ses figures les plus marquantes. 
 

Pionnière

"Dans l’univers du cinéma noir antillais et africain, vous êtes l’une des seules cinéastes qui soit parvenue avec autant de force et de caractère à porter à l’écran les voix des persécutés et des insoumis", lui dit Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, alors qu'il remet les insignes de chevalière de l'ordre national du Mérite à Sarah Maldoror, "une révoltée au franc-parler, une combattante des injustices, une humaniste résolue"
 

Vous avez d’ailleurs fortement contribué à combler le déficit d’images de femmes africaines tant derrière que devant la caméra. 
-- Fréderic Mitterrand, ministre de la Culture, à Sarah Maldoror


Sarah Maldoror a mis l’acuité de son regard au service de la lutte contre les intolérances et les stigmatisations de tous types et accorda une importance fondamentale à la solidarité entre les opprimés, à la répression politique, et à la culture comme unique moyen d’élévation d’une société, avait poursuivi Frédéric Mitterrand dans son discours.